JUSQU’EN ENFER (Drag me to Hell) de Sam Raimi (2009)

JUSQU’EN ENFER

Titre original : Drag me to Hell
2009 – Etats Unis
Genre : Comédie horrifique
Durée : 1h39
Réalisation : Sam Raimi
Musique : Christopher Young
Scénario : Sam et Ivan Raimi
Avec Allison Lohman, Justin Long, Lorna Raver, Dileep Rao, David Paymer, Adriana Barraza et Reggie Lee

Synopsis : Christine Brown, spécialiste en crédit immobilier, vit à Los Angeles avec son petit ami, le Professeur Clay Dalton. Tout va pour le mieux jusqu’au jour où la mystérieuse Mme Ganush débarque à la banque et la supplie de lui accorder un crédit supplémentaire pour sa maison. Christine hésite entre la compassion et la pression de son patron, Mr Hicks, qui la voudrait plus ferme avant de lui octroyer une promotion. Fatalement, Christine choisit sa carrière, même si sa décision met Mme Ganush à la rue. Pour se venger, la vieille femme jette la malédiction du Lamia sur Christine, transformant sa vie en un véritable cauchemar. Hantée par un esprit malfaisant, incomprise de son petit ami, elle se fait aider du medium Rham Jas, qui l’entraine dans une course frénétique contre la damnation éternelle, pour inverser le sortilège…

Au final, parmi les « maîtres de l’horreur », certains réalisateurs font plus polémiques que d’autres. Tobe Hooper par exemple, notamment la faute à sa seconde partie de carrière après Poltergeist, bancale, parfois bien mauvaise, mais aussi parfois intéressante. De mon côté, ce sont deux réalisateurs qui me posent vraiment soucis, à savoir Wes Craven dont j’ai déjà très souvent abordé le cas, et Sam Raimi. Commençant à la fin des années 70 avec des courts métrages (Within the Woods qui inaugure Evil Dead) et des longs inconnus (It’s Murder en 1977), il devient célèbre en 1981 avec Evil Dead. Film de ma jeunesse qui m’aura traumatisé, leçon de cinéma, où comment livrer un film inoubliable malgré un tournage quasi amateur étalé sur plusieurs années, grâce à un système D constant et pas mal d’imagination. Si Sam Raimi aura quelques temps continué dans le cinéma de genre, avec Mort sur le Grill en 1985 par exemple, puis en signant Evil Dead 2 en 1987 et en jouant chez les films de ces potes (Intruder de Scott Spiegel en 1988, Maniac Cop et sa suite de William Lustig, Innocent Blood de John Landis), la carrière de Raimi change quelque peu dans les années 90. Il livre un film de super héros certes sombre avec Darkman, mais on sent que son cinéma change avec L’Armée des Ténèbres en 1992. Seconde suite d’Evil Dead, le film met en avant l’humour, la parodie, la punchline, le grotesque voir le cartoon souvent, au détriment de l’horreur. Et quitte à me faire cracher dessus par une horde de fans en furie, je n’ai jamais adhéré à ce troisième opus. J’aurais même tenté de lui redonner sa chance récemment via Netflix, mais rien à faire, le métrage me laisse de marbre, et je ne serais même pas allé jusqu’au bout. Et passé ce film, Raimi s’éloigne radicalement de l’horreur, en signant par exemple le western Mort ou Vif, le génial polar Un Plan Simple, le thriller Intuitions, puis en se lançant au début des années 2000 dans le gros blockbuster avec la trilogie Spider-Man…que je n’aime pas spécialement. Oui, c’est trop niais pour moi, et Peter Parker est un gros égocentrique qui m’exaspère.

