THE FOREST OF LOVE (愛なき森で叫べ) de Sono Sion (2019)

THE FOREST OF LOVE

Titre original : Ai Naki Mori de Sakebe – 愛なき森で叫べ
2019 – Japon
Genre : Thriller
Durée : 2h30
Réalisation : Sono Sion
Musique : Katoh Kenji
Scénario : Sono Sion
Avec Shîna Kippei, Mitsushima Shinnosuke, Minami Kyoko, Kamataki Eri, Kawamura Natsuki, Nakaya Yuzuka, Hasegawa Dai et Denden

Synopsis : Murata Joe est un homme sans merci qui utilise son charisme pour manipuler ceux qui l’entourent. Murata fait la rencontre de Shin et d’un groupe de cinéastes en herbe déterminés à faire de la relation turbulente entre Murata et Mitsuko le prochain sujet de leur film. Alors que ce petit monde se rapproche durant le tournage, mensonges et vérités s’entremêlent, et les limites de l’humanité sont mises à l’essai, donnant lieu à des actes épouvantables.

Ah Sono Sion. Voilà un sacré moment que je n’avais pas eu le courage d’écrire sur ses films, et un moment que je n’avais pas eu le courage de voir ses films en fait. Car si avec Sono, tout avait bien commencé lorsque j’avais découvert en 2001 Suicide Club par hasard, notre relation a évolué depuis. Suicide Club m’avait intéressé, et j’avais fouillé, trouvant des œuvres toujours plus fortes. Noriko’s Dinner Table, Strange Circus et Hazard en 2005, c’était super. Exte en 2007 montrait un film plus commercial mais assez intéressant. Puis vint 2008 et Love Exposure, et là, c’est le choc intégral. Tellement que le titre du film est tatoué sur mon bras gauche, c’est vous dire. La suite continua de tout aussi belle manière, avec le drame intimiste Be Sure to Share, l’énorme et glauque Cold Fish, l’intriguant (et charcuté à l’international) Guilty of Romance, le très sympathique Himizu. Puis c’est là que ça a un peu commencé à se gâter à mes yeux. Avec un The Land of Hope sympathique mais imparfait, un Why Don’t You Play in Hell ? fun et fou mais trop long, puis un Tokyo Tribe criard et un peu vide malgré quelques excellents passages. Puis il y a eu l’année 2015, blindée, avec un Love & Peace tout juste sympathique, un film The Virgin Psychics juste détestable (adaptation d’une série déjà détestable). Et là, malgré un Tag que j’avais beaucoup aimé, j’ai commencé à lâcher prise. J’ai fais l’impasse sur Shinjuku Swan et The Whispering Star, j’ai vu dans l’indifférence son Antiporno (mais j’accepte le challenge de le revoir), j’ai logiquement fais l’impasse sur Shinjuku Swan 2, sa série Tokyo Vampire Hotel me fait peur. Et nous voilà en 2019. Où sa dernière œuvre, The Forest of Love (titre étrange, encore plus étrange quand on voit le titre original, que l’on pourrait traduire par « crier dans la forêt sans amour »), débarque sur Netflix. Alors je ne vais pas débattre une énième fois sur le plateforme, on l’a déjà beaucoup trop souvent fait, ni sur leur métrages estampillés Netflix Originals, même quand ils ne font qu’acheter les droits de films produits par d’autres, mais le catalogue Asiatique de Netflix me surprend.

En 2019 donc Sono Sion revient avec The Forest of Love, une œuvre fleuve de 2h30 qui se base légèrement sur une histoire vraie d’un tueur en série. Tiens, cela rappelle Cold Fish. Le film est découpé en plusieurs chapitres (tiens, encore), suit une multitudes de personnages si bien qu’il n’y a pas de vrai personnage principal, passe d’une époque à une autre, d’un style à l’autre, d’un genre à l’autre, le tout avec la désinvolture habituelle de Sono Sion. Mais ce qui est fort, c’est que Sono Sion livre donc une sorte de best of de son œuvre pour la plateforme Netflix, qui risque de laisser plus d’un spectateur peu habitué à ce style sur le carreau, tout en constituant pour le coup une porte d’entrée plutôt simple vers son univers. Et pour le coup, cela m’a fait grandement plaisir, puisque j’ai retrouvé en parti le Sono Sion que j’aimais, celui qui tentais des choses, qui mêle les intrigues, les personnages, les styles, a recours à des procédés de mise en scène originaux, qui ose faire rire par l’horrible ou terrifier par le grotesque… Sans pour autant atteindre le génie et la maitrise qu’il avait pu avoir des années auparavant sur Cold Fish. The Forest of Love nous parle donc en réalité de tout autre chose, même si les fameux meurtres sont toujours là, quelque part, en fond. Ici, il sera plutôt question de l’humanité, ou de notre manque d’humanité, de l’hypocrisie de la société Japonaise, et en fin de compte, de toute société. Et pour appuyer son propos, Sono Sion met au centre de son récit Murata Joe, joué par Shîna Kippei, absolument énorme, et autant dire que cela me fait plaisir de le voir sur le devant de la scène, et se lâcher autant. Un acteur que j’avais découvert avec Shinjuku Triad Society de Miike Takashi au milieu des années 90, mais que les plus jeunes ou que le grand public connaît plutôt pour Outrage de Kitano (purée, déjà 2010). Au centre du récit oui, avec un personnage manipulateur, qui chante, charme, terrorise, torture, pousse au meurtre et bien pire, qui est donc l’élément déclencheur. À moins qu’en fait, ce soit Shin et sa bande les personnages principaux, ces apprentis cinéastes en herbe (tiens, Why Don’t You Play in Hell ?) qui décident de faire un film sur les relations amoureuses et destructrices de Murata ?

