HÉRÉDITÉ (Hereditary) de Ari Aster (2018)

HÉRÉDITÉ

Titre original : Hereditary
2018 – Etats Unis
Genre : Fantastique
Durée : 2h07
Réalisation : Ari Aster
Musique : Colin Stetson
Scénario : Ari Aster
Avec Toni Collette, Alex Wolff, Milly Shapiro, Gabriel Byrne, Christy Summerhays, Mallory Bechtel et Ann Dowd

Synopsis : Toute famille cache un secret… Après la mort de leur grand-mère, les membres de la famille Graham tentent d’échapper au terrible sort dont ils ont hérité.

Le cinéma de genre dans les salles de cinéma, ça fait quelques années que ce n’est plus ça. Le marché est saturé principalement de deux styles de films. Le premier, ce sont les films à jumpscares, souvent inefficaces et inoffensifs, et dont la seule solution pour se renouveler a été de… multiplier le nombre de jumpscares (bravo), au détriment de l’ambiance et parfois même de l’histoire. Le second, c’est le found footage (Paranormal Acitivy 152 et compagnie). Mais on ne va pas mentir, cette année 2018, et même l’année 2017, aura pourtant offert aux spectateurs un brin patients et sachant trier le genre de belles surprises. The Witch et It Comes at Night l’année dernière, voir Get Out et Split bien que légèrement différents dans leur approche. Et en 2018, nous avons droit à peu près en même temps au cinéma A Quiet Place (Sans un Bruit) et Hereditary (Hérédité). Deux métrages qui semblent opposés mais qui ont pourtant une approche assez similaire, en privilégiant l’ambiance et l’attente, et en mettant au cœur du récit et de ces rebondissements le thème de la famille. Heredditary en tout cas se rapproche finalement un peu plus de The Witch dans son traitement de la déstructuration de la famille. Et à un gros point fort pour lui, à savoir son ambiance. Car c’est simple, c’est clairement, à mes yeux, le genre de films où l’on sait que l’on va voir un bon film dés son plan d’ouverture assez impressionnant, autant par sa simplicité, par sa technique et par l’ambiance qu’il parvient à poser. En quelques secondes seulement, on a confiance en l’œuvre de Ari Aster, qui signe là son tout premier métrage, en tant que réalisateur mais également scénariste. Et pour un premier métrage, quel premier métrage ! Un métrage forcément voué à diviser, ce qui est au final bien plus intéressant qu’un métrage sautant à pieds joints dans une mode actuelle plutôt détestable.

Hereditary donc nous raconte l’histoire d’une famille, suite au décès de la grand mère. Nous faisons la connaissance des différents membres. La mère (Toni Collette), qui semble totalement détachée des événements et de la perte de sa mère, passant son temps à créer des scènes miniatures (c’est son travail), des maquettes. La père, joué par le bien trop rare Gabriel Byrne, et malheureusement un peu en retrait dans cette intrigue. Mais également les deux enfants, le fils (Alex Wolff), passant au départ pour le simple ado mal dans sa peau et qui aime fumer, et la petite (Milly Shapiro), véritable garçon manqué qui semble plutôt inadaptée à son environnement. Une famille dysfonctionnelle donc. Et à partir de cette famille, Ari Aster va s’amuser à nous fournir un film qui va jouer sur l’attente. Car toute la première heure, sans aucun doute la plus réussie, semble ne nous fournir qu’un drame lourd, lourd dans ses silences, lourd dans ses quelques dialogues qui échappent à la mère lors d’un repas de famille, lourd dans sa lenteur même. Si au départ le fils nous apparaît comme le cliché Américain de l’adolescent, il aura su me convaincre en un seul plan de son potentiel, lorsqu’un drame lui arrivera et que la caméra s’attardera sur ses émotions pendant de bien longues secondes, pour le faire réaliser lui mais aussi le spectateur du drame qui l’entoure. Et un film de genre, dépassant la barre des 2h, et qui sait quand il doit prendre son temps, autant dire qu’en 2018, c’est très rare, et que ça fait plaisir. Cette première heure contient d’ailleurs les scènes ainsi que les plans les plus marquants à mes yeux. Le pétage de plombs sans prévenir de Toni Collette à table, le poids pesant sur les épaules du fils, et surtout, au delà de ces scènes qui m’auront fait frissonner mais qui mettent avant tout les personnages en avant, Hereditary contient également des notes étranges. Comme un personnage qui nous regarde depuis l’autre côté de la route, un homme nous souriant à un enterrement, comme figé, ou encore un oiseau fonçant sur une fenêtre.

