LE VOYEUR (Peeping Tom) de Michael Powell (1960)

LE VOYEUR

Titre original : Peeping Tom
1960 – Angleterre
Genre : Thriller
Durée : 1h41
Réalisation : Michael Powell
Musique : Brian Easdale
Scénario : Leo Marks
Avec Carl Boehm, Moira Shearer, Anna Massey, Maxine Audley, Brenda Bruce et Miles Malleson

Synopsis : Mark Lewis est un homme renfermé, passionné par la photographie. Mais il va utiliser ses talents pour une suite d’oeuvres aussi meurtrières que morbides.

Peeping Tom, alias Le Voyeur, voilà bien un film important qui manquait clairement à ma cinéphilie. Un film important dans le contexte de son époque, mais également pour le monde du cinéma, et d’ailleurs un des films souvent cités par Scorsese comme étant un de ses films favoris, rien que ça. Production Anglaise de 1960, Le Voyeur est un projet de Michael Powell, un réalisateur adoré et respecté qui débuta dans les années 1930. Parmi ses plus grands succès et films les plus connus, on pourra citer À l’Angle du Monde (1937), L’Espion Noir (1939), Le Voleur de Bagdad (1940), Le 49ème Parallèle (1941), Colonel Blimp (1943), Le Narcisse Noir (1947) ou encore Les Chaussons Rouges (1948) et La Mort Apprivoisée (1949), tous deux coréalisés avec Emeric Pressburger. Un réalisateur touche à tout et extrêmement appliqué. Mais lorsqu’il réalise le Voyeur en 1960, c’est le drame. Le film se prend des critiques incendiaires, le public ne comprends pas le film et ne comprend pas l’intérêt du film, et Le Voyeur mettra un terme à la carrière de son réalisateur, qui ne signera par la suite que deux métrages bien plus légers, une comédie et un biopic, et qui passeront totalement inaperçus. Et avec les années, Le Voyeur est enfin jugé à sa juste valeur. Un peu tardivement certes. Car Le Voyeur ne brosse pas le public dans le sens du poil, en faisant de son personnage principal un tueur, traumatisé par son père étant enfant, et dont le but est de filmer ses victimes lors de leurs derniers moments d’effrois avant de périr. Dès les premiers instants, le réalisateur nous place dans une position de voyeur aux côtés de son personnage, nous offrant les images que celui-ci filme. La mise en abime est flagrante, et encore plus au fur et à mesure que le film va évoluer. Les yeux sont le miroir de l’âme…

Mais outre cet effet assez vertigineux, surtout pour l’époque, Le Voyeur va beaucoup plus loin. Car des personnages de psychopathes au premier plan, le cinéma nous en a déjà offert. Mais soit ils sont clairement décrits comme des personnages antipathiques, soit on nous cache la vérité qui n’est révélée que bien plus tardivement (Psychose). Le Voyeur ne fait pas ça. Le Voyeur place son psychopathe, Mark, dans le rôle principal déjà, donc au premier plan, et le place comme le héros de l’intrigue, nous dévoilant son passé, son trauma, sa relation avec sa voisine qui va grandir, et nous le présente donc, au-delà de ses activités filmiques, comme un être humain normal que tout le monde peut aimer. Il est, en dehors des meurtres, sympathique. Il apparaît juste comme le garçon timide mais plein de bonne volonté, aimant, travaillant dur à côté dans le studio de cinéma. C’est là le pari osé du métrage, et sa plus grande réussite, puisqu’il y parvient aisément. On se prend d’affection pour ce tueur cherchant à capturer l’émotion de peur sur le visage de ses victimes, en filmant leur dernier souffle et en permettant à ses victimes de se voir dans un miroir pendant leurs derniers instants. Et malgré l’âge du film (quasi 60 ans, tout de même), si le contenu du métrage pourra paraître aujourd’hui un peu soft (rien de trop graphique par exemple), autant dire que ça fonctionne toujours et que le métrage a un charme inouï. Il faut dire que Michael Powell soigne son métrage, la mise en scène est ingénieuse, et le scénario signé Leo Marks est soigné, détaillé, et sait rendre la narration fluide et les personnages appréciables en toute circonstance.

Le Voyeur est donc le combo gagnant entre un excellent scénario et une mise en scène qui sait où nous amener. Le film va loin dans son propos, en ajoutant dans le récit la mère d’Hélène (la voisine donc), personnage aveugle qui aura droit à une poignée de scènes très réussies avec Mark. En fait, l’interaction de Mark avec son entourage est toujours passionnant de par les thèmes abordés et la psychologie de Mark vis-à-vis des émotions, et du regard, autant du sien (et de sa caméra) que des autres, comme les victimes envers leur propre peur et souffrance. La demande de Mark à sa petite amie, lui demandant de ne pas avoir l’air effrayée afin de l’empêcher de faire ressortir ses émotions et pulsions de meurtres. Le métrage déborde de moments forts. 60 ans après, le message est toujours pertinent, le film toujours envoûtant, même si son côté viscéral a peut-être un peu diminué. Mais son propos lui est toujours d’actualité, il est toujours fort, et en ce sens, Le Voyeur reste une œuvre indémodable, en plus d’être une œuvre importante pour le cinéma, et qui aurait mérité bien plus de reconnaissance à sa sortie. Voir le Voyeur en 2018 en tout cas, c’est encore un très grand moment de cinéma qui fait plaisir.

Les plus

Un psychopathe attachant
La mise en abime
Scénario et personnages très intéressants
Techniquement intelligent

Les moins

Peut-être que sa violence est trop datée

En bref : Le Voyeur est un film important, et surtout un grand film. Entre son scénario appliqué, ses excellents personnages, ses thèmes, une mise en scène classe et sa mise en abîme sur le cinéma et sur le regard, on a de quoi faire, même 60 ans après sa sortie.

2 réflexions sur « LE VOYEUR (Peeping Tom) de Michael Powell (1960) »

  1. Tu as placé ce film de Powell (qui fut le mari de Thelma Schoonmaker, fidèle monteuse des films de Scorsese, d’où cette passion particulièrement prononcée pour le cinéaste britannique) à sa juste place, au rang des chefs d’œuvre. Il y a dans « le voyeur » les prémices de « blow up », et tant d’autres grands films sur notre passion mortifère du cinéma.
    Splendide chronique.

    1. Oh merci à toi !
      J’ai certes découvert le film tardivement mais quel film ! Et toujours d’actualité dans ce qu’il raconte surtout. Sympathique d’ailleurs l’anecdote de la monteuse de Scorsese, je l’ignorais.

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