Titre original : They Live
1988 – Etats Unis
Genre : Science Fiction
Durée : 1h34
Réalisation : John Carpenter
Musique : John Carpenter et Alan Howarth
Scénario : John Carpenter
Avec Roddy Piper, Keith David, Meg Foster, Raymond St. Jacques, George Buck Flower, Peter Jason, Sy Richardson, Susan Blanchard et Norman Alden
Synopsis : John Nada parcourt les routes à la recherche d’un emploi comme ouvrier sur les chantiers. Embauché à Los Angeles, il fait la connaissance de Frank Armitage qui lui propose de venir loger dans son bidonville. John va y découvrir une paire de lunettes de soleil hors du commun. Celles-ci permettent de voir le monde tel qu’il est réellement, à savoir gouverné par des extraterrestres à l’apparence humaine et maintenant la population dans un état apathique au moyen d’une propagande subliminale omniprésente. Après avoir tué à l’arme à feu quelques extra-terrestres, il s’efforce de convaincre Frank de la réalité de cette invasion. Tous deux entrent ensuite en contact avec un groupe de rebelles organisés et décidés à éradiquer les envahisseurs.
Après l’échec de Jack Burton en 1986, John Carpenter signe un contrat avec la Universal pour plusieurs films. C’est bien simple, les budgets sont réduits, les risques financiers donc minimes, mais Carpenter a une liberté totale. Ironiquement, de ce deal naîtra à mon sens deux des meilleurs films de John Carpenter. En 1987 c’est Prince des Ténèbres, pièce maitresse d’ambiance et de suspense, où il semble mettre sur pellicule tout ce qu’il a tenté (et souvent avec succès) depuis Assaut en terme d’ambiance. Puis en 1988, Invasion Los Angeles, sans doute son film le plus politique, encore plus que New York 1997. Invasion Los Angeles nous présente le personnage de John Nada, un nom qui en dit long d’ailleurs, sans abri qui arrive à Los Angeles au début du film pour trouver du travail, et va se retrouver un peu malgré lui, à cause de sa curiosité notamment, embarqué dans une histoire de lunettes noires permettant de voir le monde tel qu’il est vraiment : blindé de messages subliminaux, où nos dirigeants sont des aliens, et où forcément, les riches deviennent de plus en plus riches, soit car ils ne sont pas terriens, soit car ils collaborent, et les pauvres deviennent de plus en plus pauvres. Carpenter critique clairement l’environnement politique Américain des années 80, le gouvernement Reagan, et donc l’environnement social de l’époque. Il se permet du coup de retourner dans une ambiance de western urbain, que ce soit avec ces personnages (son héros solitaire qui arrive dans la ville au début, puis explorera la ville avec sa dégaine de justicier solitaire et son fusil à pompe), ses situations, ou bien entendu sa musique, avec des rythmes de guitare et de l’harmonica. Et Invasion Los Angeles, ça déboite tout. Car c’est un véritable western urbain, car son rythme est hyper bien fichu tout en étant posé, car son personnage principal est devenu culte, car on a une baston bien virile de bien 6 minutes, car sa musique est géniale, car Carpenter avec son scénario de science fiction de série B bien comme il faut a clairement beaucoup de choses à dire.
John Nada s’inscrit clairement comme un héros venu tout droit de l’esprit de Carpenter, succédant à Snake Plissken, ton cynique et punchlines à l’appui. Et c’est le catcheur Roddy Piper qui récupère le rôle, ce qui explique clairement cette longue baston assez jouissive, bien qu’il faut l’avouer, plutôt inutile au récit. À noter d’ailleurs que Carpenter avait au départ écrit le rôle pour Kurt Russell, son acteur fétiche. Et si Roddy Piper est finalement parfait, ce qui frappe dans Invasion Los Angeles, c’est clairement son univers. En réalité, jamais Carpenter n’aura été aussi engagé dans ce qu’il nous raconte, à une telle échelle. Si dans The Thing, évidemment, la menace pourrait mettre l’humanité en danger, le métrage se contentait de resserrer son intrigue au sein d’un petit groupe d’humains. Dans Invasion Los Angeles, on parle bien d’aliens qui sont parmi nous, à l’échelle mondiale, et qui contrôlent notre monde, remplaçant les dirigeants, les riches, contrôlant les médias, allant jusqu’à, en quelque sorte, remplacer notre réalité, plaçant sous nos yeux un monde « idéal » et commercial, l’Amérique des années 80, avec cette mise en avant du rêve Américain, la famille, la voiture de luxe, les vacances aux Caraïbes, le fait de dépenser sans compter car l’économie va bien. Alors qu’en réalité, le monde, visible par notre héros via des lunettes noires, est bien différent. Terne, en noir et blanc, où chaque affiche, chaque pub, chaque magazine n’est en réalité qu’une page blanche contenant un message unique. Obéir, consommez, faites des enfants, marriez-vous, achetez une nouvelle voiture. Carpenter se moque clairement de ce qu’il se passe à l’époque en Amérique, et ironiquement, fait l’opposé du cinéma populaire des années 80, où les grands studios font gagner la guerre du Vietnam à Stallone ou Norris.
