Titre original : Domino
2019 – Danemark
Genre : Policier
Durée : 1h29
Réalisation : Brian De Palma
Musique : Pino Donaggio
Scénario : Petter Skavian
Synopsis : Un flic danois est aux trousses d’un tueur, responsable de la mort de son coéquipier, il sera épaulé par une policière, également maitresse de ce dernier. Mais ce que le duo ignore, c’est que le coupable qu’ils traquent travaille pour la CIA et est sur la piste d’une cellule terroriste.
Le grand De Palma reviendra-t-il un jour ? À l’image de Dario Argento, Brian De Palma fait clairement parti de ces réalisateurs cultes des années 70 et 80 qui ont du mal à tourner aujourd’hui. Si certains voient en L’Impasse en 1993 son dernier chef d’œuvre (dont moi, je ne vais pas mentir), il ne faut pas oublier que la suite des années 90 n’aura pas été honteuse pour le maître du suspense. Mission Impossible et Snake Eyes, c’était malgré tout du très bon. Même le début des années 2000 n’auront pas été catastrophique, même si la gloire d’antan était loin, avec un Mission to Mars à la première heure magistrale avant de s’effondrer par la suite, et un Femme Fatale très critiqué mais très intéressant et à l’ouverture elle aussi magistrale. Oui, mais après, il y avait le soporifique Le Dahlia Noir, puis Passion, remake du film Français Crime d’Amour, pas déshonorant mais assez insignifiant. À l’image d’Argento, De Palma tente de continuer sa carrière, mais n’a pas les moyens de ses ambitions (on connait les soucis de tournage du Dahlia Noir), n’écrit plus ses scénarios, et a souvent dans les pattes un rendu de DTV. Et bien Domino, son retour après 7 années d’absence, ne va pas venir changer la donne, loin de là. De Palma a en effet tourné son métrage, éternel film policier à base de complots, au Danemark, avec une production et un financement Danois donc, pour un budget bas de moins de 10 millions, des acteurs venant de là-bas pour la plupart, et un rendu visuel vraiment cheap et très proche du vulgaire téléfilm, pas aidé par une photographie terne et sans saveur venant de Joé Luis Alcaine, avec qui il avait déjà bossé sur Passion. Et comme pour ses derniers films, De Palma ne signe pas le scénario du dit métrage. À ce niveau, son prochain film relèvera peut-être le niveau, de par son sujet (un producteur prédateur à Hollywood haha), et le fait que De Palma sera seul maître à bord (mise en scène, scénario). Mais revenons à Domino, son opus de 2019.
Domino ne part pas avec de bons points, et De Palma ne dit par ailleurs pas forcément des choses rassurantes vis-à-vis du métrage. Budget ridicule, équipe technique qui a été payée en retard (ou pas du tout ?), et un montage final qui, s’il est bien de lui en terme de plans (son final cut donc), n’aura pas eu droit sa participation au-delà de l’assemblage. Donc, le mixage, la musique, l’étalonnage des couleurs, tout ça, il n’y a pas participé. Bon, même en prenant ça en compte, ça ne remontera pas le niveau, puisque niveau montage, Domino dure à peine 1h30, et ressemble dans son déroulé à un DTV tout ce qu’il y a de plus classique, avec ses raccourcis scénaristiques énormes, ses conclusions hâtives nous amenant du point A au point B en temps record et j’en passe. On y suit un flic, forcément, cherchant à venger son partenaire, tué par un tueur au Danemark. Il sera aidé par la maitresse de son coéquipier, et les deux vont prendre la route pour traquer le tueur, capturé par la CIA et bossant pour elle afin de démanteler un réseau terroriste qui prépare un sale coup en Espagne. Encore une fois comme Argento, De Palma, sur un scénario pas de lui, se raccroche à sa gloire d’antan et tente d’insérer dans un récit sans surprises ses propres obsessions, thématiques mais également techniques. Une cage d’escalier, des mouvements de caméra lents et calculés, des faux semblants, des complots, sans oublier une multitude d’écrans de caméra, un écran splité, et un final abusant du ralentis et de la musique. Les intentions sont clairement là, aidées par le score musical de Pino Donaggio qui semble vouloir nous ramener 30 ans en arrière, à la grande époque d’un Blow Out ou Body Double. Mais De Palma n’est pas aidé par une photographie fade qui vient le plus souvent donner un résultat tiède à ses tentatives.
C’est tout le souci, De Palma tente de s’appliquer comme il peut. La caméra est souvent habile et fluide, le montage pas déshonorant, les idées là, mais ça ne fonctionne jamais vraiment. Pour le fan ou du moins le cinéphile, l’exercice n’est pas inintéressant par contre, bien que laissant un petit pincement au cœur. L’exemple le plus flagrant d’un tel résultat, ce sera une scène glaçante dans les faits, où De Palma met en avance le terrorisme via les nouvelles technologies, ramenant un peu à ce qu’il avait tenté de faire avec Redacted il y a un peu plus de 10 ans. Une scène intéressante dans ce qu’elle nous montre, dans sa manière de nous le montrer (l’usage du split screen justement), mais qui sonne parfois un peu fausse. L’autre moment que l’on pourra qualifier de bravoure, ce sera le final, où De Palma semble étirer le temps pour profiter de cette scène qui l’intéresse, utilisant du ralenti, d’une nouvelle reprise du Bolero de Ravel (après sa sublime utilisation dans Femme Fatale), et où la photographie fait enfin un peu dans la fantaisie, avec ses néons bleutés. Un final jamais totalement convaincant, et se plantant même sur certains aspects, mais où De Palma, faisant ce qu’il sait et a toujours su faire, parvient enfin à capturer pleinement notre attention via quelques moments figeant le temps et nous donnant ce que l’on attendait de l’ex maître. Un peu à l’image du Dahlia Noir, souvent raté, parfois risible (ce final nom de dieu), souvent chiant, mais traversé de quelques éclairs de génie (la scène des escaliers). C’est un peu la même chose ici, les longueurs en moins, mais également l’ambition du sujet en moins.