Ce qui est étonnant, c’est que Raimi ne s’éloigne pour autant pas totalement du cinéma de genre, produisant un bon paquet de films avec sa boite de production, Ghost House. Du bon, du très bon, et du malheureusement très mauvais. Citons en vrac l’inutile remake The Grudge et ses suites, la trilogie Boogeyman qui va du très très mauvais au juste potable, Les Messagers des frères Pang, Rise avec Lucy Liu, 30 Jours de Nuit et sa suite. Bref, à boire et à manger. Mais à la fin des années 2000, enfin libéré de l’emprise de Spider-Man après un bien mauvais troisième opus, Sam Raimi décide de revenir à ses premiers amours pour faire plaisir aux fans, et donc, de revenir à l’horreur. Mais à l’horreur grotesque tel qu’il a commencé à la mettre en scène avec Evil Dead 2. Ainsi sort Jusqu’en Enfer (Drag me to Hell) en 2009, film acclamé par les critiques, le jugeant à la fois terrifiant et hilarant, mais ayant souvent un peu plus divisé les spectateurs. Après de nombreuses années, 10 ans après sa sortie, j’ai pu enfin regarder l’œuvre droit dans les yeux, voir ce que ça valait. Et au final, ben, ce n’était pas très bon. Voir par moment pathétique, même en prenant l’œuvre au 35ème degré. On assiste dans les faits à la classique histoire de malédiction, avec un personnage principal hanté par un démon, qui en a après elle. Malédiction jetée par une gitane venant de perdre sa maison. Une malédiction, un démon, des apparitions furtives, un peu de gore, un peu d’humour, qu’est ce qui aurait pu mal tourner ? Malheureusement pas mal de choses, Jusqu’en Enfer s’avérant plus être une tentative maladroite de la part de Sam Raimi de marier son style grotesque qui aura plu (à la plupart) sur Evil Dead 2 et 3 (les clins d’œil sont nombreux) avec une vision plus moderne du cinéma d’horreur. Attendez-vous donc, malgré le scénario signé par les frères Raimi, malgré un casting solide, malgré Christopher Young à la musique, à voir ici tout ce qui ne fonctionne pas dans le cinéma de genre, avec comme excuse que c’est une « comédie horrifique » pour faire passer la pilule.

Plot twist : ça ne fonctionne quasiment jamais. Jusqu’en Enfer accumule les clichés, les moments énervants, les personnages inutiles, les jumpscares putassiers, les CGI parfois discutables, les effets spéciaux souvent risibles, le tout à une vitesse folle. Et le pire, c’est que dans le fond, c’est rythmé, ça n’ennuie pas. Et la grosse déception, c’est qu’au début, on a envie d’y croire. Un prologue certes trop démonstratif mais plutôt sympathique, une présentation des personnages assez banale mais pas déshonorante, nous montrant une mise en scène propre et appliquée, puis quelques effets horrifiques qui abusent du jumpscare auditif pour notre plus grand mal, mais qui arrive presque à trouver un équilibre sympathique entre comique et horreur, comme en témoigne cette affrontement entre notre héroïne et la mamy gitane dans la voiture. Un affrontement en soit musclé, violent dans les coups, mais souvent grotesque, à coup d’agrafeuse dans la face, de dentier qui tombe, de vomi et j’en passe. Le bon goût est mort certes, mais ça aura eu le mérite de me faire sourire. Le souci, c’est que passé cette scène, l’intégralité du film est en roue libre. Trop grotesque et trop stupide pour nous inquiéter, parfois trop sanglant ou ayant trop recours aux jumpscares pour nous faire rire. Les scènes s’enchaînent, entre les moments ratés se voulant inquiétant à coup de sons bien forts pour nous exploser les tympans, les moments plus convaincants comme l’utilisation des ombres rappelant un certain cinéma expressionniste de la grande époque, à quelques moments tellement grotesques qu’ils peuvent nous faire sourire (le saignement de nez XXL). Mais le gros souci, c’est qu’à côté, le métrage enchaîne les faux pas à la vitesse de l’éclair.

