Avec Charles Bronson, Jan-Michael Vincent, Keenan Wynn, Jill Ireland, Linda Ridgeway, Frank DeKova et James Davidson
Synopsis : Arthur Bishop est un tueur à gages méticuleux, attachant un soin particulier à préparer chacun de ses « contrats ». Lorsque son organisation lui demande de tuer l’un des leurs, Bishop l’exécute en camouflant son assassinat en une banale crise cardiaque. C’est alors que Steve, le fils de la victime, s’intéresse de près à Bishop et lui demande de le prendre sous son aile afin d’en faire à son tour un tueur.
Quand on pense au cinéaste Michael Winner et à l’acteur Charles Bronson, une partie des cinéphiles pense, de manière sérieuse, au premier Un Justicier dans la Ville, tandis que l’autre, sourire aux lèvres, pense à ses deux suites en 1982 et 1985, et à la plongée dans le cinéma d’exploitation made in Cannon Films. Pourtant, bien avant la saga du justicier, Michael Winner et Charles Bronson travaillaient déjà ensembles, et livraient par exemple en 1972 cet excellent The Mechanic, renommé Le Flingueur en France, et qui a même eu droit à un remake bien fade en 2011 avec Jason Statham dans le rôle principal. Mais nous sommes ici en 1972. Annoncé au départ pour mettre en avant Cliff Robertson et Jeff Bridges avec Monte Hellman à la mise en scène, le film change en se trouvant Michael Winner derrière la caméra et Charles Bronson devant, et avec quelques changement de scénario entre temps. Lewis John Carlino s’avoue d’ailleurs très déçu du résultat à l’écran, par rapport à son scénario de base, puisque de nombreux éléments furent retirés durant la production, pour plusieurs raisons. Déjà pour sécuriser des financements, et ensuite pour suivre les exigences de Charles Bronson. S’il est question ici d’un tueur à gage âgé qui prend sous son aile un tout jeune apprenti, le scénario devait mettre en avant une tension sexuelle, et donc, homosexuelle entre les deux hommes, pour en faire un jeu de manipulation. Tout ce côté là sera purement et simplement supprimé du métrage. Ce qui ne fait pas du Flingueur un mauvais film, loin de là. Déjà car avec son premier quart d’heure sans un seul dialogue et faisant la part belle à la tension et donc, à la mise en scène seule pour s’exprimer, Le Flingueur est un tour de force. Planification d’un meurtre avec étude des habitudes de la victime et des lieux où le drame aura lieu, puis exécution du meurtre en question, ça fonctionne du tonnerre, la tension est palpable, Bronson explose à l’écran et Winner est incroyablement appliqué.
Le genre de mise en bouche qui met en confiance, et annonce la couleur. Le Flingueur est un film froid, calculateur, tout comme son personnage principal, Arthur Bishop. Vivant seul, dans sa grande maison, silencieux, parlant juste pour dire ce qui doit être dit. Un homme appliqué, qui sait et qui aime prendre son temps pour être sûr de contrôler son environnement, et la plupart du temps donc, sa cible. Un homme qui a de la bouteille, et une vision bien définie du monde qui l’entoure. Quand on lui donne un nouveau contrat, qui est d’éliminer une personne qu’il connait bien, puisque cette personne lui donne également du travail, Bishop s’exécute. Après tout, c’est tout ce qu’il sait faire. Exécuter les ordres et ses cibles, sans poser de questions, sans ressentir quoi que ce soit. Et c’est là que tout change pour lui, puisqu’il prendra sous son aile le fils de sa cible, joué par le jeune Jan Michael Vincent (Supercopter, ou le « chef d’œuvre » X-Tro 2). Et il y a là pas mal de choses intéressantes. Car autant dans son scénario, Le Flingueur est un petit polar tout ce qu’il y a de plus classique, avec le tueur à gage formant la relève, autant au niveau des personnages, et donc dans la profondeur du film, le métrage s’avère riche, de sens, de degrés de lecture, et de sous entendus. Si le scénariste lui-même pense que tout le propos homosexuel est absent du métrage, je le trouve pour ma part pourtant bel et bien présent. Que ce soit dans certains regards que Steve balance à Bishop, regards silencieux, perçants, presque de désirs. Et cela semble mettre Bishop à l’aise, celui-ci n’hésitant pas à ouvrir la porte à son nouvel élève qu’il connaît à peine dans un vieux peignoir. Mais outre cela, il y a clairement une relation père fils entre les deux. Steve se cherche un nouveau père après la mort du sien, tandis que Bishop le prend sous son aile. Par pitié ? Par souci d’humanisation ? Par solitude ? Peut-être les trois après tout, lui qui va jusqu’à payer une prostituée pour qu’elle lui écrive des lettres d’amour, lui donnant alors l’impression d’avoir une vie presque normale, lui qui passe pourtant ses journées seul.