Et ce point de vu opposé vient clairement faire du bien au film, lui donner quelque chose d’unique. Carpenter signe son western urbain, se fait plaisir, et pourtant, malgré son intrigue allant à l’opposé du cinéma Américain de l’époque, lui donne un héros typiquement Américain, qui prend les armes et défends ses valeurs, ce en quoi il croit. Engagé, fun, piquant, Invasion Los Angeles est clairement une réussite, même si oui, pour certains, son côté de série B est bien marqué. Il faut dire que son budget est bas, que le design des aliens, excellent, fait néanmoins bien série B. Même sa fameuse scène de baston, bien longue, entre Roddy Piper et Keith David (que Carpenter avait déjà dirigé dans The Thing), jouissive, on pourrait dire qu’elle ne sert pas vraiment à quelque chose. On sent que Carpenter se fait clairement plaisir, et il a eu totalement raison, car en plus d’être un film important, on a clairement un film qui marque un certain tournant au sein de sa carrière, puisque Carpenter, livrant d’habitude un film par an, tournant vite, avec des films toujours différents mais clairement reconnaissables, ne reviendra qu’en 1992 avec un bien mauvais film de studio (Les Aventures d’un Homme Invisible). Pour beaucoup, Invasion Los Angeles est également le dernier grand film de Carpenter. Sans aller jusque là (il y a l’Antre de la Folie en 1994), le film marque bel et bien une certaine rupture dans la carrière de Big John. Et avec tout ça, il y a encore tant à dire sur le film, sur le regard de Meg Foster, sur ce doigt d’honneur final. Bref, courrez voir Invasion Los Angeles. Ou courrez le revoir, avant de mettre vos plus belles lunettes de soleil et d’arpenter les rues de votre ville avec votre fusil à pompe !
Les plus
Un film avec un message politique clair
Le côté de science fiction typé années 50
La musique de Big John
Le casting principal
Une baston jouissive
Les moins
Mais un côté série B très prononcé
La baston, finalement peu utile, il est vrai
En bref : Série B de science fiction avec un message politique et social, blindé de moments bien vus, de punchlines, de bastons viriles, Invasion Los Angeles est une pépite, qui a ses limites, mais pépite.
Yeees ! Dans mes bras !
Quel film !
Et la scène de baston à mains nues comme tu dis… JOUISSIVE. Une des plus percutantes de l’histoire du cinéma – oui, oui, j’ose.
Un film pour cinéphile, et je savais bien qu’un petit Carpenter te ferait réagir de suite ^^
La baston fonctionne je pense clairement car Carpenter, avec Roddy Piper dans le rôle, a voulu un rendu réaliste et brut. Car quand Carpenter se refrotera à l’action par la suite dans ESCAPE FROM LOS ANGELES et surtout GHOSTS OF MARS, ce sera…. raté.
D’autres Carpenter sont prévus bientôt en tout cas, je vais tenter d’avoir un texte sur absolument tous ces films !
En lisant ton texte, c’est incroyable de voir à quel point le propos de ce chef d’œuvre de Carpenter est la parfaite synthèse de notre époque actuelle. Même la bagarre a mains nues peut évoquer les division qui règnent au sein même des sociétés occidentales, tandis que les roches deviennent plus riches et les pauvres deviennent plus pauvres. Le côté anar de Carpenter, plutôt droitier d’habitude, prend ici une couleur etonnamment plus sociale.
Il est grand temps que le monde ouvre les yeux sur ce grand film fondamental !
Carpenter était un génie, c’est tout. Incompris, méprisé parfois par les critiques US. Mais oui, le film est encore plus d’actualité aujourd’hui. Comme le dit un tag sur un mur dans l’église « They Live, We Sleep ». Apparemment le film a fait un peu parler de lui récemment, même la chère maman Rick, qui n’aime pas du tout ce film (elle aime le Carpenter plus rigolar de Jack Burton ou étonnement tout aussi nihiliste de The Thing), m’en avait parlé il y a un an en me disant « mais c’est presque le monde dans lequel on vit »… Comme quoi hein…
Mais au-delà du message, bien présent, Carpenter n’oublie jamais le style, et le divertissement. Et c’est ce qui en fait un grand film à plusieurs niveaux.