2002 – Etats Unis / France
Genre : Thriller
Durée : 1h54
Réalisation : Brian De Palma
Musique : Sakamoto Ryuichi
Scénario : Brian De Palma
Avec Rebecca Romijin-Stamos, Antonio Banderas, Peter Coyote, Eriq Ebouaney, Edouard Montoute et Gregg Henry
Synopsis: Laura Ash, une jeune femme ténébreuse et vénale, double ses complices lors d’un hold-up commis à Cannes en plein Festival. Poursuivie jusqu’à Paris, elle revêt l’identité de son sosie parfait, une jeune veuve au bord du suicide nommée Lily. Dans l’avion qui la mène à New York, elle séduit un fringant quadragénaire qui n’est autre que l’ambassadeur des Etats-Unis en France, Bruce Hewitt Watts. Sept ans plus tard, mariés, ils apparaissent en couverture d’un magazine people. Mais les anciens acolytes de Laura, Black Tie et Racine, sont toujours sur sa piste, et la photo de la traîtresse, volée par Nicolas Bardo, un paparazzi qui travaille pour la revue en question, relance l’engrenage infernal. Intrigué par Lily, celui-ci décide de la suivre. Commence un jeu du chat et de la souris qui va rapidement s’avérer dangereux pour lui.
Avant que Le Dahlia Noir ne soit le De Palma le plus critiqué et le plus mal aimé, il y a eu Femme Fatale. Depuis une dizaine d’années maintenant, De Palma alterne œuvres de commandes et films plus personnels où l’on retrouve ses thèmes. Quel que soit le projet, il les met en boite avec le talent indéniable qu’on lui connaît (presque toujours). Ainsi, se sont succédés Mission Impossible (très réussi, excepté le final, que De Palma boude lui-même), Snake Eyes (Excellent, avec un plan séquence de 15 minutes), Mission To Mars (le film paradoxe, une première heure excellente, une seconde niaise et ridicule) et, en 2002, débarque Femme Fatale, que De Palma a lui-même écrit (cela faisait des années et plusieurs films qu’il n’avait pas écrit un de ses films) pendant le festival de Cannes lorsqu’il y présentait Mission To Mars. Selon certains, De Palma tourne en rond depuis quelques années, et ne parvient pas à retrouver son génie des années 80, et Femme Fatale fut boudé par le public, et une partie des critiques. Pourtant, De Palma fait ce film pour ses fans, à n’en pas douter. On y retrouve bel et bien sa mise en scène vertigineuse, ses thèmes, ses personnages troublants, et tout ce qu’il a toujours mis en scène. Et pourtant, Femme Fatale n’a pas fait grande impression, et ne parvient pas à être l’œuvre ultime qu’il aurait pu être. Explications et analyse de l’œuvre en question. Puisque mine de rien, Femme Fatale est une œuvre riche et complexe, ce qu’il ne dévoile pas aux premiers abords.
Le film s’ouvre en plein festival de Cannes. Plusieurs personnages (quatre à priori) organisent un vol de diamants revenant à plusieurs millions durant ce festival, tant connut. Pendant cette longue séquence d’ouverture (20 minutes), De Palma fait exploser ses thèmes à l’écran, et surtout, nous gratifie d’une mise en scène inspirée et magnifique, sans aucun doute un grand coup de génie comme il sait nous les offrir de temps à autres. La caméra est élégante, se ballade sans arrêt entre les différents personnages, ce qu’ils doivent faire, arpentant les couloirs du festival, les salles de cinéma, les toilettes, bref, un plan complexe et bien huilé se déroule sous nos yeux. Pour augmenter la virtuosité de la scène, De Palma retrouve à la musique le compositeur Sakamoto Ryuichi, qui avait déjà composé la musique de Snake Eyes (et qui fera quelques morceaux plus récemment pour le film Babel). Très inspiré ici, il livre quelques superbes morceaux, dont celui de cette ouverture, inspiré du Bolero de Ravel. On est dans le bain, ce n’est pas seulement le vol qui se déroule sous nos yeux qui est virtuose, c’est le film en lui-même. Vol de diamants, tromperie, manipulation, capture des gardes, vol des clés de la porte de secours, arrêt du courant. De Palma poussera le bouchon plus loin en réinsérant dans le film un thème qui fera plaisir à ses fans : le voyeurisme. Il ne faut pas oublier que dans son film, les femmes sont fatales, sensuelles, et savent arriver à leur fin, quel que soit le moyen utilisé. Cette séquence d’ouverture nous le montrera déjà bien assez, puisque après une scène à forte connotation sexuelle (mais non gratuite, s’inscrivant parfaitement dans le court de l’histoire, du plan, et de la scène en elle-même), Laura, interprétée par Rebecca Romijin-Stamos (qui à l’époque, n’avait joué que le personnage de Mystique dans X-Men, sous une bonne couche de maquillage), trompera ses collègues de travail pour voler les diamants. Manipulations, encore, comme dans la plupart des De Palma. Arrivant à échapper à ses collègues, Laura ira se réfugier sur Paris, afin d’avoir un passeport et de pouvoir quitter le pays. En route vers l’hôtel pour récupérer le dit passeport, viendra la scène en partie clé du film, un grand jeu de petits détails dans lequel il faut faire attention à chaque personnage de l’hôtel, puisqu’on les retrouvera par la suite dans des situations totalement différentes. Nicolas Bardo, joué par Antonio Banderas, fera sa première apparition en temps que photographe essayant d’exécuter par collage de photos un chef d’œuvre d’une vue de Paris. Mais nous apercevrons également dans cette scène les personnages joués par Peter Coyote et Gregg Henry (qui jouait le bad guy dans Body double, un des chefs d’œuvres de De Palma, et jouait également dans L’esprit de Caïn et apparaissait dans Scarface). Les anciens collègues de Laura vont les retrouver, et elle sera blessée, mais fort heureusement pour elle, récupérer par une famille la confondant avec leur fille, disparue.
