LA TANIÈRE DE LA BÊTE (女囚さそり けもの部屋) de Ito Shunya (1973)

LA TANIÈRE DE LA BÊTE

Titre original : 女囚さそり けもの部屋
1973 – Japon
Genre : Thriller / Drame
Durée : 1h27
Réalisation : Ito Shunya
Musique : Kikuchi Shunsuke
Scénario : Matsuda Hîro et Shinohara Tooru

Avec Kaji Meiko, Narita Mikio, Lee Reisen, Watanabe Yayoi et Nambara Kôji

Synopsis : Depuis son évasion réussie, Matsuhima Nami, surnommée Sasori (Scorpion) est toujours recherchée par la police. Après leur avoir échappé dans le métro en coupant le bras d’un inspecteur, elle va trouver refuge auprès d’une femme, qui a des rapports avec son propre frère.

Après le grand succès du second opus de la saga Sasori (Elle s’appelait Scorpion en 1972), la Toei ne pouvait pas en rester là. À peine un an après, en 1973, Ito Shunya et Kaji Meiko étaient de nouveau réunis pour un troisième opus: La Tanière de la Bête, épisode un peu mal aimé, même par la production, qui remplaça le réalisateur sur le film suivant. Pourtant, La Tanière de la Bête, s’il n’est pas parfait et reste inférieur aux deux premiers métrages, reste encore une fois un très bon film, avec, il est vrai, de très grands changements. Changements qui n’ont donc pas plus à tout le monde. Premier gros point, dans cet opus, Matsushima Nami n’est plus en prison. Elle n’y sera que lors d’une courte scène du métrage. Enfin débarrassée des autres prisonnières et des barreaux de prison, Nami va pourtant rapidement se rendre compte que la vie en elle-même est une prison, que le mal (ou le mâle, au choix) est partout. Comme dans l’opus suivant, Nami, appelée Sasori (Scorpion en Japonais donc), est en liberté, dans la ville, et reste toujours activement recherchée par les autorités. La scène d’ouverture met d’ailleurs directement dans le ton par sa violence et son surréalisme. Sasori est poursuivie par deux policiers dans le métro, et parvient à s’échapper en coupant le bras de l’un d’eux, qui avait réussie à lui mettre une menotte. Sasori va donc s’enfuir en courant dans la ville, toujours sur la magnifique chanson Urami Bushi, avec le bras coupé relié à elle par les menottes. Proprement hallucinant. Ce nouvel opus commence donc avec de très bonnes bases, et il faut avouer que c’est toujours un plaisir de voir Kaji Meiko sur le devant de la scène, encore plus quand elle est dirigée par Ito Shunya. Et le bougre nous réserve pas mal de surprises et de scènes chocs n’ayant pas à rougir face à celles des deux premiers films, loin de là. Le réalisateur est d’ailleurs limite plus cruel envers ses personnages, plus violent. Si le premier film traitait de la vengeance personnelle de Nami, le second de sa fuite avec d’autres prisonnières, ce troisième opus fait croiser le chemin de Nami et d’un couple assez étrange, puisqu’ils sont en réalité frère et sœur.

Frère ayant des troubles mentaux et dont la sœur accepte d’assouvir ses pulsions sexuelles lorsque bon lui semble. Et oui, si Sasori est enfin à l’air libre, dans la grande ville, il ne faut pas pour autant s’attendre à un film plus optimiste et moins sombre, c’est l’inverse, Sasori se retrouve dans les bas fonds de la ville, dans le milieu des prostituées plus exactement. Ce qui permet au réalisateur de continuer avec le même traitement qu’auparavant, en nous montrant les barrières sociales, et la différence entre l’homme et la femme. Ici, les femmes sont encore une fois là pour assouvir les pulsions des hommes, elles sont maltraitées, soumises. À l’air libre, nous vivons également dans une prison, sociale. La jeune femme couchant avec son propre frère accepte en quelque sorte cette situation, qu’elle connaît depuis longtemps. Elle ne se révolte pas, mais cache son frère aux autres. Et lorsqu’elle est dehors, c’est pour travailler comme prostituée, là où elle subit encore une pression différente, à la fois celle des clients, mais des maquereaux gérant le milieu. Ito Shunya n’y va pas avec le dos de la cuillère, loin de là puisqu’il utilisera même au détour d’une scène un club de golf lors d’un viol… Sasori ne sera encore une fois pas là pour juger cette femme, mais plutôt pour la défendre, elle et ses droits, surtout après un avortement assez douloureux. C’est là que l’on retrouve vraiment la Sasori au regard sombre que l’on connaît, et que l’on aime. Se vengeant pour une autre tout en essayant de survivre à la police, ou à d’autres femmes connaissant son identité, le film se révèlera toujours stupéfiant visuellement, avec des plans magnifiques et très poétiques, notamment lors des scènes de meurtres. Mais de grands changements opèrent tout de même dans la mise en scène.

Si La Tanière de la Bête est plus sombre et plus pessimiste qu’avant, Ito Shunya se calme également au niveau de la mise en scène, en laissant de côté ses plans théâtraux qui étaient jusque là du plus bel effet, pour opter pour un ton plus réaliste et ainsi mieux coller à son histoire. Ainsi, si le film est plus violent, plus sombre, et conserve un brin de sa folie, il y perd en folie visuelle, mais pas seulement. Car le film perd également en rythme. La première partie du métrage, où nous suivons Nami tenter d’avoir une vie plus ou moins normale, avec son appartement, un petit travail, et ses rencontres avec les autres personnages ne sont pas forcément très excitant. Le personnage y gagne certes en humanité (et encore plus dans le métrage suivant datant de la même année) et ce développement n’est pas sans intérêt, mais il ne fonctionne ici jamais pleinement, et le film tarde ainsi à véritablement démarrer, ce qui sera son plus grand défaut, après les deux chefs d’œuvres qu’étaient La Femme Scorpion et Elle s’appelait Scorpion. Pour autant cet opus a beaucoup à proposer, et est injustement boudé, même par la Toei, qui sera très mécontente du résultat et remplacera donc le réalisateur dès le film suivant par Hasebe Yasaharu, honnête artisan, mais qui livrera un film plus banal (mais correct).

Les plus

Un ton encore plus sombre

Des idées visuelles géniales

Kaji Meiko toujours exceptionnelle

Des scènes très violentes

Les moins

Des baisses de rythme

Une réalisation plus classique, sobre et sombre

 

En bref : Un nouvel opus encore une fois très intéressant, cette fois-ci dans l’univers urbain. C’est encore plus sombre et désespéré qu’avant, mais moins soutenu dans son rythme.

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