Passé une première demi-heure plutôt potable malgré quelques tics horrifiques énervants, notamment le jumpscare auditif non, le film décide de continuer dans la voie du grotesque et du mauvais goût, quitte à fatiguer et mettre le spectateur dans une position assez embarrassante. La scène par exemple où notre héroïne, Christine, se rend à la maison de Madame Ganush pour en savoir plus et finalement se rend compte qu’il s’agît de son enterrement, le film avait de bonnes cartes pour surprendre. Mais au lieu de ça, il préfère réutiliser, encore une fois, le gag du vomi. Qui avait déjà été utilisé vingt minutes plus tôt. Et ça ne va pas en s’arrangeant, le film allant atteindre le point de non retour lors de la célèbre scène d’invocation, où Raimi tente un peu tout et n’importe quoi. Ombres en CGI, draps qui volent, démons flottants au maquillage grotesque, et même une chèvre maléfique qui parle. Pire, le métrage réutilisera certains éléments bien connus des fans de Raimi, comme dans la scène dans le petite garage, avec un œil qui ira directement dans la bouche de Christine. Du grotesque, mais que le film semble prendre au sérieux, puisque dés que ces moments se terminent, le film reprend ses rails habituels, le plus sérieusement du monde. Et du coup il devient très difficile de rire du métrage. Mais bon, si quasiment toutes les critiques ont adoré le film, le problème vient peut-être de moi… Mais non, Jusqu’en Enfer, c’est juste mauvais.

Les plus

Quelques idées de mise en scène
Un casting plutôt solide

Les moins

Trop grotesque pour faire peur
Parfois bien trop ridicule
L’abus de jumpscares

En bref : Jusqu’en Enfer, tout est dans le titre, Sam Raimi ne parvient pas à se sortir des enfers. Son grand retour au cinéma horrifique, bien que largement comique comme dans la majorité de ses films, et bien il ne fonctionne que rarement, et le plus souvent, il parvient même à être assez embarrassant.

10 réflexions sur « JUSQU’EN ENFER (Drag me to Hell) de Sam Raimi (2009) »

  1. Tiens, j’ignorais que Raimi avait participé à « Maniac cop » et « Intruder » (deux films qui dorment depuis des lustres sur mon étagère, il serait temps que je me réveille).
    Bon, vu ton aversion profonde et totalement subjective pour le cinéma de Sam Raimi (malgré Evil Dead, dont ce « drag me to hell est un prolongement ô combien jouissif ! … j’y reviens dans un instant), je te pardonne cet article qui jette l’opprobre sur un des meilleurs films de ce grand cinéaste (et peut-être le dernier de ses chefs d’œuvre) de l’horreur foraine.
    Raimi dresse ici une chronique incisive et vitriolée d’une « héroïne » qui s’est elle-même enferrée dans un système qui l’a piégée, prise dans les sables mouvants d’une logique de profit, d’opportunisme sans vergogne qui vire à la malédiction. Le film est ensuite un formidable tourniquet de l’horreur à la mise en scène plus déglinguée que jamais (on retrouve le Raimi qui s’était effectivement adouci chez l’homme-araignée, même j’aime beaucoup les deux premiers opus), qui fonctionne comme un grand show horrifique et burlesque, une sorte de « rendez-vous avec la peur » gonflé au gaz hilarant. L’alliage aura rarement été aussi réussi, à part peut-être dans son « Evil Dead 2 ».
    Ainsi j’invite tous ceux qui voudraient un autre regard sur ce grand film sur la brutalisation de l’ère de l’économie de marché à venir lire (et toc, comment je place ma pub) mon article sur le Tour d’Ecran. Et tu as vu, je ne t’en veux pas, j’ai même liké ton article. 😉

    1. Dans Intruder, il y a aussi son frère Ted qui a un petit rôle, et un caméo de Bruce Campbell ^^ Film familial puisque réalisé par Scott Spiegel, qui avait coécrit Evil Dead 2 avec lui.
      Ah ah, mais j’aime les avis différents, ça permet de belles discussions parfois, tant que des deux côtés personne n’est fermé à l’avis opposé. J’aurais presque été d’accord avec toi, car le début m’avait bien plu. Jusqu’à la scène de la voiture. La suite, bon ben mon article en dit long sur mon ressenti du film. Et même si je pense que Raimi est assez intelligent en effet vis-à-vis malgré tout une reflexion derrière comme tu le dis si bien, je sais pas, ça ne passe pas. Mais j’ai vraiment un souci de base avec l’humour de Raimi, pour ça que je ne compte même pas jeter un oeil sur la série Evil Dead, on m’a dit que ça alternait entre l’humour du 2 et 3, et comme Evil Dead 3 ne marche pas du tout sur moi, je préfère faire l’impasse.
      Et ta pub est bien entendu la bienvenue ne t’inquiète pas 😛

