Titre original : Scarface
1983 – Etats Unis
Genre : Policier
Durée : 2h50
Réalisation : Brian De Palma
Musique : Georgio Moroder
Scénario : Oliver Stone d’après le film de Ben Hecht et Howard Hawks
Avec Al Pacino, Steven Bauer, Michelle Pfeiffer, Mary Elizabeth Mastrantonio, Robert Loggia, Paul Shenar et F. Murray Abraham
Synopsis : En 1980, Tony « Scarface » Montana bénéficie d’une amnistie du gouvernement cubain pour retourner en Floride. Ambitieux et sans scrupules, il élabore un plan pour éliminer un caïd de la pègre et prendre la place qu’il occupait sur le marché de la drogue.
Quand on lui propose Scarface, Brian De Palma vient de faire Blow out, l’un de ses meilleurs films. Il est alors en pleine période « Hitchcock », et il accepte ce projet à double tranchant, puisqu’il s’agît d’un remake, du film éponyme de 1932 réalisé par Howard Hawks et Richard Rosson, où le rôle titre était joué par Paul Muni, l’un de ses premiers rôles, inoubliables. Mais la talent de De Palma y est pour quelque chose, et sa version de Scarface restera gravée dans les mémoires et est aujourd’hui un véritable phénomène sur différentes cultures, dont la culture hip-hop. Pourtant, aujourd’hui, le film reste bien encré dans son époque, mais étonnement, n’en souffre aucunement. La marque des grands films, et des grands réalisateurs. Car Scarface n’aurait pu être qu’une histoire de gangsters de plus, comme on les connaît si bien, avec son lot de grossièretés, de sang, de meurtres, de manipulations, de drogue et de sexe. Mais tout le talent de l’équipe réunie va pouvoir faire de ce remake un film indispensable. Le scénario, signé Oliver Stone, reprend, en gros, les grandes lignes de l’original, mais parvient énormément à surprendre par ces ajouts. Loin d’être un remake inutile, cette nouvelle version ira bien plus loin que son prédécesseur, tant dans la violence que ses thèmes. La contre-bande d’alcool et de cigarette de l’original se transforme à présent en vente de drogue, certains thèmes trop peu exploités de l’original se retrouvent carrément en premier plan, comme l’attirance de Tony Montana (Al Pacino) pour Elvira (Michelle Pfeiffer), la femme de son patron (Robert Loggia), où même encore la relation entre Tony et sa petite sœur (Mary Elizabeth Mastrantonio), qui prend un cap beaucoup plus important, plus développé, fort intéressant, montrant bien plus la folie de Tony. Au niveau du scénario, c’est un sans faute, les 2h40 du film sont blindées et on ne s’y ennuiera jamais, prenant un plaisir certain à suivre la montée, puis la déchéance de Tony Montana, joué par Al Pacino, sublime dans son rôle, comme il le sera dix ans plus tard en retrouvant De Palma dans L’impasse.
Tony Montana arrive aux Etats Unis dans le seul but de grimper, de se faire de l’argent, avec son ami Manny, plus intéressé par les femmes. Comme Tony lui dit si bien, dans ce pays, il faut avoir l’argent, et après, on a les femmes. Comme on s’en doute, le revers de la médaille est sans appel, et toujours cruel. Mais tout cela ne serait rien sans De Palma à la mise en scène. Scope somptueux, mise en scène magnifique, mouvements de caméra élégants et astucieux, découpage technique judicieux. On reconnaît la patte de De Palma, malgré l’absence d’écran splittés et de longs plans séquences. Mais le film n’y perd absolument rien, c’est une œuvre pensée au millimètre prés, et cela se sent à chaque instant, pour notre plus grand plaisir. A la limite, cela n’aurait guère dérangé que le film soit encore un brin plus long, pour lui permettre d’explorer encore un peu plus ses thèmes. La montée en puissance de Tony Montana est assez extraordinaire et prenante, mais peut sembler par moment un brin trop rapide. Mais Al Pacino donne vie à son personnage, on y croit, et on le déteste, tout en comprenant le rêve qu’il veut se construire. Rêve qu’il parviendra bien sur à avoir. Il obtiendra la puissance qu’il souhaite, ainsi que la femme qu’il veut. Tout ira bien pour lui dans le meilleur des mondes. Son rêve se construit, et à ce titre, le film reprend une des phrases de l’original, très belle et astucieuse, qui reviendra à plusieurs reprises dans le métrage, et dont le dernier plan montrera sa vraie vision du rêve américain : une vraie supercherie. « The world is yous » : le monde est a vous ! Et pour orchestrer le tout, le métrage est accompagnée d’une musique de Georgio Moroder, convenant à l’époque du film, dont le thème musical est vraiment sublime.
Mais, comme tout film de gangsters qui se respecte, Scarface frappera fort au niveau de la grossièreté et de la violence. Ainsi, l’extravagance des personnages sera également accompagnée de l’extravagance du langage, puisque le mot « Fuck » sera prononcé très souvent, parfois abondamment dans certaines scènes (une dizaine de fois), et la violence ne se retrouve pas en reste, que ce soit au niveau des fusillades (grand morceau de bravoure au M16 avec lance grenade). Mais la scène qui fit le plus parler de Scarface, et qui démontre une nouvelle fois le génie de De Palma, est celle de la tronçonneuse, dont tout le monde a entendu parler. Une scène à la violence rare dans ce genre de film, alors qu’on ne voit finalement absolument rien. La force de la suggestion et du montage, qui feront monter la tension, comme dans une autre scène, où Tony, à bord d’une voiture, en suit une autre pour éliminer son conducteur avec une bombe. Sauf que des enfants sont également dans la voiture… Scarface est donc un vrai coup de maître, de sa première minute à sa dernière, même si dans un certain sens, et en contenant plus d’humanité, L’impasse se révèle encore meilleur. Scarface aura beau être un remake, c’est un grand film, mis en scène par un grand réalisateur, qui nous fournira deux de ses meilleurs films juste avant (Blow Out) et après (Body Double). On se souviendra de Scarface pour sa musique, sa mise en scène, son histoire, et bien entendu, son personnage.
Les plus
Al Pacino
L’esprit années 80
La mise en scène de De Palma
Sublime musique de Georgio Moroder
2h50 parfaites
Les moins
…
En bref : Tony Montana est un personnage dont on se souviendra, et De Palma signe une véritable bombe, prouvant qu’il est un metteur en scène important.