Titre original : A Nightmare on Elm Street
1984 – Etats Unis
Genre : Fantastique
Durée : 1h31
Réalisation : Wes Craven
Musique : Charles Bernstein
Scénario : Wes Craven
Synopsis : Victime de cauchemars effrayants et plus vrais que nature, l’adolescente Tina Gray se confie à ses amis. Loin de la rassurer, ils lui avouent que leurs nuits sont également tourmentées par un mystérieux et inquiétant croque-mitaine dont la main gantée est pourvue de lames de rasoir. Nancy et Glen, deux amis de Tina, décident de passer la nuit chez elle durant l’absence de la mère, afin de la rassurer. De nouveau endormie, Tina sombre dans un cauchemar dont elle ne se réveillera jamais. Sa meilleure amie Nancy, traumatisée par le meurtre sauvage de son amie, réalise que ses propres rêves sont liés à une vérité sue par sa mère, Marge. Dans sa quête de vérité, elle découvrira que ses rêves sont visités par la réincarnation de Fred Krueger, un tueur d’enfants dont ses parents se sont, autrefois, débarrassés par le feu.
J’ai toujours crié haut et fort que je n’étais pas un fan de l’œuvre de Wes Craven. Mais parmi sa filmographie, il y a bien quelques films faisant exception à la règle. En réalité, surtout un : Les Griffes de la Nuit, qui lança la saga sur Freddy Krueger, le tueur brûlé qui sévit dans les rêves des adolescents vivant sur Elm Street. Au moment du tournage, Craven revient de loin, puisqu’après deux films Underground dans les années 70 (les cultes mais que je n’aime pas du tout la Dernière Maison sur la Gauche et La Colline a des Yeux), Craven se retrouve à tourner des petits films plutôt insignifiants, voir des téléfilms. L’été de la Peur en 1978 déjà avec Linda Blair, puis La Ferme de la Terreur en 1981, pas inintéressant, mais longuet et au gros cachet de téléfilm. Restait la curiosité de voir une Sharon Stone malmenée dans son premier rôle. En 1982, il signe le très discutable La Créature du Marais, bénéficiant malgré tout d’un sympathique casting avec Adrienne Barbeau (Fog, New York 1997) et Ray Wise (Twin Peaks), tout en retrouvant David Hess (La Dernière Maison sur la Gauche). Mais après ce tournage, la vie n’est pas rose pour Craven, qui accepte à contrecœur d’écrire et de réaliser La Colline a des Yeux 2. Sauf que l’argent vient à manquer, et le tournage est tout simplement arrêté. Mais les prémices des Griffes de la Nuit remontent des années en arrière, puisque l’idée vint à Craven durant les années 70. C’est en 1981, juste après avoir bouclé la production de La Créature du Marais que Craven commence à écrire son scénario. Fait amusant, son scénario sera refusé un peu partout, sauf par… Disney, qui demanda alors à Craven d’adoucir le ton du film pour pouvoir, on s’en doute, en faire un film Family Friendly. Ce que Craven refuse. C’est finalement New Line Cinema qui s’intéresse au film.
Si aujourd’hui la New Line est connue de tous et reste un des gros studios existants, la boite fondée en 1967 par Robert Shate allait mal à cette époque. Produisant peu mais distribuant sur le territoire Américain bon nombre de bobines cultes venant d’un peu partout (dont la saga The Street Fighter avec Chiba Sonny au début des années 70), ils vont mal, après quelques tentatives au début des années 80, produisant Polyester de John Waters, Alone in the Dark de Jack Sholder, et distribuant en Amérique Evil Dead lors de sa sortie initiale, ou encore l’étrange Xtro. La New Line parvient à réunir un peu plus d’un million pour le budget, et Les Griffes de la Nuit deviendra ironiquement le film qui sauvera la boite, mais aussi la carrière de Wes Craven. En plus de lancer clairement sur le devant de la scène Robert Englund dans le rôle de Freddy Krueger, mais aussi la carrière du tout jeune Johnny Depp. Amusant, puisqu’au départ, Freddy Krueger devait être joué par David Warner, qui laissa tomber le projet pour cause de conflits d’emploi du temps. Une fois Englund trouvé, ainsi que le reste du casting, et le budget sécurisé malgré quelques pépins (des financiers qui se retirent du projet en cours de route), le tournage peut commencer en Juin 1984, pour seulement 32 jours, à Los Angeles. La suite, on la connait, Les Griffes de la Nuit devient un énorme succès, rentabilisant son budget le weekend de sa sortie, et récoltant 25 millions juste sur le sol Américain. Un succès qui lança clairement la New Line Cinema, et qui lança également la saga, Robert Shaye, producteur, lançant la production d’une première suite sans la participation de Craven, en offrant la mise en scène à Jack Sholder, qui avait déjà travaillé pour le studio en 1981, et qui livrera par la suite son meilleur film en 1987 avec Hidden, toujours pour la New Line.
