ASLEEP (白河夜船) de Wakagi Shingo (2015)

ASLEEP

Titre Original : Shirakawa Yofune – 白河夜船
2015 – Japon
Genre : Drame
Durée : 1h31
Réalisation : Wakagi Shingo
Scénario : Wakagi Shingo et Suzumoto Kai d’après le roman de Yoshimotyo Banana

Avec Andô Sakura, Iura Arata, Tanimura Mitsuki, Izawa Maki, Takahashi Yoshiaki, Takekô Aya et Guama

Synopsis : Chômeuse, Terako a une relation depuis quelques temps avec un homme plus âgé, Iwanaga, dont la femme est à l’état végétal. La seule activité de Terako est basiquement d’attendre l’appel d’Iwanaga. Puis, son amie proche Shiori se suicide. Terako est profondément affectée.

Asleep, personne n’en a entendu parler, alors qu’il adapte un roman d’un auteur célèbre, Yoshimoto Banana. Ce n’est d’ailleurs pas du tout la première, ni la dernière adaptation de son œuvre, puisqu’il faut remonter à 1989 avec Kitchen, réalisé par Morita Yoshimatsu, pour voir ses écrits à l’écran, et qu’encore en 2021, il fut porté à l’écran avec Mûnraito Shadou. Asleep lui n’a pas franchement trouvé son public, et il suffit de voir les quelques rares avis circulant sur la toile, ou les moyennes des utilisateurs pour s’en rendre compte, et à la vision du film, on peut aisément comprendre ce qui dérange une bonne partie de ce public. Car forcément, un film où le personnage principal passe le plus clair de son temps à dormir, ça ne promet pas un métrage au rythme trépident et plein de rebondissements. Bon, ce serait de toute façon passer à côté du sujet du métrage. Asleep donc, au départ, c’est un roman contenant 3 courtes histoires, centrées sur des jeunes femmes, souvent perdues, et le métrage adapte la dernière des histoires, portant le même titre que le roman. Derrière la caméra de cette adaptation, on trouve le réalisateur Wakagi Shingo, dont c’est seulement le second (et jusque là dernier) long métrage, troisième si l’on compte un documentaire. Pas le réalisateur le plus actif du monde. Heureusement, pour l’aider dans sa tâche, car adapter une histoire parlant avant tout d’émotions intériorisées, de vies brisées après de tragiques événements, ce n’est pas simple, il a devant sa caméra des acteurs motivés et surtout reconnus dans le milieu. Pour preuve, c’est Andô Sakura qui a le premier rôle, révélée il y a déjà de ça bien longtemps par le Love Exposure de Sono Sion, mais dont la carrière est très loin de se limiter à ça (on pourra citer Une Affaire de Famille, A Crowd of Three ou 100 Yen Love).

Elle joue donc une jeune femme passant le plus clair de son temps à dormir depuis le suicide de sa meilleure amie, n’attendant plus qu’une chose dans sa vie, l’appel de son amant. Amant plus âgé, joué par Iura Arata (une carrière tout aussi remplie, on pourra citer ses participations à Air Doll, Distance, ou même au jeu vidéo Yakuza 0), marié, dont la femme est dans le coma. Et donc oui, il y a, via des flashbacks et des scènes de rêves, la présence de Shiori, l’ancienne meilleure amie de notre héroïne qui passe ses journées au lit, et dont le travail était tout simplement de… dormir aux côtés de ses clients. Un film qui respire la joie et le rythme, je vous le dis. Shiori, elle est joué par nulle autre que Tanimura Mitsuki, autant à l’aise dans les grosses productions (13 Assassins, The Snow White Murder Case), que les petits films fauchés (Salvage Mice), les films horrifiques (Shirai San), les films indépendants (Canary) ou les téléfilms ou films à sketchs pour la télévision (Torihada). Bref je le disais, un casting confirmé, et il faut bien ça car Asleep affiche un rythme très lent, un ton très naturel et épuré jusque dans sa mise en scène et ses décors, et cultive, peut-être même jusqu’à l’excès, les non-dits. Car oui, que Terako passe son temps à dormir après le suicide de sa meilleure amie, on peut le comprendre, surtout qu’elle est sans emploi. Mais le film cultive souvent les non-dits à tous les niveaux. Comment Terako a rencontré Iwanaga ? On ne saura pas. Pourquoi Shiori s’est suicidée ? Idem. L’ensemble paraît souvent froid, distant, et les personnages sont le plus souvent tout aussi froids. Iwanaga par exemple admet clairement qu’il préfère que Terako ne travaille pas, comme ça, elle est disponible pour lui quand il le souhaite. Terako passe son temps à dormir entre deux rendez-vous, et pourtant, elle apparaît toujours comme extrêmement fatiguée.

Il est amusant (si cela peut-être le bon mot) de constater que si Terako est toujours fatiguée alors qu’on la découvre toujours profondément endormie, Shiori était l’opposée, se refusant de dormir pour être toujours là à sourire quand son client se réveillera… mais préférera finalement quitter ce monde en prenant des somnifères et ainsi dormir pour toujours, par choix donc, tandis que la femme d’Iwanaga elle est dans le coma, et donc, un long sommeil peut-être éternel, et involontaire. Le film joue d’ailleurs sur ces nuances, sur cet aspect de sommeil constant, jusque dans sa narration et sa mise en scène, n’hésitant pas à placer des flashbacks entre Terako et Shiori dés son réveil, ou à la faire apparaître en rêve. La mise en scène elle cultive un style assez naturel et brut, n’hésitant pas à jouer sur la mise au point. Sans doute trop d’ailleurs, puisqu’autant cela parait parfois pertinent (au réveil, sur la plage), mais des fois plus étrange (lors de discussions téléphoniques). Asleep finalement, est-ce que ce ne serait pas tout simplement une manière un peu rêvée de se remettre d’un deuil, en faisant épouser la forme du film à son fond. Peut-être bien au final. Toujours est-il qu’avec son rythme très lent et la distance que le film accorde envers les différentes émotions parcourues, il est très facile de décrocher du film, de s’y ennuyer, et donc, de passer à côté. Beaucoup de beaux moments donc, même s’il faut s’accrocher sur la durée, même si ça ne dure que 1h30. Ce qui est certain, c’est que le film parvient à nous mettre dans le même état que Terako, fatiguée, lassée, avec au fond d’elle, et de nous, l’envie de la voir s’en sortir.