Titre original : Brawl in Cell Block 99
2017 – Etats Unis
Genre : Thriller
Durée : 2h12
Réalisation : S. Craig Zahler
Musique : Jeff Herriott et S. Craig Zahler
Scénario : S. Craig Zahler
Synopsis : Lorsque Bradley, un ancien boxeur, perd son emploi de mécanicien, son mariage s’effondre en même temps. Il décide alors de devenir l’homme de main d’un trafiquant de drogue afin d’assurer une vie confortable à sa femme Lauren. Alors que sa situation commence à s’améliorer, une fusillade éclate à la suite d’un deal qui a mal tourné et Bradley est envoyé en prison où il est contraint de commettre des actes de violence de plus en plus féroces pour protéger ceux qu’il aime et survivre à la terrible « Section 99 ».
En l’espace d’un film, S. Craig Zahler m’a fait forte impression et s’est imposé comme un réalisateur à suivre, avec un style. Un style lourd, lent, qui mélange les genres. Un style qui laisse les acteurs s’exprimer, l’intrigue respirer. Bone Tomahawk, c’était génial, c’est tout. Un western mixé au film de cannibales, le tout dans une ambiance lourde et ensoleillée. Alors forcément, surtout que tout le monde m’en parlait, il fallait que je me penche sur son second métrage, Brawl in Cell Block 99, où cette fois-ci, le réalisateur s’attaque à un genre plus particulier, celui des films en prison. Tout en conservant au final une narration assez proche de Bone Tomahawk. Explication. Nous suivons Bradley, ancien boxeur, qui devient chômeur, et décide de reprendre sa vie en main, que ce soit avec sa petite amie, que dans le monde du travail. Enfin, sa solution pour s’en sortir est assez radicale, c’est-à-dire bosser pour un trafiquant. Personne n’est parfait hein. Sauf que forcément, après quelques temps, un deal tourne mal, et Bradley se retrouve arrêté. Comme c’est un homme avec des principes, il ne tue pas d’innocents, et ne met pas son patron dans la merde, du coup, hop, 7 années de prison. Sauf que de l’autre côté, il a sérieusement foutu en pétard un autre dealer, qui lui en veut, et qui compte bien lui faire comprendre que l’argent, c’est sacré, et qu’il va payer, cher. Une structure finalement assez identique au précédent donc. Une introduction sans doute un chouilla trop longue, avec personnages, intrigue et une vue générale de l’univers froid et réaliste, puis une quête, avant une explosion de violence finale. Néanmoins, S. Craig Zahler change quelques éléments, et en perfectionne d’autres.
L’introduction des personnages, bien que paraissant encore une fois sans doute un poil trop longue (il faut dire que le métrage dépasse encore les deux heures), paraît encore plus mature que dans le précédent. Il suffit de voir, quand peu de temps après le début du métrage, Vince Vaughn, surprenant ici, et après avoir explosé une voiture à mains nues (scène apparemment faite pour de vrai avec juste des protections sur ses mains), parle avec sa femme, avec qui il est en froid, laissant place à un dialogue filmé simplement, sans aucune artifice (aucune musique, aucun plan stylisé), et qui paraît bien loin des stéréotypes de ce genre de discussions dans le cinéma de genre. Ou mieux, dans le cinéma tout court. Du coup, malgré le côté prévisible de toute la première partie, durant un bon 40 minutes, jusqu’à l’arrestation de Bradley (Vince Vaughn donc, étonnant dans un registre auquel il ne m’avait aucunement habitué), on reste scotché par ses personnages plus matures que la moyenne, et du coup, encore une fois, par la proposition de réalisme voulue par le réalisateur. Quand un couple doit s’engueuler, ça part en vrille, puis ça s’explique comme des adultes. Quand un truand veut faire sa loi et que ça ne plait pas aux autres, ils n’hésitent pas à attendre le bon moment pour attaquer. Et lorsqu’un personnage tombe à l’eau et doit remonter le long d’un poteau, il n’y arrive pas en 2 secondes comme par magie. Il y arrive oui, en luttant, et ce malgré des punaises sous ses chaussures lui donnant une meilleure prise. Mais comme le réalisateur nous y a habitué avec Bone Tomahawk, et le refera juste ensuite avec Trainés sur le Bitume, son film se découpe en trois parties. La première qui pose les bases et les personnages en prenant son temps et en plaçant bien son univers dans un propos et une mise en scène réaliste, avant un coup de théâtre qui emmène une quête pour le personnage principal. Comme dans Bone Tomahawk ici, il s’agira de sauver la femme d’un des personnages, Bradley ici.
