LOST HIGHWAY de David Lynch (1997)

LOST HIGHWAY

Titre original : Lost Highway
1997 – Etats Unis
Genre : Drame expérimental
Durée : 2h14
Réalisation : David Lynch
Musique : Angelo Badalamenti
Scénario :  David Lynch et Barry Gifford

Avec Bill Pullman, Patricia Arquette, Balthazar Getty, Robert Blake et Robert Loggia

Synopsis : Fred Madison est saxophoniste. Il soupçonne sa femme Renée de le tromper. Dans le même temps, il reçoit des vidéos. Filmées par un inconnu, elles montrent l’appartement de Fred et Renée, vu de l’extérieur puis de l’intérieur. Plus tard, une autre vidéo montre Fred à côté du corps de sa femme assassinée. Il est alors condamné à mort pour ce meurtre mais un homme mystérieux l’arrache à ce destin par un moyen inconnu. Fred Madison se retrouve alors dans la peau d’un autre homme mais, comme dans un rêve, les éléments de son passé vont peu à peu réapparaître, sous une forme différente.

Il aura fallut attendre 5 ans après l’échec commercial et public du film Twin Peaks : fire walk with me pour que Lynch revienne sur le devant de la scène avec un nouveau métrage. Le film Twin Peaks annonçait un grand tournant dans sa carrière. Jusqu’alors, il nous livrait des films que l’on identifiait de loin, où il s’amusait à soulever le mystère qui se cachait sous la surface des choses, dont le plus bel exemple est un des plans d’ouverture de Blue Velvet, cette caméra nous montrant une petite ville tranquille afin de plonger dans l’herbe pour nous dévoiler la vermine. Sous-entendu, des choses horribles se déroulent sous la surface lisse et calme des choses. A partir de Twin Peaks, son œuvre commence à changer, à devenir plus difficile à cerner, plus expérimentale. Les clés de son œuvre ne sont plus si simples, ne sont pas toujours délivrées, et chacun peut se faire son propre opinion de ce qu’il voit. Lynch s’en amuse d’ailleurs en refusant de dévoiler quoi que ce soit sur ses films, laissant le spectateur dans le flou. Encore que, pour Twin Peaks, les clés sont faciles à identifier pour qui à vu la série, malgré le ton radicalement du film par rapport à celle-ci. Pour Lost highway, c’est une autre histoire. Lynch nous raconte, avec Barry Gifford (dont il avait adapté le roman Sailor et Lula en 1990, récompensé par la Palme d’Or à Cannes), les mésaventures de Fred Madison. Saxophoniste, marié à Renée, il vit dans une belle maison à Los Angeles. Une vie à priori tranquille…

Partant d’une situation banale, classique, de la vie quotidienne finalement, Lynch amène petit à petit son récit vers quelque chose de radicalement différent. Le couple n’est pas si heureux que ça, ils sont froids l’un envers l’autre, parlent peu. Lynch appuiera bien cet effet, même lors de la scène de sexe, froide, n’ayant rien d’attirante. La réception d’une cassette vidéo où quelqu’un les as filmés chez eux en train de dormir va faire s’accélérer les évènements, et sera le point de départ d’une spirale sadique où le spectateur passera son temps à analyser le moindre détail afin de ne pas sombrer dans cette spirale. Les angles improbables de cette vidéo, la façon dont Lynch nous la montre et les réactions de Fred sur les caméras (« J’aime garder mon propre souvenir des choses, pas nécessairement ce qu’il s’est passé ! ») sont autant d’éléments importants qui peuvent changer la façon dont le spectateur peut comprendre l’œuvre, l’apprécier, comme la détester. Car dans ce flou ambiant, mais maîtrisé, tout est laissé au spectateur, et c’est lui qui devra choisir entre réfléchir et se faire son idée, ou décrocher du métrage et le juger incompréhensible et inutile. En plus de placer son personnage en tant que spectateur lors de la vision des vidéos, l’amenant au même statut que nous, Lynch ira plus loin en introduisant le personnage de l’homme mystérieux lors d’une soirée. Cet homme mystérieux, aux dialogues complexes, ayant la capacité d’apparaître comme il apparaît, ne serait(il pas tout simplement un double cinématographique de Lynch lui-même ? Apportant finalement autant de réponses plausibles que d’interrogations sans fin, parvenant à saboter notre propre vision et opinion des choses, de par sa seule présence aux moments clés du film, de par son entourage (Un ami de Dick Laurant, mais Laurant serait mort au début du métrage, alors que nous le voyons ensuite). En plus d’intriguer, l’homme mystérieux pose une véritable ambiance par sa présence, pesante. C’est après la première rencontre avec lui que la narration éclate véritablement. Une nouvelle vidéo apparaît et sur celle-ci, Fred se retrouve à côté du cadavre de Renée, et finit donc en prison.

Le film en lui-même commence à se dérégler, et à dévoiler sa nature, pour nous traîner sur cette route perdue… Lost Highway. Route perdue sur laquelle Fred Madison va devenir Pete Dayton. L’histoire se dérègle alors et nous propose de suivre une nouvelle histoire, celle de Pete donc, vivant avec ses deux parents, motards, ayant une petite amie qui l’aime, un petit job tranquille dans un garage. Bref, une vie classique également, mais qui va vite changer en fouillant sous l’apparence des choses. Déjà, avec ses fréquentations, Mr Eddy, véritable taré n’aimant pas que les gens collent aux pares-chocs (et le prouvera dans une scène tournée sur Mulholland Drive). La rencontre entre Pete et Alice, sosie blonde de Renée, n’arrangera pas les choses. Petit à petit, les éléments de la première histoire rattrapent la seconde, et les similitudes en deviennent finalement inquiétantes, à la fois par la complexité dont tous ces évènements sont mis en place et par l’extrême simplicité finalement des thèmes. Mais des éléments importants différents tout de même, comme le sexe. Là où chez Fred et Renée, le sexe est froid, limite glauque, entre Pete et Alice, le sexe est attirant, beau. Renée est Alice, Fred et Pete, mais raccourcir le film à cette simple analyse ne rendrait pas hommage au métrage, parvenant à la fois à nous séduire, nous inquiéter, nous faire réfléchir, et nous faire jubiler. Du grand art, tout simplement.

Les plus

Le plus abouti de Lynch visuellement
Des acteurs parfait
Une ambiance unique
Quelques grands moments de cinéma expérimental

Les moins

Les réfractaires du style Lynch vont trouver de quoi dire

En bref : Lynch dévoile pleinement sa nouvelle facette après Twin Peaks, et nous propose de nous plonger au cœur d’un mystère qui ne pourra jamais être totalement comprit, mais qui nous séduira.

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