Titre original : The Keep
1983 – Etats Unis
Genre : Fantastique
Durée : 1h36
Réalisation : Michael Mann
Musique : Tangerine Dream
Scénario : Michael Mann d’après le roman de F. Paul Wilson
Avec Scott Glenn, Alberta Watson, Jürgen Provhnow, Robert Prosky, Gabriel Byrne et Ian McKellen
Synopsis : En Roumanie en avril 1941, une troupe de soldats allemands prend possession d’une forteresse bien que son gardien les mette en garde sur une présence surnaturelle en son sein. 108 croix en nickel sont accrochées au mur. Les soldats, pensant qu’elles sont en argent, en détachent une et libèrent une créature qui chaque nuit tuera les soldats. Une garnison SS débarque en renfort, persuadée que les morts sont dues à des partisans. Le capitaine de la troupe fait appel à un professeur juif infirme, le docteur Cuza, pour résoudre l’énigme. Cuza pactise avec la créature qui lui redonne force et vigueur en échange de son aide. Pensant agir ainsi contre les troupes allemandes et aveuglé, il apporte son soutien au Mal de l’humanité. C’est alors qu’intervient un étranger…
J’aime beaucoup la première partie de la carrière de Michael Mann. Le Solitaire, Manhunter, du grand cinéma, clairement ancré dans son époque. La Forteresse Noire, alias The Keep, est justement le second film du metteur en scène. Un film monstre, au tournage catastrophique, avec en plus un cuisant échec au box office, et inédit depuis, le film n’était jamais sorti en DVD. Mais quand on veut, on peut. Et malgré les nombreux défauts de l’œuvre, qui peuvent souvent parfaitement s’expliquer, La Forteresse Noire possède un petit quelque chose, une ambiance unique et obsédante. Après avoir signé donc Le Solitaire en 1981, Michael Mann commence directement à travailler sur ce film, adaptation d’un livre de F. Paul Wilson. Il refait appel à Tangerine Dream pour signer la musique du métrage, et s’entoure d’un grand casting. Scott Glenn (Apocalypse Now) vient jouer un rôle brumeux, Jürgen Prochnov sort tout juste de l’immense Das Boot de Wolfgang Petersen, Gabriel Byrne vient jouer un détestable commandant allemand alors qu’il sort de l’expérience Excalibur et Ian McKellen vient jouer un prisonnier juif longtemps avant de jouer Magneto dans X-Men ou Gandalf dans le Seigneur des Anneaux. Malheureusement, de cette grande équipe, personne ne gardera un grand souvenir du tournage… Il fait froid, il pleut souvent, les prises de vue s’éternisent sur environ un an, de nombreux soucis techniques sont présents. Pire, Wally Veevers, superviseur des effets visuels, décède pendant le tournage, venant ainsi retarder encore plus la production, et expliquant certains trucages ratés. Michael Mann termine son métrage et son premier montage dure 3h30. La Paramount charcute alors elle-même le film pour livrer un montage de seulement 1h30, Michael Mann renie alors le métrage, et le film se solde à sa sortie par un échec…
Oui, La Forteresse Noire est un film maudit. Pourtant, dés les premiers instants, le spectateur habitué au style de Mann ne pourra rester insensible à l’ambiance installée. De longs travellings, des ralentis sur un village Roumain plongé dans la brume, des murmures, des camions allemand qui avancent, une mélodie étrange de Tangerine Dream, et finalement, l’arrivée de nos personnage devant l’étrange Forteresse du titre. Le métrage pose en quelques plans son ambiance et nous happe littéralement avec lui. Visite de la Forteresse, ses couloirs sombres, ses pièces non éclairées, ses croix étranges ornant tous les murs. Aucun doute, quelque chose se trame en ces lieux, ou bien la Forteresse renferme quelque chose, surtout que le gardien les avertit qu’il ne vaut mieux pas passer la nuit sur les lieux. Ce mélange entre mystique, époque de la seconde guerre mondiale et avertissement classique du cinéma de genre fonctionne à merveille. Quand dix minutes plus tard, un événement étrange a lieu et que deux soldats touchent à ce qu’il ne faut pas toucher, on reconnaît encore plus la touche Michael Mann et Tangerine Dream, avec ses éclairages travaillés, ses travellings au ralentis, cette musique d’une époque révolue. Doucement, en prenant son temps, Michael Mann instaure une ambiance unique, place ses différents personnages, en incorpore d’autres, et n’hésite pas à les développer sans avoir peur des stéréotypes. Oui, on envoi un méchant commandant allemand (Gabriel Byrne) pour comprendre le mystère de la forteresse, et au lieu de chercher à comprendre, il fusille des innocents pour faire régner la terreur, mais ça marche.
Même les premières plongées purement fantastique du métrage, avec cette étrange créature, dont les yeux et la bouche brillent d’un rouge étincelant, fonctionnent totalement. Malheureusement, c’est également lorsque le film plonge pleinement dans le cinéma de genre que les nombreuses coupes faites par les producteurs deviennent envahissantes, puisqu’on ne comprend alors plus grand-chose. Scott Glenn arrive lorsque le mal se réveille. Qui est-il ? Pourquoi ? Pourquoi a-t-il une relation avec la fille de Ian McKellen ? On ne saura rien ! Pleins d’éléments vont survenir, le rythme va s’accélérer, et le spectateur lui va devoir tenter d’interpréter pas mal de choses, le film ne lui offrant pas de renseignements, pas de réponses. Oui, la mise en scène et l’ambiance sont toujours là, toujours au top, mais on évolue dans une incompréhension non volontaire de la part de l’équipe. Pire, dans la dernière partie, les images se font magnifiques, et pourtant, le film se plante à ce moment là, la faute à des effets spéciaux alors un peu moins bons, et surtout à un final expéditif plié en deux ou trois mouvements à la manière d’une série Z. Toute cette attente, toute cette tension et cette ambiance pour finalement rien. Il y a énormément de bonnes choses dans la Forteresse Noire, mais en l’état, le film se révèle bien bancal, étrange, incomplet, et laisse un goût amer. Obsédant, mais amer.
Les plus
Très bonne mise en scène de Michael Mann
Cette ambiance unique
La musique de Tangerine Dream
Les moins
Un propos nébuleux
Deux heures de coupes, ça se ressent
Un final raté et expéditif
En bref : Second film de Michael Mann, charcuté par les producteurs de 2h, La Forteresse Noire contient la patte de son auteur, une ambiance unique, mais son propos lui en prend un sacré coup !