Titre original : Bullet In The Head – Die xue jie tou – 喋血街頭
1990 – Hong Kong
Genre : Drame / Guerre
Durée : 2h16
Réalisation : John Woo
Musique : Romeo Diaz et James Wong
Scénario : John Woo et Patrick Leung
Avec Tony Leung Chiu-Wai, Jacky Cheung, Waise Lee, Simon Yam, Fennie Yuen et Yolinda Yan
Synopsis : Hong Kong, 1967. Paul, Ben et Frank sont trois amis d’enfance qui trainent toujours ensembles. Le jour du mariage de Ben, Frank est agressé par des malfrats. Pour se venger, Ben et Frank attaquent le malfrat, et, accidentellement, le tue… Forcés de fuir Hong Kong, les trois amis partent au Vietnam pour travailler pour un parrain local. Ils y rencontrent Luke, un tueur, qui leur propose de faire un casse. La descente dans l’enfer de la guerre commence pour les trois amis.
Commençant dans les années 70, John Woo a petit à petit réussi à sortir du lot pour faire ce qu’il voulait vraiment faire : des polars. Mais des polars avec de vrais personnages forts, et des thèmes tels que l’amitié. Ainsi naquit en 1986 A Better Tomorrow (Le Syndicat du Crime), produit par Tsui Hark. Gros succès partout dans le monde, Hark demanda une suite, bien en deçà de l’original, arrivant tout juste un an après. Après ce projet purement commercial, John Woo peut enfin faire ce qui lui plaît, mais le public de Hong Kong ne suit pas, restant bloqué sur A Better Tomorrow, et le personnage de Mark, joué par Chow Yun-Fat. Qu’à cela ne tienne, John Woo livre en 1989 l’un de ces meilleurs films avec The Killer, avant d’enchaîner dés l’année suivante sur son film le plus personnel, mais probablement également le plus dur et le plus violent, alors que de prime abord, Une Balle dans la Tête est un drame. Mais quel drame ! Situant son action en 1967 pendant les émeutes à Hong Kong, puis au Vietnam, en plein pendant la guerre, John Woo nous dépeint dans la première partie le quotidien de trois amis inséparables. Nous avons Ben, joué par le toujours excellent Tony Leung, habitué des films de Wong Kar-Wai, ou encore la trilogie Infernal Affairs, dans le rôle du futur marié. A ses côtés, il y a Frank, joué par Jacky Cheung, qui enchaînait alors les films à la vitesse de l’éclair, découvert par beaucoup en1988 dans le polar Tiger Cage de Yuen Woo-Ping, ou dans As Tears Go By de Wong Kar-Wai, un jeune homme un peu simple, mais toujours fidèle à ses amis. Et pour finir, nous avons Paul, joué par Waise Lee, déjà vu dans A Better Tomorrow, sans doute le plus solitaire, et finalement, le plus égoïste du groupe. Ces trois amis sont inséparables, partageant tout, de leurs joies les plus enfantines jusqu’aux règlements de compte les plus violents. L’honneur et l’amitié avant tout, ce n’est pas nouveau chez John Woo, ces films précédents traitaient déjà de ce sujet.
Seulement là où dans ces précédentes œuvres, l’amitié était capable de faire des miracles, l’amitié était plus forte que tout le reste, John Woo va en quelque sorte faire l’opposé ici, amenant, passé la première partie, ses personnages en enfer, l’enfer du Vietnam. Forcés de fuir Hong Kong, Ben, Frank et Paul arrivent là-bas, en pleine guerre, et vont tenter de survivre au chaos. La plus grande force d’Une Balle dans la Tête est belle et bien sa dramaturgie. Le film est incroyablement bien écrit, tout comme les personnages, véhiculant des émotions fortes. La seconde partie du récit, celle de la guerre, pure et simple, sera très forte, avec l’arrivée de nouveaux personnages, en particulier Luke, joué par un comme toujours parfait Simon Yam, dans le rôle d’un tueur qui va aider la bande, mais également Sally Yen, une chanteuse retenue prisonnière, droguée, jouée par Yolinda Yan, n’ayant en tout que 7 films à son actif. Dommage, puisqu’elle s’avère convaincante et extrêmement jolie à l’image, parfait pour son rôle de « poupée brisée ». Les personnages, malgré certains stéréotypes, sont une des forces du métrages, et si on pourra encore dire que par moment, Jacky Cheung en fait un peu trop, l’ensemble est crédible et suffisamment prenant pour que le spectateur soit happé dans l’histoire, et concerné par cette lente descente aux enfers, qui n’épargne rien, n’y personne. Les fusillades, marque de fabrique de John Woo depuis 1986, sont bien entendu de la partie, même si elles se font rares, mais il n’a point besoin d’en abuser ici (contrairement à A Better Tomorrow 2) puisque le reste du film contient suffisamment de choses pour nous tenir en haleine. La tension monte crescendo pour ne jamais nous lâcher, jusqu’à une scène dure mais résolument culte où les trois amis sont capturés, et où John Woo s’amuse enfin à briser sa thématique de l’amitié. Finalement, dans Une Balle Dans La Tête, c’est le plus gentil qui déguste, et celui qui est prêt à sacrifier les autres qui s’en sort. Triste constat, pourtant réaliste et de plus en plus d’actualité quand on regarde la mentalité des gens de plus près.
On pourra bien entendu critiquer quelques imperfections, notamment dues à un manque de budget, et de temps dans le montage (John Woo a eu toutes les peines du monde à faire ce film, et dû retourner en salle de montage un jour avant la sortie pour écouter de son film de presque une heure), mais Une Balle dans La Tête s’avère tout de même poignant d’un bout à l’autre, grâce à son scénario, aux émotions véhiculées, et à la musique du métrage, ce qui est, en général, pas toujours le point fort des productions HK, avouons le ! Mais cette seconde partie n’est rien encore comparée à la dernière, celle qui donne enfin toute sa signification au titre du film, mais qui surtout, permet à John Woo de terminer son film par quelques fulgurances visuelles, et également par les scènes les plus tristes de toute sa carrière. Arrivé à la fin du métrage, nous sommes submergés par tout un panel d’émotion, heureux d’avoir assisté à un grand moment de cinéma, sur le cul par la dureté et la tristesse de certaines scènes. Une Balle Dans La Tête est un film qui ne nous lâche pas longtemps après sa vision. Sombre, passionnant, triste, un grand film, sans doute son meilleur film par ailleurs, et son plus personnel. Malheureusement, le film fut un flop monumental au box office, obligeant John Woo a repartir vers des films moins personnels, parfois moins réussis (Les Associés), parfois des grands films (A Toute Epreuve), avant qu’il ne quitte Hong Kong pour les Etats Unis, où sa carrière ne brillera pas, à l’exception de Volte/Face. Avec le temps, Une Balle Dans La Tête fut enfin reconnu, et devint un film culte.
Les plus
Un scénario très bien écrit
Un film triste et mature
Chargé en émotions
Virtuose
Les moins
….
En bref : Probablement le meilleur film de John Woo, à la fois hautement divertissant de par son rythme et ses fusillades, que réfléchi et chargé en émotions, grâce à ses situations et ses personnages. Un grand film !