Pourquoi Les Griffes de la Nuit a été un tel succès au box office ? Probablement par son concept même. Lorsque Les Griffes de la Nuit sort sur les écrans, le cinéma d’horreur est dominé depuis quelques années par un sous-genre bien particulier, mais bien simpliste, à savoir le slasher. Et si le film a dans son ADN quelques éléments typiques de ce genre en question, avec son tueur s’en prenant de manière horrible aux adolescents d’une banlieue Américaine avec un lourd secret, il le dynamise, voir le change avec un élément simple. Le tueur agît dans les cauchemars de ses victimes, et mourir pendant son sommeil équivaut à mourir pour de vrai. Un concept fort, puisque Craven peut alors se laisser aller visuellement pour filmer les rêves, ce lieu dans notre esprit où tout est possible. Mais plutôt que de styliser à outrance les rêves, Craven effectue un choix plutôt bien trouvé, à savoir tenter la majeure partie du temps de briser la frontière entre la réalité et le rêve, afin de surprendre le spectateur, et de ne jamais lui donner une longueur d’avance sur ce qu’il va se passer. À l’opposé de son remake en 2010, stylisant à outrance le rêve et donc na laissant aucune surprise sur le niveau de réalité dans lequel nous nous trouvons. Craven fait l’opposé, sans doute par choix, mais également par restriction budgétaire, et donne ainsi de la force à son film. Craven combine donc ici le monde réel avec les codes du slasher et le monde des rêves pour un aspect plus fantastique. Mais que dire de plus aujourd’hui sur Les Griffes de la Nuit, film culte, connu et vu de tous, qui donne naissance à une saga allant jusqu’au septième opus marquant le retour de Craven (Freddy Sort de la Nuit en 1994), une série TV (Les Cauchemars de Freddy), un versus (contre Jason en 2003) et un remake en 2010 donc.
Une chose est sûre, c’est que comparé à ses trop nombreuses suites, Les Griffes de la Nuit se pose comme un film d’horreur sérieux et ambitieux. L’humour noir s’invite parfois dans le métrage, mais jamais Craven ne transforme son tueur en clown comme ce fut le cas à partir du troisième opus. Le film se la joue sérieux et tente de nous faire peur. Autre réussite pour le métrage, son casting, et donc par extension, ces personnages. Certes de base semblant bien clichés, Craven prend le temps de les développer pour en faire de vrais personnages. En résulte forcément des moments un peu plus intimes et surtout au final un nombre de meurtres limités. Les meurtres ne sont pas très nombreux, mais certains d’entre eux sont réellement marquants, et oui, auront marqués le cinéma de genre. Il y a celui de Tina, faisant office de meurtre introductif (mais arrivant au bout d’une bonne quinzaine de minutes tout de même), mais également un autre, original et bien sanglant, et arrivant beaucoup plus tardivement. En fait, avec le recul, il est même logique que le métrage ai connu ce succès, et ai été le point de départ d’une saga, tant Craven a trouvé là des thématiques à aborder et un ton qui fonctionnent bien ensembles.
