LES FRISSONS DE L’ANGOISSE (Profondo Rosso) de Dario Argento (1975)

LES FRISSONS DE L’ANGOISSE

Titre original : Profondo Rosso
1975 – Italie
Genre : Giallo
Durée : 2h06
Réalisation : Dario Argento
Musique : Goblin et Giogio Gaslini
Scénario : Dario Argento et Bernadino Zapponi
Avec David Hemmings, Daria Nicolodi, Gabriele Lavia, Macha Méril, Eros Pagni, Guiliana Calandra et Pero Mazzinghi

Synopsis : Pianiste de jazz américain installé à Turin, Marc Daly assiste un soir au meurtre de Helga Ullman, une célèbre parapsychologue de passage en Italie. Il tente de lui porter secours, mais en vain. Déclaré témoin oculaire par un journal quotidien, Daly décide de mener sa propre enquête…

Dario Argento avait expérimenté le temps de trois films avec le genre du giallo. Cela avait donné l’excellent L’Oiseau Au Plumage de Crystal, le très moyen Le Chat a Neuf Queues et le sympathique mais bancal Quatre Mouches de Velours Gris. Après l’échec d’un film plus léger en 1972, Argento décide en 1975 de pousser encore plus loin tout ce qu’il a tenté dans le genre giallo avec Les Frissons de l’Angoisse, avant de s’en éloigner pendant quelques années. Et quel film ! Malgré quelques défauts, il faut dire ce qui est, Argento livre bel et bien là un grand giallo, un film bien plus maitrisé, étourdissant même visuellement et dans la façon passionnante qu’Argento a de mettre en image telle ou telle idée narrative. Si bien que les quelques égarements ou moments moins crédibles du scénario, mis en image de manière plus classique, sont pardonnés face à l’inventivité de tout ce qui l’entoure. Argento donc reprend ce qui fonctionnait dans ces précédents métrages pour nous livrer en quelque sorte son giallo ultime. Pour preuve, il y reviendra plusieurs fois, Le Sang des Innocents en 2002 peut être d’ailleurs vu comme une relecture des Frissons de l’Angoisse, sans jamais en atteindre le même niveau de maîtrise. Dans le genre, Argento égalera son film en 1982 avec Ténèbres. Les Frissons de l’Angoisse nous propose donc de suivre l’enquête d’un pianiste de jazz, Marc (David Hemmings), qui est témoin d’un meurtre brutal. Comme pour 4 Mouches de Velours Gris, Argento décrit son personnage principal comme un artiste.

Comme souvent en Italie, bien avant la Corée, les policiers sont des incapables sur qui on ne pourra pas compter pour se sortir d’un mauvais pas. Argento va même recycler parmi les meilleurs plans de ses œuvres précédentes. On retrouvera pour un des meurtres ce plan suivant la trajectoire du couteau par exemple. Argento certes reste dans un environnement qu’il maîtrise depuis 4 films, mais le sublime, et malgré le cahier de charge (tous les éléments propres au genre sont là), parvient même à nous surprendre grâce à sa maîtrise de l’image. Oui, Les Frissons de l’Angoisse nous montre même l’identité du tueur dés les premières minutes, mais grâce à une image travaillée et formidablement bien construite, le spectateur n’y fait pas attention, tout comme Marc d’ailleurs. La clé du puzzle est là, elle est en notre possession, mais nous ne sommes pas capables de la comprendre, de l’analyser pour en tirer la bonne conclusion. Ce travail sur notre perception et sur les apparences, Argento le maîtrise et en devient même le roi à partir des Frissons de l’Angoisse, et jusque dans une moindre mesure, jusque Opéra en 1987. C’est aussi ici la première collaboration entre les Goblin et Argento, et ils deviendront quasi indisociables de son œuvre, du moins Claudio Simonetti, qui continuera de travailler sur de nombreux films d’Argento après la séparation du groupe.

Concentré du cinéma d’Argento, avec ses meurtres violents, sa mise en scène appliquée, ses expérimentations visuelles, Les Frissons de l’Angoisse bénéficie également d’un scénario bien construit et soigné, bien plus appliqué que précédemment. Cela n’empêche pas malheureusement que dans sa version Italienne de 2h06, de nombreux passages rajoutés font appel à un humour qui rappellera les moins bons moments de 4 Mouches de Velours Gris. Mais cet humour passe mieux ici, sans aucun doute car contrairement au film cité, les personnages sont plus attachants, la relation entre Marc et la journaliste qui l’aide (jouée par Daria Nicolodi) étant assez sympathique au final. Du coup le plus grand défaut de ces ajouts, ajoutant certes de la profondeur aux personnages, est le ralentissement de l’intrigue d’une part, mais surtout le léger décalage entre ces moments et le reste de l’œuvre, résolument plus sombres. Comme souvent chez Argento, mais également dans le cinéma Italien en général, le final sera quelque peu expéditif, mais ici il sait nous laisser sur une note positive, avec plusieurs retournements de situations de suite, quelques effets sanglants forts appréciables et une ambiance toujours aussi réussie. Du coup oui, le film n’est pas totalement parfait, et peu importe dans le fond, car ces petites imperfections ne l’empêchent pas d’être une grande œuvre, visuellement maîtrisée et surtout intéressante.