Et on touche bien là le point sensible du métrage, puisque finalement, comme souvent chez Michael Winner, même lorsqu’il part dans le cinéma d’exploitation pur et dur durant les années 80, on trouve ce côté cynique, déshumanisé, où les personnages sont volontairement en marge de la société, mais finalement, n’y trouvent pas pour autant le bonheur. Du coup, comme toujours, il est très difficile de se prendre de sympathie pour les divers personnages peuplant l’aventure, tant ils ne paraissent pas vraiment humains. Ils n’en ont que l’apparence. Entre un Bronson en retrait de tout, en solitude permanente, essayant de sauver en quelque sorte les apparences, et minutieux uniquement dans son travail, à tel point que son travail est sa principale voir seule caractéristique en tant que personnage, et Jan-Michael Vincent, paraissant antipathique au possible, profitant de son père juste pour l’argent avant sa mort, jouant avec la vie des autres, il n’est pas loin du sociopathe. L’un comme l’autre finalement. Winner aurait pu livrer un film désespéré, sombre, difficile à apprécier, mais il n’en oublie pas pour autant le côté spectaculaire. Les points culminants du métrage ? Son ouverture et sa fermeture, les deux scènes étant méticuleusement filmées et montées, et pour le final, il laisse parler la poudre et laisse s’imprimer le sensationnel sur la pellicule, sans que cela ne vienne faire tâche. C’est même impressionnant à plusieurs reprises, et ça fait du bien, récompensant le spectateur pour avoir suivi deux sociopathes durant 1h40. Et mi-parcours, il reste cette poursuite en moto. Mais la proposition déshumanisante et parfois très silencieuse de Winner ne plaira sans doute pas à tous les spectateurs.
Les plus
L’ouverture, totalement maitrisée
Des personnages sociopathes intéressants
Bronson a une vraie présence
L’action, détonante
Les moins
Un film froid et sans émotions, qui ne plaira pas à tous
En bref : Michael Winner, pour sa deuxième collaboration avec Charles Bronson, signe un grand polar, froid, calculateur, maitrisé, mais aussi parfois explosif.
Beaucoup de sous texte dans le chargeur de ce flingueur, semble-t-il. Ça ressemble à une sorte de « Rookie » version tueur a gage, ou genre « cible émouvante » mais en moins drôle.
Ah je pensais que tu l’aurais vu celui-là tiens, surtout vu sa réputation, qu’il est vraiment bon et que le coffret Wild Side en France avec un gros livret est sublime.
Bon ben du coup, je te le conseille fortement, et te confirme, pas une once d’humour ici, c’est noir, nihiliste.
En voilà une bonne idée à mettre sous le sapin. 😉
C’est un très beau coffret en tout cas, j’ai eu la chance de tomber dessus à 15 euros sur amazon 😉
Bon plan !
Et si tu veux pousser le vice, en Novembre sort un coffret intégrale du Justicier (donc les 5 opus). Les éditeurs ont du passer sur mon blog et avoir l’idée…
C’est sûr ! 😄
Rigole mais ça fait des années, quand je me prend un Blu-Ray en import car ça tarde à sortir en France, quand je reçois, regarde, puis chronique, peu de temps après, un éditeur se décide à sortir la bête chez nous…. Encore en début d’année, le fameux Phase IV, à peine vu et écris dessus, paf, le coffret est prévu chez nous haha.
Il est aussi sur ma liste.
J’y suis peut-être aussi un peu pour quelque chose alors ? 😄
Non mais comme ça, je paye mes imports, parle des films, essaye de te tenter, et d’ici là, c’est sorti chez nous donc plus facile à trouver pour toi 😛 C’est beau !