Ou alors Taeko et Mitsuko seraient les personnages principaux, ses deux jeunes femmes détruites par un événement du passé datant du lycée sur lequel le film revient plusieurs fois ? Peu importe, Sono Sion ne décide pas, donne à tout le monde son moment de gloire, en passant d’un style à un autre, d’une époque à l’autre (de 1985 à 1992), d’un genre à l’autre. Par moment, The Forest of Love ressemble à une comédie très noire et grotesque, avant de tourner au film social, puis à la comédie musicale, au drame dérangeant et malsain, puis au film légèrement érotique, au film gore qui tâche bien. Liberté de ton, bonjour ! Et si dans le fond, on retrouve le Sono Sion que l’on connaît depuis Suicide Club (et même le Sono Sion récent via quelques égarements et quelques moments bien criards), c’est la même chose dans sa mise en scène. Il réutilise tous les procédés de ses grands films, à coups d’inserts, de voix off, de musiques classiques et omniprésentes, et en utilisant majoritairement une caméra à l’épaule du plus bel effet. Certes, par moment, on a l’impression que le réalisateur copie à l’identique certaines scènes de ses anciens métrages, à coup de suicide en bandes (Suicide Club), de démembrements (Cold Fish), de passages musicaux (pas mal de films), de réalisateurs en herbes passionnés et investis (Why Don’t You Play in Hell ?), de familles détruites par un élément extérieur (Love Exposure), de rivalité entre sœurs (Noriko’s Dinner Table), sans oublier l’imagerie religieuse par moment. Une sorte de best of, ou un film somme de toutes les obsessions récurrentes du réalisateur. Mais dans les faits, ça fonctionne, et malgré quelques longueurs, le métrage m’aura conquis. À condition bien entendu de supporter les quelques excès typiques du réalisateur, ses débordements, et quelques moments tellement grotesques qu’ils paraissent surréalistes. Mais dans la logique même de l’œuvre, cela paraît normal, il faut l’accepter. Quand à l’avenir ? Et bien vous serez content d’apprendre que Sono Sion est apparemment en post production de son premier film Américain, avec Nicolas Cage. L’association des deux me fait déjà rire d’impatience !

Les plus

Un best of de Sono Sion
De grands acteurs
Une critique de la société
Des changements de tons et de styles en pagaille
Gore, grotesque, amusant

Les moins

Un poil trop long
Une porte d’entrée vers l’univers de Sono, mais qui ne plaira pas à tous

En bref : The Forest of Love ressemble souvent à un best of, réutilisant les thèmes habituels du cinéaste depuis ses débuts, ainsi que son visuel. Et pourtant, ça fonctionne, le tout porté par un Shîna Kippei habité par son rôle.

6 réflexions sur « THE FOREST OF LOVE (愛なき森で叫べ) de Sono Sion (2019) »

    1. Mieux vaut ne rien savoir, même si l’oeuvre est très dense, brasse les genres et styles, donc même avec un texte, dur à résumer 😉
      Ah non, je ne sais pas quel âge à ta fille, mais évite je pense, même si elle aime le Japon haha !
      J’ai eu de très bons échos sur le livre, mais pas pu me le procurer encore !
      (et tiens, vu aujourd’hui À Couteaux Tirés, beaucoup aimé, il aurait pu être dans mon top de l’année, et vu le dernier Rob Zombie… qui lui aurait DU être dans le flop de l’année 2019…)

        1. The Devil’s Rejects était clairement son meilleur film, son plus intéressant dans le fond également (même si j’ai une grande affection pour l’ensemble de sa carrière, et même si je n’avais déjà pas aimé 31, son avant dernier opus). Mais là, c’est une redite totale dans le fond et la forme de The Devil’s Rejects, ça ne raconte rien, c’est assez inutile, certains moments sont même assez irritants à mes yeux. Je trouvais la première partie (en prison) moyenne, mais comparé à la seconde partie (qui reprend dans les grandes lignes la même narration que The Devil’s donc), en fait la première partie a des moments sympathiques… Va falloir que j’en écrive quelques mots plus développés en ces pages !

            1. J’avais bien aimé Salem. Bancal par de nombreux aspects, mais Zombie expérimentait, et essayait de nouvelles choses (rien que sa manière plus posée de filmer était une expérimentation en soit venant de lui). Là, il fait ce qu’on attend de lui, rien de plus.

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