Titre original : Love 3D
2015 – France
Genre : Drame
Durée : 2h15
Réalisation : Gaspar Noé
Musique : –
Scénario : Gaspar Noé
Avec Aomi Muyock, Karl Glusman, Klara Kristin, Ugo Fox, Juan Saavedra et Gaspar Noé
Synopsis : 1er janvier, début de matinée. Le téléphone sonne. Murphy se réveille à côté de sa jeune femme et de son enfant de deux ans. Il écoute son répondeur : la mère d’Electra, morte d’inquiétude, veut savoir s’il a des nouvelles de sa fille disparue depuis longtemps. Elle a peur qu’il ne lui soit arrivé quelque chose de grave. Au cours d’une longue journée pluvieuse, Murphy se retrouve seul dans son appartement à se remémorer sa plus grande histoire d’amour : deux ans avec Electra. Une passion ardente pleine de promesses, de jeux, d’excès et d’erreurs…
Comme tous les films de Gaspar Noé depuis Irréversible, Love 3D ne sera pas passé inaperçu. Attirant autant la curiosité par son sujet et son propos (une romance en 3D avec des scènes de sexe non simulées et ouvertement montrées), que par son utilisation de la 3D (procédé auquel la mise en scène habituelle de Gaspar Noé se prête peu), Love 3D aura attiré, fait parler de lui lors de son passage à Cannes et comme toujours, se traîne une réputation de film choc. Voir Gaspar Noé se lancer dans une romance et surtout des scènes de sexe non simulées n’étonne pourtant guère, puisque Irréversible nous montrait déjà du sexe (bon, un viol…) et un couple, et Enter The Void nous montrait une vision relativement enfantine et niaise de l’amour, le tout à base de sexe, de trip psychédélique, de vie après la mort. Noé aime le sexe et la romance, et si oui, sa vision est souvent simple voir niaise, on ne peut pourtant qu’y voir un artiste sincère, qui certes aime choquer, mais est aussi un homme croyant en l’amour. Même si souvent chez lui, le temps détruit tout. Et bien son nouvel opus, Love 3D (sortant en dvd et Blu-Ray le 2 Décembre), c’est exactement ça, avec quelques changements.
Dans la forme déjà, le film est prévu pour la 3D déjà. Gaspar Noé n’a donc pas d’autres choix que d’apaiser sa mise en scène. Terminé la caméra libre tournant dans tous les sens, traversant tous les murs pour ne formant qu’un long faux plan séquence. Ici, c’est calme, posé, la caméra se permet certes des plans séquences, l’on reconnaît de très nombreux tics de mise en scène chers à son auteur, mais c’est calme. On pense souvent à la seconde partie d’Enter The Void filmant son personnage à la troisième personne, de dos. La caméra est fluide, suit les personnages, de face, souvent de dos, s’attarde sur les corps, sur l’émotion en fait. Même vu en 2D, on dénote un très grand travail sur la profondeur de champ, permettant une meilleure immersion pour la 3D, qui semble donc bel et bien réfléchie et travaillée. Mais si Love se fait plus calme que d’habitude dans la forme, Noé ne se calme pas totalement pour autant, nous gratifiant encore une fois de plans stroboscopiques, de coupes brutales au sein d’un même plan. Du pur Noé donc.
Mais qu’en est-il du fond du film ? Comme souvent, le propos du film est très simple. Trop simple dirons certains. Un américain à Paris rencontre une femme, tombe amoureux. Pour ne jamais s’ennuyer et maintenir la flamme, ils vont faire expérience sur expérience, mais le temps détruit tout. Comme souvent, Noé dynamise son récit avec ces artifices habituels. Le film commence par la fin, nous est raconté en flashback revenant sur le couple, son cœur, et ce jusqu’à nous montrer finalement la rencontre. C’est tout ? Oui ! Love est une romance, qui finit mal. Enfin, commence mal finalement, avant de nous expliquer comment les personnages en sont arrivés là. Le film se montre alors être un mélange de scènes de sexe non simulées et de passages plus romantiques, montrant autant les grands moments doux d’une relation que ses moments de doutes et d’engueulades. Et si j’avais mes craintes quand à ces deux aspects, on peut dire que Gaspar Noé a plutôt fait du bon boulot. Doute puisque le film s’ouvre ouvertement sur une scène de branlette entre le couple qui m’a fait craindre le pire, fait craindre un film provocateur qui ne raconte rien.
Heureusement, passé cette ouverture, le film se montre maîtrisé, construit, et veut réellement nous montrer une relation dans tous ces moments de joie mais aussi ses travers. Venons en au sujet de la polémique : le sexe ! Oui, le sexe est très présent dans Love 3D. Mais à la manière de Nymphomaniac de Lars Von Trier, il ne se veut pas provocant. On est loin du film porno où les acteurs sont des objets pour que le spectateur se masturbe, mais on assiste à des scènes de sexe la plupart du temps douces. Du sexe avec des sentiments donc, comme Gaspar Noé aime le dire. Du sexe à deux en mode romantique, du sexe à trois plein de désirs, des scènes dans des clubs échangistes, on aura de quoi faire. Mais le film ne rend quasiment jamais ses scènes gratuites ou vulgaires. Quasiment car oui, Noé aime choquer, et cet aspect ressort lors d’une ou deux scènes. Oui, en utilisant la 3D, Noé n’aura pas pu s’empêcher de nous envoyer une éjaculation en plein visage… Peu subtil, gratuit et venant surtout rappeler ce gadget qu’est la 3D alors que le reste du film se fait sobre. On pourra aussi critiquer la scène avec la (le ?) trans, plutôt inutile.
Mais sur l’ensemble du métrage dépassant de peu les 2h, le métrage se fait intéressant, et pas si choc que ça. L’aspect romantique par contre ne plaira pas à tous tant il se montre au final assez répétitif (tout va bien, élément perturbateur, tentative pour se rapprocher, mais qui finalement créé d’autres soucis), fonctionne également plutôt bien grâce à une simple donnée : l’ensemble du métrage paraît sincère. Il suffit de voir la rencontre extrêmement simple entre les deux personnages pour s’en rendre compte. La simplicité fait fonctionner l’ensemble. C’est dans ces moments les plus simples et réalistes que Love 3D se montre intéressant : une rencontre par hasard, une discussion après l’amour… Pour finir, on pourra citer également l’ost du métrage, plutôt excellente, où Gaspar Noé va piocher dans d’autres ost (on retrouvera le thème de Cannibal Holocaust, le thème de Assaut par Carpenter, un thème venant des Frissons de l’Angoisse de Argento), dans du classique mais également chez quelques grands artistes (Brian Eno, Pink Floyd). Alors oui, malgré tout, et même s’il n’est pas si choc que ça, Love n’est pas à conseiller à tous les publics loin de là. Il n’est pas non plus le meilleur film de Gaspar Noé même si là n’est que mon opinion purement subjectif, mais le métrage se montre intéressant par bien des aspects et surtout maîtrisé.
Les plus
Pas si choc que ça
Simple mais sincère
Des combats dynamiques
Quelques très beaux moments
Le sexe souvent beau et pas vulgaire
Les moins
Un ou deux plans juste pour choquer
Un film clairement pas pour tout le monde
En bref : Gaspar Noé se lance dans la romance teintée de scènes de sexe non simulées. Et à quelques égarements près, ça fonctionne plutôt bien, et ça se montre intéressant. Simple, mais sincère.