Titre Original : 헤어질 결심
2022 – Corée du Sud
Genre : Thriller
Durée : 2h18
Réalisation : Park Chan-Wook
Musique : Jo Yeong-wook
Scénario : Jeong Seo-kyeong et Park Chan-Wook
Avec Tang Wei, Park Hae-il, Lee Jung-hyun, Go Kyung-pyo, Park Yong-woo, Jung Yi-seo, Kim Shin-young, Park Jeong-min, Seo Hyun-woo et Teo Yoo
Synopsis : Hae-Joon, détective chevronné, enquête sur la mort suspecte d’un homme survenue au sommet d’une montagne. Bientôt, il commence à soupçonner Sore, la femme du défunt, tout en étant déstabilisé par son attirance pour elle.
Si dans les sphères cinéphiles et spécialisées dans le cinéma Asiatique, Park Chan-Wook continue film après film de diviser et ce depuis ses débuts, il semble que le réalisateur Sud-Coréen sache toujours faire de l’œil aux critiques dites spécialisées et aux festivaliers. Car après le Grand Prix pour Old Boy en 2004, après le Prix du Jury pour Thirst en 2009, Park Chan-Wook quitte le festival de Cannes de 2022 avec le Prix du Meilleur Réalisateur. Forcément, avec une telle introduction, et un texte posté sur un site de passionné cinéphile un brin spécialisé dans le cinéma Asiatique, je pense que ma position vis-à-vis du cinéaste est claire dés le départ, mais contrairement à certains, je ne déteste pas non plus l’œuvre du metteur en scène. Surcoté, oui clairement, ayant parfois du mal à faire naître l’émotion face à un visuel souvent beaucoup trop froid et calculateur, mais je ne peux nier qu’il sait s’entourer d’une solide équipe (devant et derrière la caméra), que les bandes sons de ses films sont souvent magnifiques, et que, bien que souvent tape-à-l’œil, visuellement c’est joli. Et je ne pourrais pas oublier que parmi sa filmographie traine le film Sympathy for Mr Vengeance, que j’adore. Mais alors qu’au début des années 2000, il enchaînait les métrages pour le plaisir de ses fans, parfois avec réussite, parfois moins (non, je n’ai jamais tenu jusqu’au dénouement de Je suis un Cyborg), mais avec une constance dans certains de ces tics visuels et des longueurs évidentes dans pas mal de ces récits, Park Chan-Wook semble s’être calmé depuis Thirst en 2009. Pour preuve, il n’aura signé en tant que réalisateur que trois films en 13 ans. On passera sur son passage en Amérique avec Stoker, qui m’avait tellement laissé de marbre qu’écrire dessus ne m’avait guère motivé, et il ne reste que deux films, Mademoiselle en 2016 et le film du jour, Decision to Leave. Mademoiselle que j’avais plutôt aimé, contenant de très jolies scènes, mais toujours avec les deux éléments cités avant, ses fameux tics de mise en scène et des longueurs. Malgré tout, en plissant bien les yeux, on pouvait y voir, caché là, une petite évolution dans son style.
Et cette évolution, on la retrouve dans son Decision to Leave, un film deux en un presque, non pas car sa narration et son intrigue sont clairement découpées en deux, pour deux enquêtes et deux villes, même si c’est le cas sinon je ne le mentionnerais pas, mais car Decision to Leave affiche presque deux styles assez opposés suivant la partie de l’intrigue qu’il met en scène. Il y a la première partie, celle qui respire le plus le cinéma de Park Chan-Wook, se déroulant dans la grande ville, avec un duo de flics enquêtant sur un possible meurtre, et où la femme de la victime, d’origine Chinoise, et il faut l’avouer, royalement interprétée par Tang Wei, est suspecte. Une partie où le montage s’amuse sur une structure pas toujours linéaire, à mélanger donc les scènes venant de moments différents, où jouant sur l’imaginaire de notre flic, Hae-Jin, s’imaginant toujours au plus près des événements, sorte de fantasme face à son attirance pour la suspecte, le tout amplifié par son propre problème personnel, à savoir, l’insomnie, ce qui lui donne toujours cet air de bonhomme au bout du rouleau. Dans cette partie prenant grossièrement la moitié de la durée du métrage, Park Chan-Wook se lâche, dans des effets de styles qui ne sont pas un mal en soit, mais qui nous détache quelque peu de son but premier à force d’en abuser. Des transitions avec style entre le réel et le fantasme, un montage affuté entre passé et présent, des plans un brin tape-à-l’œil (comment ne pas penser très tôt dans le film à ce plan sur l’œil d’un cadavre, avec une fourmi parcourant le globe oculaire). Le réalisateur applique donc un visuel léché, qui donc met un brin de distance entre le spectateur et la possible émotion de son métrage. Ce qui est clairement dommage, puisque d’émotion il sera question ici, notamment dans la seconde partie. Malgré tout, c’est un plutôt beau travail visuel il faut le reconnaître, et comme toujours, le réalisateur prouve être un très bon directeur d’acteurs d’horizons divers.