Les plus

Une belle maîtrise visuelle
Des meurtres très bons
Une intrigue prenante à suivre
Le premier score musical des Goblin, énorme

Les moins

Quelques maladresses dans la version longue

En bref : Les Frissons de l’Angoisse, c’est l’apogée du style Argento au sein du giallo. Un giallo extrêmement bien construit et filmé, parsemé de séquences cultes.

8 réflexions sur « LES FRISSONS DE L’ANGOISSE (Profondo Rosso) de Dario Argento (1975) »

  1. Même si je garde une préférence pour l’hallucinant Suspiria, ce Profondo Rosso demeure la quintessence giallesque du maestro. Je me souviens avoir découvert le film avec la VHS René Chateau – toute une époque – dont la jaquette s’ornait d’un joli visuel (mais avec une copie massacrée au format pan and scan…). Depuis, je me suis rattrapé avec le collector de chez Wild Side contenant la version longue du film. Un montage intéressant même s’il n’est pas interdit – pour une fois – d’en préférer la version courte, effectivement plus rythmée.

    1. J’ai un grosse préférence pour Suspiria également depuis que je l’avais vu en charcuté sur M6 à l’époque avec les jeudis de l’angoisse. Le collector de chez Wild Side est tout simplement sublime. Ce que je trouve dommage, vu que je regarde tout en VO (même si le cinéma Italien à l’époque était tourné sans son), c’est que la version courte n’a que la VF, et la version longue que la VO, alors que je préfère la version courte, l’humour de la version longue ne fonctionnant à mes yeux pas toujours, me rappelant plus 4 Mouches de Velours Gris.

      1. Je me souviens aussi de cette version de Suspiria censurée par M6. La chaîne avait d’ailleurs diffusé pas mal d’Argento dans le cadre de ses Jeudis de l’angoisse. Ce qui me fait penser que le Vendredi 13 de Sean S. Cunningham avait lui aussi subi le même sort… À propos de la touche d’humour dans la version longue de Profondo Rosso et 4 Mouches de Velours Gris, j’avoue que celle-ci ne m’a pas trop gênée. En même temps, les comédies sexy à l’italienne me font marrer (Edwige Fenech et Gloria Guida forever). Alors…

        1. Exact, je crois que j’avais pu découvrir Phenomena dans ses conditions également, le reste ce fut sur Canal + ou plus tardivement en dvd. Je crois bien que les jeudis de l’Angoisse coupait un peu tout et n’importe quoi. Bon à part The Gate que j’avais découvert aussi à l’époque, mais comme c’est du fantastique familial.
          Généralement ça ne me dérange pas non plus, c’est juste que dans un giallo, avec une intrigue policière qui se veut sérieuse, j’ai un peu plus de mal. Argento a totalement délaissé l’humour par la suite… l’humour volontaire du moins car récemment…

  2. Superbe chronique à l’aune de ce coup de maître d’un Argento alors au sommet de son art. J’ai toujours aimé chez lui cette volonté de marier le cinéma d’épouvante et d’horreur aux beaux-arts. C’était le cas dès « l’oiseau au plumage de cristal » (quel titre magnifique), et jusqu’au « syndrome de Stendhal » qui en est aussi une magnifique illustration.
    « Le sang des innocents » comportait encore quelques scènes valables mais le film peinait tout de même à convaincre. Argento est depuis devenu l’ombre de lui-même (pas encore osé regarder « Giallo » que l’on dit très mauvais, ni même le dernier volet de la trilogie des sorcières), un génie baroque finalement disparu bien avant que Romero ne rejoigne le territoire des morts.

    1. Oh j’aime encore beaucoup Le Sang des Innocents. Il est parfois un peu bancal, beaucoup d’éléments rappellent clairement Les Frissons de l’Angoisse comme pour ramener à la grande époque de manière voulue, mais il est parsemé par quelques moments assez grandioses je trouve, notamment évidemment la scène du train. Il faudrait que je le revois pour écrire dessus, je n’ai pas du le voir depuis plus de 10 ans. Le Syndrome de Stendhal, même si j’adhère moins à sa toute dernière partie, est en effet par contre un très beau film, très artistique, même si beaucoup n’ont pas aimés il me semble (le film fait souvent débat auprès de mes amis et moi).
      Mais clairement, évite Giallo, sans doute le pire d’Argento. Rien de bon dans le film à part peut-être une scène, et rien de mauvais au point d’en être drôle comme c’est le cas pour quelques « films » récents.

        1. Je me le referais très bientôt, pour confirmer mon avis de l’époque, ou l’opposé, avec le recul nécessaire. L’OST était en tout cas énorme et je l’écoute de temps en temps.

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