Car les rêves ont toujours intéressés tout le monde, et encore aujourd’hui, on a du mal à les cerner, a bien les comprendre. Dynamiter le genre du slasher mourant avec cette donnée était donc forcément une excellente idée, donnant un cachet unique et original au métrage. Craven soigne son ambiance, se joue des codes du slasher, et lorsqu’il parle clairement des rêves et les filme, joue sur un point intéressant. Quoi qu’il arrive, tout humain a besoin de dormir. Ainsi, la fuite n’est jamais possible. Et bien entendu, il y a Freddy Krueger. Son look, le jeu de Robert Englund, son maquillage certes peu réaliste mais oh combien marquant, et son côté vicieux. Une combinaison d’éléments en faisant un personnage marquant dans tous les sens du terme, ce qui nous ferait oublier les quelques soucis du métrage. Car oui, le film n’est pas parfait, mais on sent parfois, à de rares instants, un petit côté cheap dans tel ou tel effet. Mais un peu comme s’il en avait conscience lui-même, le réalisateur parvient à trouver un équilibre en délivrant le moment suivant quelques images marquantes. On pourra citer en vrac le passage dans les couloirs de l’école avec ce fameux sac mortuaire, la première apparition de Freddy Krueger avec ses « bras allongés », ou bien entendu, la culte scène de la baignoire. Aujourd’hui, Les Griffes de la Nuit reste prenant et oh combien efficace, avec son lot de scènes fortes et de plans marquants, son tueur, sans oublier son thème musical signé Charles Bernstein. Et reste d’ailleurs le meilleur opus de la saga. Face au succès, Craven du malheureusement terminer La Colline a des Yeux 2, sans doute un de ses pires films, et alternera par la suite les surprises et les mauvais films. Chiller en 85, c’était très moyen, tout comme l’Amie Mortelle en 1986. En 1988, il reviendra à l’horreur sérieuse avec L’Emprise des Ténèbres, excellente surprise, avant de revenir à un cinéma moins subtil et plus comique, en enchaînant le très moyen Shocker en 1989 et le bancal mais sympathique Le Sous Sol de la Peur en 1991, avant de revenir à Freddy en 1994.
Les plus
Le concept même
Quelques images fortes
Des meurtres imaginatifs
Robert Englund en Freddy Krueger
Les moins
Quelques moments moins convaincants et cheap
En bref : Les Griffes de la Nuit, c’est sans doute le meilleur film de Wes Craven, et le meilleur film de la franchise sur Freddy Krueger. Une œuvre plus maligne qu’elle n’en a l’air, et qui se joue des codes habituels du slasher, en plus de nous livrer un tueur marquant avec Freddy. Pas parfait, mais néanmoins un très bon film.
J’aime quand tu dis du bien de Wes Craven 😉
Exploration des rêves, zone grise de nos inconscients, qui échappent au contrôle, source de peurs et de fantasmes : passionnante matière à horrifier. Mais Craven va plus loin encore avec ce cauchemar sur Elm Street. C’est un universitaire, il a creusé la question politique, met l’histoire en perspective. C’est carrément le rêve américain qu’il met à mal, construit sur la violence. Pas étonnant qu’il cite dans son titre la rue où explosa la cervelle de Kennedy !
Freddy Krueger c’est M Le Maudit qui revient hanter la jeune génération, c’est le spectre de la culpabilité des aînés qui vient peser sur leur progéniture, juste et cruel retour des choses.
Comme c’est parti tu vas me faire ressortir mon vieil article sur le film, et sur son septième opus en vrille méta qui file la mise en abyme et annonce Scream.
Tu vois des fois, je dis du bien de lui ! C’est rare, mais ça arrive.
Ce premier opus est en effet intéressant, dans le fond comme dans la forme. J’aurais été curieux de voir le même film mais produit par Disney haha. Mais surtout, en plus de la naissance d’une légende du cinéma de genre, c’est un des rares films de la saga qui reste quasi intégralement sérieux, avec le second et septième opus. Je serais bien heureux de lire ce que tu penses de ce premier film avec ta plume 🙂 (mon article date d’un bail aussi, j’ai mis facile un an avant de me décider à le mettre en ligne).
Si je me sens le courage, je ferais l’intégrale de la saga, mais je serais sans doute moins gentil que toi envers le septième film, qui déborde d’idées, mais qui m’ennuie à chaque vision.
J’adore ce film. Pour moi il fait clairement partie des « films d’horreur cultes ». Il a super bien vieilli en plus – je l’ai revu il y a deux ou trois ans je crois. L’ambiance, les mises à mort, ces petits détails que Craven nous laisse gratter çà et là si on le souhaite… Non vraiment, c’est un grand film d’horreur de son époque !
Pas vu le septième par contre…
Oui c’est vrai que je ne crois pas l’avoir mentionné, mais à un plan près (à mon goût hein), le film a super bien vieilli.
Perso, j’ai le coffret intégrale de la saga en Blu-Ray, il ne coûte plus grand-chose, et si pas mal de suites sont moyennes ou du moins décevantes, elles se regardent malgré tout pour la plupart.