Enfermé en prison, il se fait mener à la baguette par un truand plutôt rancunier ayant kidnappé sa femme, et on plonge alors dans le film en prison pur et dur, avec d’ailleurs quelques caméos à la clé, avec Don Johnson en chef de la prison (qui reviendra dans le film suivant du réalisateur) ou encore Udo Kier, toujours habitué aux seconds rôles mais à la bonne gueule que l’on reconnaît à des kilomètres. C’est à partir de là que Brawl in Cell Block 99 se fait plus sec, plus violent, plus froid. La violence est présente, et disparaît aussi rapidement qu’elle éclate, pour laisser un souvenir douloureux au spectateur, comme si c’était à nous que l’on brisait, froidement et sans émotions, ce bras. Et même si Bradley apparaît comme un Terminator que l’on ne peut arrêter et à la puissance démesurée, l’ensemble se fait plutôt réaliste puisque ponctuel. Mais ça, c’est avant la dernière partie, où le film change alors radicalement. Si Bone Tomahawk plongeait dans le film de cannibale après le western, Brawl in Cell Block 99 lui plonge dans le pur cinéma d’exploitation qui fait mal et n’a pas peur de repousser les limites, après avoir exploré le film de truand et le film de prison plutôt classique. On pourrait presque dire que le changement est ici plus radical, puisqu’à force d’y aller à fond, le film s’engouffre dans l’exploitation pure et oublie le réalisme. Mais après 2h assez étouffantes, froides et radicales, ce final fait plaisir, défoule, et limite permet de déconnecter un peu du réalisme précédent ce déferlement gore et sadique. Du tout bon, malheureusement encore du DTV en France, mais peut-il en être autrement à l’heure où les salles sont pleines pour des blockbusters de plus en plus longs et coûtant de plus en plus cher ?
Les plus
Ce casting, impeccable
Violent, froid, cruel
Le final, grandiose dans son côté grand guignol
Un film sans artifices
La plupart du temps, réaliste
Les moins
Introduction encore un poil trop longue ?
En bref : Après le coup de maître que fut Bone Tomahawk, S. Craig Zahler continue, et après le western, il s’attaque avec la même fiche de route au film de prison. Ça fait mal !
Je constate que, comme moi, tu as passé un excellent moment derrière les barreaux. 😉
Le coup de la première partie en slow burn est vraiment Je crois une marque de fabrique du réal, qu’il tient sans doute comme bien d’autres a l’expérience des grands dilatateurs temporels comme Leone ou Melville. Cette manière de s’appensantir sur des détails de l’ordinaire permet au spectateur de s’approprier l’espace, les personnages, les intrigues. C’est plus bavard que chez Melville quand même (ce qui l’a fait hâtivement comparer à Tarantino), comme dans ses romans (je suis en train de lire « une assemblée de chacals », une tuerie de western).
Oui, encore merci du conseil d’ailleurs, vrai que même si j’avais adoré son premier métrage, je n’aurais peut-être pas enchaîné en fait l’ensemble de sa filmographie comme ça sans tes conseils et ceux d’un ami.
Totalement oui. Pour ça que c’est un faux défaut, c’est totalement nécessaire pour être aux côtés des personnages, et des situations. Ça donne un côté plus humain.
En parlant de Melville, ça fait des mois que j’ai le dvd du Cercle Rouge qui attend, pas revu depuis des années.
On aime souvent comparer à Tarantino, je me souviens que c’était aussi le cas pour Guy Ritchie quand il avait fait ses premiers films, pour le ton et le genre, et de Refn pour la violence.
Bonne lecture en tout cas, vrai que ces romans me tentent énormément.
Raaaaaaaaaaah ! Content que tu aies aimé. Je rejoins à peu près tout ce que tu as écrit dans ta chronique. Et comme tu dis… Un peu triste que ce genre de films, tellement puissants, tellement différents, soient abonnés à la case DTV ou VOD. Triste mais pas démonté pour autant : le plus important étant que ces films existent. Que de tels réalisateurs parviennent, malgré la « dictature » des grands studios, à se frayer un chemin dans la jungle cinématographique actuelle pour, au final, réussir à trouver « leur public ».
La découverte de BONE TOMAHAWK il y a quelques années m’avait tellement chamboulé. Je ne connaissais rien du réalisateur. Je trainais mes guêtres dans mon vidéoclub. Nonchalamment. Puis je vois une jaquette. Kurt Russell. Un western. Oh ! J’arrive à convaincre ma femme de le louer. Le soir venu, je n’en ai pas cru mes yeux. J’ai eu mal à la joue pendant une semaine parce que je ne l’avais pas sentie venir : la baffe cloutée.
Oui dans le fond tu as raison, l’important c’est qu’ils existent et qu’il soit possible d’y avoir accès facilement. Ils ne sont pas rares, les dvd/Blu-ray ne sont pas épuisés et disponibles partout. Et on a atteint un stade où un film dit DTV n’a plus à rougir, puisque énormément de bonnes surprises depuis bien 5 ans débarquent directement en vidéo, que ce soit dans leurs pays d’origine, ou chez nous, et les budgets, bien que forcément moins hauts qu’un blockbuster, ne sont pas non plus honteux comme à une lointaine époque.
La chance, de l’avoir découvert vierge de tout propos, sans doute pas loin de l’époque de sa sortie, sans rien savoir. Ça décuple l’effet que peut avoir ces bobines.