2019
Studio : Frogwares
Editeur : Bigben Interactive
Genre : Oh Lovecraft, je t’aime
Multijoueur : Non
Joué et testé sur : Playstation 4
Existe sur : Playstation 4, Xbox One, PC, Nintendo Switch
Synopsis : Le jeu se déroule dans la ville fictive de Oakmont, Massachussets, envahie par les eaux et par des créatures étranges, où y règne le culte de Cthulhu. Charles Reed, détective, se rend sur place pour mener l’enquête sur ses visions.
Lovecraft et moi, c’est une longue histoire d’amour depuis que j’ai découvert très jeune ces nouvelles. Le Cauchemar d’Innsmouth reste encore aujourd’hui ma nouvelle préférée, et je peux vous assurer que le recueil de nouvelle la contenant fait la gueule, j’ai même du rescotcher certaines pages. Lovecraft, quand on l’adapte, on a un peu de tout. Dans le monde du cinéma, il y a à boire et à manger, du petit budget et du plus confortable, de l’adaptation libre et à l’adaptation fidèle, en passant par les œuvres hommages. Stuart Gordon et Brian Yuzna se sont un peu spécialisés dans les adaptations, souvent assez libres (Re-Animator, Frombeyond, Dagon, Le Cauchemar de la Sorcière, Castle Freak), mais d’autres réalisateurs adaptent encore et toujours l’auteur, comme l’Italien Ivan Zucon, souvent avec un budget ridicule, mais un amour certain pour cet univers. Dans le monde du jeu vidéo, Lovecraft à la côte depuis un moment. Entre un Call of Chtulu finalement décevant, très directif et surtout très court (un petit 6 ou 7h en prenant son temps), un Rogue-Ligue avec Lovecraft’s Untold Stories, voilà donc The Sinking City, développé par le studio Ukrainien Frogwares, que l’on connait bien pour les jeux d’enquêtes Sherlock Holmes. Ça tombe bien, puisqu’ici, on joue un détective durant les années 20, et pas mal de mécaniques sont partagées entre les deux univers. La recherche d’indices, le fait de les relier entre eux, reconstruire des événements du passé. Mais gros changement, Frogwares s’est lancé avec The Sinking City dans le jeu Lovecraftien à forte ambiance, et surtout dans un monde ouvert, la ville fictive de Oakmont.
Et étonnement, malgré pas mal de défauts, notamment techniques, The Sinking City ne se sera pas tant fait plomber que ça par la soit disant presse spécialisée. C’est étonnant. Oui, car The Sinking City n’est pas un AAA déjà, c’est un jeu moindre, au budget moindre, mais avec des ambitions hautes. Et du coup forcément, au niveau technique, ça ne tient pas la route, et on a souvent l’impression de voir un jeu de la génération précédente. Certes, depuis il y a eu des patchs, mais certains défauts sont toujours là. En vrac, quelques retards d’affichage, des PNJ qui semblent parfois paumés et ne savent pas où aller, et même une fois, un PNJ qui se sera retrouvé dans une maison, bloqué contre la porte, à tel point que j’aurais flippé, pensant à un ennemi de dos qu’il fallait abattre. Mais ce n’est pas tout, puisque l’on pourra signaler dés que l’on va dans les menus du jeu un petit temps de chargement de quelques secondes avant de s’afficher vraiment, quelques rares chutes de framerates. Rares oui, mais à signaler. Mais ce n’est pas tout, puisque graphiquement, The Sinking City n’est pas le top du top. Certaines textures sont un peu crades, le jeu a quelques soucis de collisions dans certaines pièces, les animations faciales ne sont pas au top, et on pourra également citer les animations générales lorsque l’on marche ou court, rigides au possible. Ça fait beaucoup de défauts oui techniquement.
Heureusement, au delà de ces nombreux défauts, le jeu a beaucoup plus à proposer. Dés la cinématique d’ouverture d’ailleurs, on est plongé dans une ambiance étrange, parfois glauque, lourde, et extrêmement influencée par Lovecraft, puisque la ville d’Oakmont est à moitié submergée par les eaux, que certains habitants vénèrent des anciens Dieux, que l’on a des visions d’horreur qui nous font souvent nous évanouir, et qu’une partie de la population sont des réfugiés venus ici après l’arrivée de la police à Innsmouth. Oui rien que ça. Du coup dés les premiers instants, le fan de Lovecraft et de ce genre d’univers est aux anges. On passe outre les défauts pour s’immerger dans le jeu (et dans les eaux), face à une intrigue plutôt bien écrite, bien que sans doute manquant un peu de surprises pour le connaisseur. Mais prenante malgré tout, surtout que le jeu propose au-delà de son intrigue de base quelques enquêtes annexes, qui monteront la durée de vie du titre aux 25 heures environ. Point faible à mes yeux, le jeu n’est disponible qu’avec des doublages français, et si pour la plupart, ils restent convaincants, certains laissent à désirer. Mais bon, revenons à nos moutons. Nous jouons le détective Reed qui arrive à Oakmont pour comprendre l’origine de ses visions. Sur place, il va devoir travailler pour certaines personnes qui pourront lui fournir des réponses, et il va tomber sur des mystères beaucoup plus complexes que prévu dans la ville à moitié submergée suite à une catastrophe plus ou moins naturelle.
