Titre original : Phantom
2012 – France / Japon
Genre : Drame
Durée : 1h16
Réalisation : Jonathan Soler
Musique : –
Scénario : Jonathan Soler
Avec Fujita Yuki et Tsujioka Masato
Synopsis : A Tokyo, une fille et son petit copain passent une nuit à discuter de leur vie, de leur conditions précaire, de leur place dans le monde, si tant est qu’ils en aient une…
Jonathan Soler, après plusieurs courts métrages et moyens métrages, dont un 52 minutes tourné au Japon, retente l’expérience, en visant cette fois-ci un long métrage. Il part six mois à Tokyo, armé de la Canon 5D Mark II, l’appareil photo utilisé par Quentin Dupieux pour filmer Rubber et Wrong et se lance dans le projet de Phantom. Initialement prévu pour un tournage en France, le métrage, écrit en 2011, parle des interrogations de deux personnages sur la vie, le monde qui les entoure, la place qu’ils ont et veulent dans ce monde qui ne veut pas nécessairement leur faire de cadeau. Dans le fond, c’est donc finalement très classique, mais surtout très réaliste. Jonathan Soler nous invite à suivre quasi non-stop les dialogues d’un couple, durant une nuit entière, jusqu’au lever du soleil. Au premier plan, révélé dès la scène d’ouverture, Fujita Yuki, débutant ici, convaincante à l’écran, et avant tout, dans ses nombreux dialogues. Pour l’accompagner, Tsujioka Masato, plutôt habitué à faire de la figuration chez quelques grands artistes, comme Tsukamoto Shinya (Bullet Ballet, A Snake of June, Vital, Haze), ou encore Sono Sion (Suicide Club), mais également réalisateur de quelques petites œuvres inconnues. Le fond du métrage est donc très classique, mais surtout, semble vrai. Les personnages parlent, font par moment intervenir de l’humour, comme lorsque Tsujioka Masato raconte son rêve où il est poursuivit par un zombie, et finalement, s’interrogent.
La société, la crise, l’argent, comment les autres nous voient, les classes sociales, la famille, la survie dans une grande mégalopole, des sujets importants traités avec beaucoup de justesse par un réalisateur (également scénariste, caméraman, chef opérateur et monteur) qui sait définitivement de quoi il parle. La plupart des dialogues, enregistrés pourtant en studio, sonnent juste. Dans ses interrogations, on pourrait même parfois voir une continuité des thèmes de nombreux artistes, comme Sono Sion. D’autant plus que ces personnages, très réalistes, représentent finalement une bonne partie de la population, donnant un fond encore plus vrai et perspicace. De nombreux dialogues pourront donc interroger le spectateur sur sa propre vie, et l’ensemble devient alors très agréable à suivre (écouter ?), et surtout très intéressant. Dans la forme, Jonathan Soler veut par contre se détacher du classique, expérimenter, au niveau des images, et également du son, donnant à son film une approche totalement différente de ce que l’on a l’habitude de voir. Le cadrage, l’esthétique, autant le dire tout de suite, le résultat est bien souvent magnifique. En plus de livrer une œuvre personnelle dans le fond, il nous livre une œuvre personnelle dans la forme.
Car passé sa rapide scène d’ouverture, Phantom se détache du cinéma classique que tout le monde connaît, et surtout, se permet de séparer littéralement le son et l’image. Les images, magnifiques, nous emmènent, souvent de nuit, dans Tokyo, filmant les lumières, les transports, ou ses acteurs, regardant le monde qui les entoure. Par moment, nous les voyons, seuls, tous les deux, dans une chambre, parlant, pour des moments plus intimistes, tournés avec beaucoup de sensibilité. Mais le son, lui, est différent. En effet, tout les dialogues ont été enregistrés en studio, si bien que les acteurs parlent parfois, mais les dialogues se détachent, donnant une impression étrange de rêve éveillé à l’ensemble, qui prend alors ses distances. Si visuellement, Jonathan Soler s’amuse, nous faisant découvrir la ville, non pas à la manière d’un touriste, mais d’un photographe, jouant sans cesse avec les flous des premiers et des arrières plans, au niveau du son, il joue sans cesse avec les silences. Peut être même un peu trop par moment, puisque si le film regorge de dialogues, et contient quelques magnifiques musiques, les longs moments de silences, créant une ambiance si particulière, donne également parfois l’impression d’un habillage sonore assez vide. Car oui, la musique, si la musique est magnifique, elle tarde à arriver, et l’ensemble du métrage ne contient (scène d’ouverture à part) absolument aucun bruitage. Outre cela, le film contient quelques petites maladresses, qui n’empêchent absolument pas de rendre Phantom un film totalement attachant, différent, et surtout très prometteur pour l’avenir de son réalisateur, qui prouver qu’il peut faire beaucoup avec si peu.
Les plus
Un propos très intéressant
Un visuel magnifique
De très bonnes musiques
Un film différent
Les moins
Quelques maladresses (peut-être dues au budget)
Un habillage sonore parfois un peu trop vide
En bref : Phantom est le très prometteur premier film de Jonathan Soler. Un film différent, personnel, mais également très juste et réaliste, disponible en DVD depuis peu. Pas parfait, mais souvent hypnotisant.