Cette première demi-heure est le premier morceau de bravoure du film, et réussir tant de choses en une demi-heure, c’est un véritable exploit. Le fait que Laura soit prise pour quelqu’un d’autre, puis la découverte de cette personnage exploite un autre thème que De Palma adore : le double (déjà utilisé, comme dit dans le titre, dans Body double) et le faux semblant. Le fan retrouve ses marques, tout est là pour lui plaire. Laura assistera alors au suicide de son « double », et prendra sa place pour quitter le pays. Cette scène développe un thème important et très utilisé dans le film : l’eau. On pourra prendre ce thème sous différente forme, comme l’eau purificatrice. Une chose est sure, le jeu de détails est tellement hallucinant qu’une seule vision ne suffira pas à dévoiler tous les secrets du film, qui fut comparé par certains à Mulholland Drive, de David Lynch. Si cette possible « comparaison » est possible, on ne la remarque que très tardivement, et dans la forme est totalement différente. Mais les deux films évoluent en quelque sorte dans le monde du rêve. A partir de là, le film reprend sept ans plus tard, et De Palma tente tout un tas d’artifices pour nous étonner, que ce soit des plans séquences, de magnifiques ralentis, ou encore des écrans splittés (dans un qui est à mon sens un des meilleurs et plus intéressant de sa carrière). Cela fonctionne à merveille, mais le film commence alors à montrer son plus grand défaut. Car oui, il y a forcément une ombre au tableau après un tel début en fanfare. La réalisation est absolument sublime, rien à en dire, le jeu entre le chat (Laura) et la sourie (Nicolas) qui va avoir lieu manipule autant le spectateur que les personnages par son jeu de détails, mais pendant un petit moment, Femme Fatale ennuie par son histoire et ses personnages, bien en deçà de ce que l’on attendait de De Palma.
En sept ans, les personnages ont changé, et vont apprendre, pour certains, à se connaître enfin. Mais le temps que tout ceci se mette en place, le film ennuie quelque peu, et tout le génie de De Palma n’y pourra rien, malheureusement, d’autant que la qualité d’interprétation n’est pas au top. Banderas et Romijin-Stamos ont du charme, et forment un bon couple à l’écran, mais on pouvait attendre mieux. Heureusement, rapidement, l’histoire se dévoile de plus en plus, et malgré les défauts cités précédemment, tout se remet en marche, comme si les rouages de l’intrigue s’étaient stoppé un moment pour mieux fonctionner ensuite. Une fois le jeu de manipulation entre Laura (à présent appelée Lily, ayant prit la place de son double) et Nicolas définis, une fois les cartes en mains pour le spectateur, Femme Fatale peut se laisser savourer pleinement, et on pourra s’amuser à ce petit jeu de détail, de manipulation, et de séduction. Car comme à la bonne époque (Blow out, Body Double), le jeu de séduction est énorme, et encore une fois, les femmes savent si prendre, pour nous faire perdre la tête. Banderas y perdra beaucoup dans cette histoire, et si son rôle n’est pas parfait, il incarne plutôt bien la niaiserie du personnage, qui tentera tout de même de gagner sur Lily, à ses risques et périls. La seconde partie d’anthologie du métrage commencera alors, immédiatement après la scène connue maintenant du strip-tease de Lily, sur la musique de Damien Saez : Sexe. Une scène qui, selon les points de vue, peut paraître soit vulgaire, soit sensuelle. Pour ma part, contenant une explosion des thèmes chers au réalisateur, je dirais sensuel, vous vous en doutez. Le second morceau de bravoure du film est bel et bien d’avoir réussit à nous berner pendant une heure et demi, en nous traînant vers des horizons que l’on connaît bien de la part du réalisateur, qui a prit un malin plaisir à mettre en image son film comme une œuvre d’art, jusqu’à son final. Si la réalisation est parfaite, on regrettera juste que le film tourne un peu à vide en son milieu.
Les plus
Bonne mise en scène
La longue scène du vol à Cannes
On retrouve les thèmes de De Palma
Un final surprenant bien que pas parfait
Les moins
Un peu mou au milieu
Pas le meilleur De Palma
En bref : Oeuvre plastique parfaite, contenant les thèmes chers au réalisateur (voyeurisme, sensualité, manipulation, faux-semblants, double) en les transposant dans une intrigue faite de petits détails dans le milieu du rêve. Un petit passage à vide en milieu de récit, mais ce serait dommage de s’en priver.