SNOWPIERCER : LE TRANSPERCENEIGE
Titre original : Snowpiercer – 설국열차
2013 – Corée du Sud
Genre : Anticipation
Durée : 2h06
Réalisation : Bong Joon-Ho
Musique : Marco Beltrami
Scénario : Bong Joon-Ho et Kelly Masterson d’après la BD de Jacques Lob, Benjamin Legrand et Jean-Marc Rochette
Avec Chris Evans, Song Kang-Ho, Go Ah-Sung, Jamie Bell, Tilda Swinton, John Hurt et Ed Harris
Synopsis : En 2014, une tentative de géo-ingénierie contre le réchauffement climatique entraîne un cataclysme : une glaciation de toute la planète, détruisant la vie et exterminant presque toute l’humanité. En 2031, des passagers enfermés dans un train forcé à rouler continuellement sont les seuls survivants sur Terre. Les habitants des derniers wagons, contraints de vivre dans la promiscuité et le rationnement, se révoltent.
Bong Joon-Ho a toujours été un réalisateur intéressant, doué, et qui ne fait pas forcément ce que l’on attend de lui. Depuis le grand Memories of Murder en 2003 et son mélange de genre plutôt improbable (une enquête policière mêlée avec de l’humour et une critique de la Corée des années 80), puis avec le tout aussi bon The Host, film de monstre osé qui dévoile sa créature dés le début pour briser les codes avant de mixer l’horreur, le drame familial et la comédie parfois un brin potache, il avait marqué et prouvé ce dont il était capable. Depuis 2004, il souhaitait se lancer dans le projet Snowpiercer, adaptation attention d’une bande dessinée française de 1982 aujourd’hui oubliée. Aidé par un casting international, un budget d’environ 40 millions de dollars et de Park Chan-Wook à la production, il aura finalement pu livrer son métrage en 2013. Et comparé a beaucoup de réalisateurs asiatiques qui tournent avec des américains pour livrer des produits souvent gentils ou aseptisés, voir anecdotiques, Bong Joon-Ho lui fait ce qu’il fait de mieux : du Bong Joon-Ho. Snowpiercer, sous son aspect de film futuristique d’action sur une révolte dans un train alors que la terre est retournée à l’âge de glace, se montre passionnant par bien des aspects avec de nombreux degrés de lecture. Encore une fois, quand on croit que le réalisateur va nous faire un film commercial simpliste, non, il dévie rapidement, pour nous livrer bel et bien un film d’action, mais également un film sur la lutte des classes, une quête initiatique, une satire de notre société. Le tout bien entendu en mélangeant encore les genres.
Car dans Snowpiercer, s’il y a bel et bien des scènes d’action, notamment avec des combats et quelques fusillades, le réalisateur passe avec une facilité parfois grotesque et rafraîchissante dans d’autres genres variés tels que le drame intimiste, la comédie, voir la comédie musicale pour un bref instant. Le projet est casse gueule, d’autant plus que le métrage est encore plus ambitieux que les précédents films du réalisateur, et pourtant, Bong Joon-Ho s’en sort haut la main en livrant un film réfléchi, cohérent d’un bout à l’autre, et dans le fond, tellement intéressant et par moment jouissif que l’on a envie de lui pardonner ses quelques défauts, comme une narration prévisible (mais pouvait-il en être autrement en situant l’action dans un train avec une révolte allant des wagons de queue jusqu’au wagon de tête ?) et une première scène d’action un peu brouillonne. Narration prévisible mais se renouvelant à chaque wagon avec des idées tout simplement excellente. Car outre son talent habituel pour livrer une histoire et des personnages intéressants et une mise en scène souvent à tomber par terre, le réalisateur s’est entouré d’une équipe dévouée à son film qui y va à fond, autant techniciens que acteurs. Car si la mise en scène du film est souvent à tomber, on ne peut que saluer également le travail de la production design pour nous faire croire à ce train, mais également au créateur des effets spéciaux pour les quelques scènes se déroulant hors du train, glaciales (ha ha) mais également à Marco Beltrami, qui livre sans aucun doute son score le plus inspiré depuis bien longtemps, accompagnant à merveille les images, comme lors d’un combat à la hache.
Mais outre son mix de genres, l’ambiance du métrage, son côté parfois épique, parfois philosophique, parfois comique, parfois dramatique, l’autre grande réussite du métrage est sans conteste son grand casting. Chris Evans (Captain America, c’est lui !) se montre étonnement remarquable dans un rôle pas si simple que ça et montre qu’il peut tenir un rôle plus dramatique après les blockbusters Hollywoodiens ou les rôles plus comiques (Scott Pilgrim). À ses côtés, Bong Joon-Ho retravaille avec les acteurs de The Host en incorporant au récit le grand Song Kang-Ho (Thirst, Antarctic Journal) et Ko Ah-Seong, et utilise des acteurs confirmés pour des seconds rôles importants (car dans Snowpiercer comme dans les autres métrages du réalisateur, chaque chose à son importance). Notez plutôt : John Hurt (Alien, Elephant Man, La Taupe), Jamie Bell (La tranchée, Filth) ou encore Ed Harris (Abyss, Rock, Stalingrad). Mais la Palme revient sans conteste à Tilda Swinton (La Plage, Constantine, Broken Flowers), qui dès sa première apparition, captive et fait rire, dans ce rôle de femme puissante qui n’hésite pas à abuser de son pouvoir et à se moquer ouvertement des autres. Elle livre une prestation bluffant, autant de par son jeu d’actrice que par son maquillage (avec faux nez et dentier svp), et chacune de ses scènes est en soit un grand moment. Oui, vous l’avez compris, je suis sortis totalement emballé par le voyage proposé par Bong Koon-Ho, et j’en redemanderais presque. Oui, ce n’est pas encore parfait, il y a quelques défauts, mais face à la sincérité du reste, la liberté totale du propos, Snowpiercer m’a donné ce que j’attendais et bien plus encore.
Les plus
Un mix de genre improbable et pourtant parfait
Émotions, rires, action
Tilda Swinton énorme
Visuellement sublime
Les moins
Quelques défauts qui ne dérangent pas vraiment
En bref : Mix parfois improbable, Snowpiercer est un produit jouissif, intelligent, porté par de grands acteurs et un réalisateur qui montre encore une fois tout son talent.