Le jeu se découpe donc en plusieurs phases. La principale étant bien entendu la phase d’enquête. Tout au long des différentes affaires formant l’intrigue principale, nous allons devoir explorer la map, parler à des PNJ, chercher des indices, et recoller les morceaux. Les connaisseurs des jeux du studio sont en terrain connus donc, mais il faut avouer que The Sinking City a quelques points bienvenus qui s’ajoutent à son gameplay, le premier était la relative liberté d’action. Imaginons que lors de notre enquête, nous trouvons des indices comme quoi quelqu’un a été blessé par balle à l’épaule. Le jeu ne nous guidera pas, et ce sera à nous d’avoir la jugeote d’aller à l’hôpital pour chercher des patients avec ce genre de blessures. Si l’on cherche quelqu’un récemment marié, ce sera à la Mairie qu’il faudra vérifier pour trouver le registre et l’adresse du suspect. Via cet aspect, The Sinking City ne nous prend pas par la main, et c’est assez rare pour le souligner. Aucun point sur la map sauf ceux que l’on ajoute nous même, aucun tracé à l’écran nous indiquant s’il faut tourner à gauche ou à droite. À nous de bien lire les notes, de trouver les points d’intérêts, de les ajouter nous même en cherchant sur la carte les bonnes rues dans les bons quartiers. Dommage il faut avouer par contre que ce monde ouvert ne possède pas plus d’interaction, beaucoup de bâtiments étant fermés et pas mal de PNJ, lorsqu’ils ne sont pas buggés, se contentant d’avancer dans les rues. Mais rien de vraiment dommage, dans le sens où finalement, la ville de Oakmont n’est pas si grande que ça, et que la moitié de cette ville est submergée, nous demandant donc de faire certaines rues sur un bateau.
La partie enquête fonctionne plutôt bien, malgré un côté peu punitif, puisque lorsque le joueur devra relier les indices, il est impossible de se tromper, les choix ne fonctionnant pas tant que l’on ne lie pas les bons indices ensembles. Certains choix, souvent en fin des enquêtes, nous amèneront dans une direction ou vers l’autre, mais rien de franchement punitif au final, ni pour la structure générale, ni pour la fin du jeu, qui contient d’ailleurs trois fins différentes. Mais voilà, pour peu que l’on aime l’ambiance, on se retrouve plongé dans ces enquêtes, dans cette histoire résolument sombre et bien écrite. Malheureusement, à côté, il y a un élément bien moins intéressant, à savoir la partie action du titre. Car qui dit Lovecraft dit créatures étranges venues de la mer. The Sinking City respecte le cahier de charge de la parfaite aventure du genre, et nous croiserons lors de nos missions et aussi lors de nos explorations dans certaines zones contaminées diverses créatures, allant du « petit crabe » à l’humanoïde en passant par la créature faisant 3 fois notre taille et au monstre à tentacule. Le souci, c’est que le gameplay niveau action est franchement moyen. On trouve des armes, allant du pistolet au fusil à pompe, en passant plus tardivement par la mitrailleuse, mais tirer à l’arme à feu ne procure aucune sensation, la visée est lente et souvent laborieuse vu que les créatures elles sont très mouvantes. On aura bien la possibilité du combat au corps à corps avec une pelle, mais rien de bien emballant non plus.
Certes, le cœur du gameplay n’est pas dans ses combats, et certains peuvent être évités, mais c’est un peu dommage. Et plus vous rencontrez de créatures ou d’éléments étranges, plus votre barre de folie va augmenter, ce qui va faire dérailler votre personnage. Apparitions de monstres qui sont là, ou pas, images en surimpression sur l’écran, voir même votre personnage qui ne va alors plus vous écouter et tenter de se tirer une balle dans la tête. Le concept aurait pu aller plus loin, mais en soit, c’est plutôt sympathique et bien dans l’esprit de Lovecraft. Vous l’avez compris en tout cas, dans les faits, The Sinking City alterne clairement le chaud et le froid. Son ambiance est absolument géniale, son écriture soignée, le fait de se débrouiller dans la marche à suivre fait grandement plaisir et ne nous prend pas par la main. L’aventure est longue, satisfaisante et plaisante sur la durée. Mais à côté de ça, il y a pas mal de défauts techniques, et quelques éléments auraient mérités un peu plus de finition, notamment le gameplay action. Si la ville de Oakmont est réaliste et plongée dans une ambiance lourde et sombre, on aurait aimé également plus d’interaction dans ce monde. Est-ce que ça fait de The Sinking City un jeu bancal ou raté ? Pas vraiment au final, car le cœur du jeu est vraiment dans son ambiance, réussie. Du coup, si l’on est clairement le genre de joueurs visé par cette expérience, The Sinking City est une très bonne expérience. Les autres joueurs seront sans doute plus gênés par les défauts du titre, et le trouveront donc moyen, ou décevant. Mais rien de catastrophique.
Les plus
L’ambiance géniale
L’histoire bien écrite
Très respectueux de Lovecraft
Le côté enquête
La map qui ne nous donne que peu d’indications
Les moins
Techniquement pas top
Le gameplay action bancal
En bref : The Sinking City a des défauts, même des gros, niveau technique (graphismes, quelques bugs, des PNJ paumés, affichage parfois tardif), gameplay (les passages d’action), mais à côté, il délivre exactement ce que l’on attend de lui, en terme d’histoire, d’ambiance poisseuse et j’en passe. Si c’est ce que l’on attend de lui, bonne pioche, meilleure que le récent Call of Chtulhu.