TÉNÈBRES (Tenebrae) de Dario Argento (1982)

TÉNÈBRES

Titre original : Tenebrae
1982 – Italie
Genre : Giallo qui tâche
Durée : 1h41
Réalisation : Dario Argento
Musique : Claudio Simonetti, Fabio Pignatelli et Massimo Morante
Scénario : Dario Argento

Avec Anthony Franciosa, Daria Nicolodi, John Saxon, John Steiner, Giuliano Gemma, Carola Stagnaro, Christiano Borromeo et Veronica Lario

Synopsis : Peter Neal, écrivain américain, se rend à Rome pour la promotion de son dernier roman policier intitulé Ténèbres. Mais une fois sur place, un tueur sévit et s’inspire de son roman pour tuer des femmes. Le tueur prend contact avec l’écrivain et le menace.

Alors qu’Argento s’était engagé sur la voie du cinéma fantastique dés 1977 avec Suspiria, il avait délaissé le giallo, le genre de ses débuts (4 films déjà). Mais après Inferno en 1980, il est victime d’une expérience troublante, lorsqu’un fan de son cinéma le harcèle au téléphone, puis le menace de mort. De là viendra le point de départ de Ténèbres, le grand retour d’Argento au giallo, et surtout le dernier grand chef d’œuvre de sa carrière avant une longue descente aux enfers dès la fin des années 80 malgré des éclairs de génie. Pourtant, Ténèbres, du moins visuellement parlant, se fait à l’opposé du reste de l’œuvre d’Argento. Argento veut quitter le côté visuel surréaliste de ses précédentes œuvres, et décide de livrer une œuvre beaucoup plus froide. L’éclairage sera ainsi très lumineux, très blanc, très surexposé, tandis que les différents personnages peuplant l’intrigue d’Argento sont déconnectés, se jouant même des stéréotypes pour mieux tromper en quelque sorte le spectateur. C’est ainsi qu’Argento filme et nous montre Rome : une ville froide avec des individus peu recommandables se laissant aller le plus souvent aux stéréotypes les plus simples pour faire régner un climat hostile et peu amical. Mais au-delà de ça, c’est également avec le côté autobiographique de l’œuvre qu’Argento s’amuse, puisqu’outre le point de départ du tueur fan et psychopathe, c’est un peu comme si Argento se mettait lui-même en scène dans le rôle de Peter Neal.

Dario Argento est Peter Neal, autant manipulé par son fan et le tueur qui rôde que manipulateur de par sa profession et de par son rapport avec les autres. Oui, autant dans le fond, intéressant, probablement un des plus développés d’Argento puisque la somme de toute son œuvre que dans la forme, sublime, réfléchie, à la fois poétique et ultra violente, Ténèbres frôle le génie. Frôle seulement car oui, on pourra toujours y trouver à critiquer, comme par exemple la relation entre Peter Neal et son assistante, jouée par Daria Nicolodi, apportant un peu de douceur voir parfois un ton plus décontracté à une œuvre définitivement sombre. Probablement le seul personnage réellement positif du métrage par ailleurs, sans pour autant qu’Argento insère dans son métrage le même humour que dans Les Frissons de l’Angoisse, du moins sa version longue. Au-delà de ça, Ténèbres est un sans faute, autant de par sa mécanique scénaristique que de ses choix visuels, audacieux et originaux pour l’époque. L’exemple le plus frappant étant bien entendu cette scène, tournée avec une caméra Louma (donc, une caméra fixée sur une grue), qui semble alors arrêter le temps, durant une séquence, pour nous faire parcourir d’un certain point de vu le décor, avant de changer au sein du même plan le point de vu et nous montrant les actes que le tueur prépare, comme si en cours de route la caméra s’était désincarnée.

Mais bien entendu, beaucoup se rappellent de Ténèbres pour sa violence graphique parfois outrancière, le tout mêlée à la bande son composée par trois des membres des Goblin (Claudio Simonetti, Fabio Pignatelli et Massimo Morante). Car si comme dans tout bon film du genre, ça commence plutôt doucement, Argento se lâche très rapidement pour achever son métrage dans un bain de sang. N’importe quel spectateur du métrage se rappelle forcément de la scène de la hache, avec en fond un mur blanc, qui ne va pas le rester longtemps. Un moment intense au sein d’un long final qui ne faiblit jamais, enchaînant les moments cultes, les révélations plutôt inattendues et bien trouvées (sacré manipulateur ce Argento !), toujours avec un sens aiguisé de la mise en scène (et de la hache, certes). Autre preuve s’il en est que Ténèbres est un grand film, l’un de ses derniers plans a été carrément refait, quasi à l’identique, par Brian De Palma 10 ans plus tard lorsqu’il signa L’esprit de Caïn. Ténèbres, c’est beau, violent, extrême, sombre, bien écrit, bien filmé et photographié. Bref, le dernier grand film du maître.

Les plus

Une mise en scène à tomber
Un scénario intéressant
Des meurtres brutaux
La musique

Les moins

En chipotant, quelques moments plus calmes 

En bref : Ténèbres, c’est le retour d’Argento au giallo, genre qu’il transcende en livrant un de ses meilleurs films !

2 réflexions sur « TÉNÈBRES (Tenebrae) de Dario Argento (1982) »

  1. Revu avec un plaisir intense. Le film est passionnant, brutal, mémorable, il parvient même à semer le doute. La réalisation est virtuose, la musique une dinguerie, de nombreuses scènes sont inoubliables.

    J’ai failli verser une larme devant une ou deux scènes (mais littéralement), tellement c’etait extraordinaire.

    Un chef d’œuvre.

    1. Sans doute la raison pour laquelle certains fans continuent de penser que TÉNÈBRES, c’est la fin pour Argento. Entre ça pour le giallo et SUSPIRIA 5 ans avant pour le fantastique, il a livré deux grands films, deux chef d’oeuvres tout simplement. Forcément, après ça n’a pas le même impact, mais bon, il y a quand même PHENOMENA, OPERA (bon le scénario est à chier par contre là), STENDHAL SYNDROME, NON HO SONNO. Bref, Argento. J’écoute très souvent la musique de TÉNÈBRES, j’avais même acheté un best of Argento, le pied. Et ouais, des scènes tellement fortes. Et ce final !

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