Puis vient la seconde partie, ou pour une fois, c’est réellement bien voyant, mais Park Chan-Wook fait preuve d’une vraie maturité. Il délaisse tout effet de style ou presque, les abandonnant au placard (pas de plans hyper léchés et improbables, de transitions « hey tu as vu ce que je sais faire »), et il laisse alors le côté voulu et émotionnel de son intrigue prendre le dessus. Mon principal souci avec cette approche presque deux en un, c’est que la première partie aura tellement installée une distance entre les images et moi que cette émotion, je ne l’ai que rarement ressentie. Malgré encore une fois de très bons acteurs, il faut le souligner, autant Tang Wei que Park Hae-il, ils sont excellents, et ce jeu de séduction, de doute, d’attirance entre les deux fonctionne très bien. Et si le réalisateur se calme en effets de styles sur cette seconde partie, ce n’est pas pour autant qu’il délaisse sa magnifique photographie, livrant des plans parfois sublimes, même dans leur simplicité, comme ce moment sous la neige en haut d’une montagne. Mais outre la distance entre l’émotion et le spectateur, même si celle-ci a apparemment fonctionné sur certains, cette seconde partie souffre également à mes yeux de quelques petites longueurs, ce qui est dommage, mais parfois inévitable avec une telle durée (2h18), mais qui aurait pu sans doute être évité avec de minimes coupes dans la première partie en vérité, pour permettre à l’émotion de fonctionner. En tout cas, on ne va pas se mentir, Park Chan-Wook est en train de faire changer doucement le visage de son cinéma après Mademoiselle, délaissant de plus en plus la violence gratuite et stylisée ou ses scénarios se voulant trop malin pour laisser ses personnages évoluer et exister à l’écran, pour tenter bien plus qu’avant de jouer sur l’émotion. Et ça, c’est un grand pas en avant que je valide.
Les plus
Les deux acteurs principaux, très bons
La musique
Le final
Une seconde partie bien plus sobre
Quelques très beaux plans
Les moins
Un abus d’effets de styles dans la première partie
Un certain détachement vis-à-vis de l’émotion
Quelques longueurs
En bref : Après Mademoiselle, le dernier Park Chan-Wook est un nouveau pas en avant. Un poil plus mature, plus sobre dans sa seconde partie, le film a toujours certains des défauts habituels du réalisateur mais parvient malgré tout à passionner la plupart du temps.
A FEW WORDS IN ENGLISH | |
THE GOOD | THE BAD |
♥ The two main actors, excellent ♥ The soundtrack ♥ The finale ♥ The second part of the story, simple and better ♥ A few beautiful shots |
⊗ Too many stylistic effects in the first part ⊗ We don’t really feel the emotion ⊗ A bit too long |
After The Handmaiden, the last film from Park Chan-Wook is again a step in the right direction. A bit more mature, sober in the second part of the story, the film still has some bad elements of the director’s style, but remains interesting. |
Bel article!
Mais un détail m’étonne lorsque tu évoques le palmarès cannois de Park. Michael Moore aurait il renoncé à sa Palme d’or 2004 pour la laisser à « Old Boy »? 😉
Sur Décision to Leave, je comprends ton insatisfaction relative autour des effets de manche du réalisateur durant la première partie. J’ai aimé pour ma part ce glissement du thriller vers le mélodrame romantique et mystérieux. Le personnage de Tang Wei m’a particulièrement touché, cet instinct de survie d’une immigrée chinoise sur un sol étranger. Un vrai beau film.
Ah oui tiens, pardon, j’ai rectifié. Sans doute le fait que cette année là, Cannes m’avait désintéressé, n’étant ni fan de Wook, ni de Moore (oui je n’apprécie pas en fait son côté « documentaire » mais qui ne montre que sa vision et que les faits allant dans son sens). Mais bon, on pourra se dire que c’est parce qu’on sait que si Tarantino aurait été seul maître sur les prix, OLD BOY aurait eu la Palme haha.
Je ne dirais pas de l’insatisfaction en réalité, plus la vision d’une certaine routine vis-à-vis du réalisateur plutôt. Mais il m’a beaucoup plus surpris dans la sobriété de sa seconde partie, plus jolie, plus simple. Rien à redire par contre sur le personnage principal et son actrice, nous sommes d’accord sur ce point ! (et ouf, j’ai cru qu’à force de poster des articles, tu n’avais pas vu cet article Coréen que tu m’avais pourtant réclamé haha).
J’ai un peu de mal à suivre côté lecture. Mais je l’avais mis de côté bien sûr !
Tu as raison pour la Palme. D’ailleurs, le film de Moore s’est, si les souvenirs sont bons, invité à la dernière minute. En plus, c’était une année électorale aux USA. Sans doute pas la plus mémorable des Palme d’or, mais le doc se revoit tout de même bien aujourd’hui. J’en avais fait un article d’ailleurs.
Je ne te blâme pas haha ! Ma cinéphilie / boulimie du cinéma / envie de parler de tout me force quelque peu à garder ce rythme soutenu, mais du coup la diversité des films proposés fait que tu peux facilement passer à côté de certains articles (mais je préviens, un autre « Bronzi » est prévu début Octobre 😉 )
Par contre, pas revu son documentaire depuis, et bien, la séance au cinéma. Ou peut-être une fois en DVD les années suivantes, mais ça date, au final peu de souvenirs, si ce n’est comme je te disais l’impression souvent qu’on me pousse à adopter le même point de vue par manque de contre-argument. Et c’est là que tu réalises, doucement mais sûrement, que tout ça, c’était il y a presque 20 ans maintenant…