Des éléments qui paraissent déplacés quand à ce qui les entoure, et qui donne une ambiance fort étrange au métrage. Un métrage en soit dénué d’horreur (si ce n’est celle de la famille et du quotidien). Mais ça ne va bien entendu pas durer, puisque le métrage fait alors intervenir le fantastique dans sa seconde heure, heureusement sans pour autant délaisser ses intentions premières. L’irruption du fantastique dans ce drame familial fonctionne bien, même si, notamment lors des vingt dernières minutes, on pourra regretter la lenteur voir la pudeur des débuts, mais l’ensemble fonctionne et ne trahit pas un seul instant ses intentions de base. Le récit est bien mené, les acteurs sont tout simplement parfaits, et bien que tombant clairement dans le cinéma de genre, le métrage réserve encore quelques surprises en nous offrant quelques images plutôt inattendues, comme ce reflet déformé plutôt inquiétant. Scénaristiquement, malgré un final un peu en dessous du reste et des révélations assez simplistes, ça tient la route. En terme d’ambiance, ça dépote. Les acteurs fournissent tous un excellent boulot, Toni Collette en tête. Quand à la mise en scène, on ne peut que féliciter Ari Aster, qui offre une mise en scène lente, contemplative, posée, mais toujours en mouvements. Soit la caméra suit les personnages doucement, soit elle effectue de très lents travellings, soit elle zoome très doucement, et cela créé rapidement une sensation étrange. On est donc loin de la mouvance du moment, de la shaky cam et j’en passe. À tous les niveaux, Hereditary est un film qui surprend, et qui prend des risques, quitte à ne pas plaire au public horrifique actuel. Et ça, ça fait clairement du bien. Et s’il se rapproche dans son approche du genre de A Quiet Place, il parvient pourtant à faire mieux, en restant fidèle à ses intentions jusqu’au plan final, là où le métrage de John Krasinski se laissant aller à un plan final mal venu. Excellente surprise, et excellent film.

Les plus

Une ambiance lourde
Un drame familial
Les acteurs, excellent
Prenant et souvent stressant
La première heure, quasi un sans faute

Les moins

Un final un peu en dessous du reste

En bref : Hereditary est clairement une des excellentes surprises de 2018 en terme de film de genre sortant au cinéma chez nous. Une vraie tension, un film sachant poser une ambiance lourde et ne jamais dévier de ses intentions.

2 réflexions sur « HÉRÉDITÉ (Hereditary) de Ari Aster (2018) »

  1. Complètement du même avis !
    Tu as raison d’insister sur cet incipit qui nous met en confiance pour la suite, et qui permettra de maintenir cette confiance jusqu’au terme du film. Je ne suis pas si hostile à cette fin car après tout, elle ne renie rien de ce qui était sous entendu et redouté avant, et assume son caractère fantastique dans des scènes tout de même assez marquantes (la trappe du grenier). Plus j’y repense, plus je me dis que ce film commence à prendre sa place parmi les titres majeurs récents. Aster doit maintenant éviter de décevoir dans son prochain film, ce qui ne sera pas chose simple. Un conseil Ari, éloigne toi du fantastique, c’est un ami qui te veut du bien qui te le dit. 😉

    1. Non mais la fin et tout fonctionne très bien, c’est juste que je trouve le doute plus troublant même s’il y a énormément de sous entendus dans toute la première partie. Ça reste très efficace, ça ne trahit jamais le film et sa direction. En 2018 en film de genre en tout cas, il est très facilement dans le haut du panier, même si je trouve qu’à ce niveau l’année 2018 a été moins pire que 2017, il y a malgré tout beaucoup de films juste « sympathiques », mais oubliables. On verra bien la suite de l’aventure pour monsieur Aster ^^

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