Les plus
Quelques éclairs de génie
Du haut de ses 1h29, rythmé
La nostalgie d’un score à l’ancienne pour Donaggio
Les moins
Une esthétique de téléfilm bas de gamme
Un scénario simpliste avec son lot de facilités
Jamais palpitant malgré son sujet
En bref : De Palma revient par la petite porte DTV, avec un produit fauché qui aura eu une production difficile. La grande époque est loin, ça sonne fauché, mais ce n’est pas inintéressant pour autant, même si on est loin du bon film.
Trop peur d’être déçu en découvrant la chose, mais je jouerai quand même avec ce Domino parce qu’il s’agit du nouveau film d’un immense cinéaste (et pourtant, j’ai déjà eu beaucoup de mal avec son Passion…). Mais bon, une fois qu’on a fait le deuil de la grande époque, on n’est jamais à l’abri d’une agréable surprise (peut-être que la prochaine sera la bonne ? Espérons). Et bonne année 2020 !
Quand j’avais entendu parler du film, je voulais y croire. Après j’ai eu les premiers échos et j’étais beaucoup moins motivé, mais comme tu dis, ça reste un film de De Palma, et la curiosité l’a emporté. J’espère que la prochaine sera la bonne oui ! Un retour en forme ferait bien plaisir.
Et oui bonne année 2020 à toi également, tout pleins de bonnes choses. Santé bonheur argent et des bons films espérons 😉
S’il ne s’était agi de De Palma, aurait-on été si magnanime avec ce film qui semble perclus de défaut ?
On aurait sans doute dit de ce réalisateur qu’il tente de faire son De Palma en filmant des escaliers et des splits screens sur un air de Bolero. 😉
Toujours est-il que ce gars a quand même un jour tutoyé Lucas, Spielberg, Coppola, Scorsese, Milius, Paul Schrader,… Et qu’il en est là. Il a toujours été un peu le mal aimé de la critique. Je me souviens d’une époque où on lui reprochait des films (aujourd’hui considérés comme des classiques) trop pompés sur Hitchcock.
Et pourtant, en effet, L’impasse, Phantom of the Paradise, Carrie,… Et je suis comme toi, je n’ai pas détesté Passion, encore moins Femme Fatale.
Oui, c’est un peu ce que je disais de Twixt de Coppola, que si il s’agissait du premier film d’un cinéaste qui expérimentait, le public et les critiques auraient été bien plus clémentes à la sortie.
Mais c’est vrai que De Palma n’a jamais eu franchement de bol, même à l’époque de ces très grands films vis-à-vis de la critique. Blow Out et Body Double restent par exemple certains de mes favoris de lui, mais on a beaucoup craché dessus à l’époque de leur sortie. Mais sa carrière maintenant, c’est un peu comme Shrader, il a beaucoup de mal, il a des très petits budgets, beaucoup de soucis de productio (Schrader et son Dominion, puis la réception catastrophique de The Canyons et des suivants).
Passion je le trouve moyen, mais je ne déteste pas. Femme Fatale par contre j’aime beaucoup ce film.
La scène du début de Femme Fatale, dans les toilettes du palais des Festival, ça sonne comme un pied de nez au regard de la réputation actuelle du cinéaste.
Et justement, il rebondit sur cette scène là dans son Domino, avec une scène se déroulant sur le tapis rouge d’un festival inventé pour l’occasion 😉 Beaucoup d’éléments ici renvoient à Femme Fatale, sans que De Palma n’en ai signé le scénario. Mais il a peut-être beaucoup apporté lors de la production chaotique du film (réécriture par exemple). Les informations étant rares, dur de vraiment savoir. Et tu m’as donné envie de revoir Femme Fatale pour le coup, sauf qu’aujourd’hui, c’est nostalgie avec Krull (film de ma jeunesse que j’ai enfin retrouvé), et le fameux second film de Zahler !
Ce qui est sûr, c’est qu’il doit changer de directeur de la photo par contre haha.
Krull et Brawl, ça promet !
Hâte d’avoir ton retour sur le percutant Zahler.
Deux films totalement opposés, mais j’admet que Krull m’avait marqué dans ma jeunesse, et que je veux le revoir depuis facilement 5 ans sans jamais avoir mis la main dessus. Je m’attend à ce que ce soit kitch et ai mal vieilli mais bon…
Je te dirais pour le Zahler 😉 (et tu auras mon avis complet sur le Rob Zombie, j’ai planifié mon article pour ce soir).