      1. « Evil Dead 3 », vu en avant-première VO, grand souvenir de pliage en deux à la séance de minuit d’une convention de rôlistes du côté de Tours. J’ai adoré, et revu à plusieurs reprises avec le même fou-rire. Kaamelott lui a tout piqué (ou presque).
        Content de partager ce désaccord avec toi évidemment. On s’était déjà bien accroché sur Craven, à quand (qui ?) le prochain ? 😉

        1. Limite tu sais ça m’emmerde de ne pas me marrer avec les autres, mais non, l’humour ne marche pas. En même temps, je pense que l’humour est quelque chose de complexe, on a chacun un humour différent, et il est donc très dur de pouvoir faire rire un maximum de monde. Et dire que pourtant, j’aime bien Kaamelott (enfin, au début, je n’ai jamais dépassé la saison 3).
          Alors Craven, check. Raimi, check ! J’adore Argento, Carpenter et Cronenberg donc je pense que là ça ira. Possible qu’on s’accroche sur le cinéma de Refn va savoir, je viens de voir malgré le fatigue (je finis le taf à 21h en ce moment) le premier épisode de sa série Too Old to Die Young. Et comme chacune de ses oeuvres, ça va hautement diviser le public.

  2. Sur les trois premiers que tu cites , on sera totalement raccords je crois. Le cas Refn divise et il se trouve que depuis l’inflexion « drive » j’ai largement retourné ma veste. On verra bien. 😉
    J’ai l’impression que Park n’a pas non plus tes faveurs. Pourtant « Mademoiselle » c’est quand même un sacré bon film.

    1. Refn j’avais pu le rencontrer à l’avant première de The Neon Demon, ainsi que Elle Fanning, ils étaient tous les deux charmants, intéressants et amusants. J’avais filmé un peu mais mon téléphone rendait l’âme à l’époque, la qualité était catastrophique 🙁 Je suis sans doute un des seuls mais un de mes préférés de lui reste Only God Forgives. Bon j’ai vu les trois premiers épisodes de sa série, l’analyser et écrire dessus ne sera pas simple. J’ai adoré le premier et le troisième, mais pas du tout adhéré au second 😀
      Je n’ai pas vu Mademoiselle tiens, mais là c’est juste car sa durée me fait peur, car en soit finalement le sujet m’intéresse ainsi que ses thèmes. Disons que le père Park, je ne déteste pas (j’ai Sympathy et Lady Vengeance en Blu-Ray, ainsi que Thirst), mais je le trouve un peu surévalué.

      1. Only God forgives, C’est justement le film qui a inversé mon regard sur Refn. The Neon Demon a confirmé. Et paradoxalement, j’avais détesté Bronson, et fait la grimace devant Valhalla Rising. Peut-être qu’on serait du même avais alors ? (pour pas changer 😉)

        1. Ah? Du coup il a inversé ton regard de quel côté de la balance ?
          Bronson j’aime bien, je trouve qu’il a réussi à faire un film intéressant sur un mec pas intéressant, ce qui est en soit un exploit. Mais il a quelques défauts. Valhalla Rising c’est au final sans doute celui qui a les réactions les plus opposées, il faut entrer dans son « délire » de quête initiatique expérimentale.
          Mais qu’on aime ou pas, je suis tout de même d’accord pour dire que après Only God Forgives (où Refn s’est énormément remis en question, j’avais vu le documentaire filmé par sa femme), son oeuvre est sans doute devenue plus prétentieuse qu’avant, même si on trouvait dans Valhalla Rising et dans Fear X des années avant des éléments qui font son cinéma d’aujourd’hui.

          1. Du bon côté du coup. Bronson je trouvait ça excessivement prétentieux, limite Xavier Dolan (mais là, on a affaire à un cador du « m’as tu vu comme je suis un réal genial »)

            1. Ah oui mais non compare ce qui reste comparable là quand même ! 😀
              Bon, j’ai finis la série de Refn. Pas parfait, mais j’ai aimé. Ça va être très dur de mettre mon ressenti par écrit, et de le formuler correctement, mais on va essayer 😉

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