Titre Original : La Nuit du 12
2022 – France
Genre : Policier
Durée : 1h54
Réalisation : Dominik Moll
Musique : Olivier Marguerit
Scénario : Dominik Moll et Gilles Marchand
Avec Bastien Bouillon, Bouli Lanners, Théo Cholbi, Johann Dionnet, Thibaut Evrard, Julien Frison, Paul Jeanson, Mouna Soualem et Pauline Serleys
Synopsis : À la PJ chaque enquêteur tombe un jour ou l’autre sur un crime qu’il n’arrive pas à résoudre et qui le hante. Pour Yohan c’est le meurtre de Clara. Les interrogatoires se succèdent, les suspects ne manquent pas, et les doutes de Yohan ne cessent de grandir. Une seule chose est certaine, le crime a eu lieu la nuit du 12.
La Nuit du 12, c’est un film que l’on m’a souvent conseillé, depuis sa sortie en Juillet 2022. Et que, bien que le gardant bien au chaud dans un coin de ma tête, je ne faisais pas une priorité. Puis un soir, alors que je tombais sur ledit métrage, j’ai vu le petit élan de motivation qu’il me manquait pour me lancer dans l’aventure. La Nuit du 12 était en effet un métrage de Dominik Moll. Moins connu que certains réalisateurs plus polémiques, soit car touchant à l’actualité (Cédric Jimenez avec Bac Nord et Novembre), soit car affichant un point de vue qui divise (Romain Gavras et son Athena), ou tout simplement car affichant un cinéma frontal et dérangeant (oui je pense à toi Gaspar Noé), Dominik Moll avait su en tout cas attirer les regards au début des années 2000, avec Harry un ami qui vous veut du bien, puis Lemming, qui m’avait fait l’effet à l’époque d’une bonne petite baffe tant le réalisateur ne cachait pas un seul instant son inspiration pour un certain David Lynch. Dans ce jeu de miroir lent et lancinant, j’y voyais du Lost Highway, et après tout, en rythmique narrative, les films partagent quelques points communs. Mais passé Lemming, j’avais perdu de vue le réalisateur, qui en un peu plus de 15 ans, n’avait signé que trois longs métrages et deux séries. Quatre à présent si l’on compte La Nuit du 12, son dernier bébé, toujours légèrement sous influence Lynchienne, mais beaucoup plus digérée et diluée. De Lynch, Moll prend une base narrative et quelques éléments qui ne seront pas sans rappeler l’œuvre maitresse du réalisateur Américain, à savoir Twin Peaks. Grenoble remplace Twin Peaks, la jeune Clara Royer vient remplacer Laura Palmer, le capitaine Yohan Vivès vient remplacer Dale Cooper, mais personne ne vient remplacer Bob, entité meurtrière, puisque contrairement à Twin Peaks, La Nuit du 12 est un film très terre à terre, et c’est là que Moll parvient à s’éloigner de son modèle, et donc à digérer ses influences.
La Nuit du 12 est en soit une enquête tout ce qu’il y a de plus classique. Une femme est retrouvée morte, brûlée vive, et la police enquête, interrogeant sa meilleure amie, sa famille, retraçant l’emploi du temps de la jeune demoiselle qui n’avait rien demandé à personne, retrouvant ses amours d’un soir et ex. Quitte à en finir une dernière fois avec l’affiliation à Lynch, La Nuit du 12 partage un dernier point commun, qui sera donc la vie, souvent cachée et pas aussi rose que ses proches ne voulaient le penser, de Clara. Clara semblait elle aussi aimer les bad boys, s’enticher de ceux qu’il ne faut pas, de ceux qui vont la frapper, la faire pleurer, ne pas la respecter. Certains interrogatoires menés par la police seront durs, notamment car ils sonnent vrai. On pensera par exemple à cet interrogatoire d’un jeune homme, chez lui, pris d’un fou rire car Clara est morte… Ou à cet ex, violent, ne sachant se manifester que par les coups… Le souci de cette vie à double tranchant, notamment une fois la vie passée à trépas, c’est que la liste des suspects est énorme. Comme le dira si bien l’un des enquêteurs, tout le monde aurait pu le faire, chaque personne suspectée pourrait être arrêtée pour le meurtre, mais pourtant, aucun d’entre eux ne semble être le coupable. A ce jeu de piste, voire ce jeu d’apparences, le spectateur s’implique, devenant presque un enquêteur à part entière, scrutant les possibles coupables, cherchant la faille, dans leur jeu, leurs expressions, leurs mimiques. Mais on se retrouve rapidement comme nos enquêteurs, au pied du mur. Enquêteurs qui chutent eux-aussi, moralement au plus bas, pour des raisons diverses, parfois privées, parfois juste un raz le bol face aux horreurs quotidiennes du boulot, et Yohan sera hanté lui par cette enquête, par Clara, par son impuissance.
Impuissance que le film met en avant dés les premiers instants, puisque le film ne nous ment pas, dés l’ouverture, un texte vient nous indiquer que beaucoup d’enquêtes ne sont malheureusement jamais résolues, et que celle-ci en est une parmi tant d’autres. La Nuit du 12 passionne, parvient parfois à nous questionner, sans donner de réponses mais en ouvrant des pistes, parfois sur des sujets anodins (la plupart des meurtres sont commis par des hommes, et résolus par des hommes, le discours sur les services publics qui vont mal), et surtout, La Nuit du 12 bénéficie d’un grand soin à tous les niveaux. On pourrait citer le scénario, plus subtil qu’il n’y parait, mais aussi la mise en scène souvent épurée de Dominik Moll, convenant parfaitement au sujet, toujours calme, et qui sait jouer à merveille sur le silence. L’ambiance musicale également est une réussite, discrète certes, mais se mariant parfaitement aux images, ne déviant jamais de sa trajectoire et de son style lourd. Sans oublier évidemment le travail des différents acteurs, souvent parfaits, notamment Bastien Bouillon dans le rôle de l’enquêteur principal, et Pauline Serleys, l’ancienne meilleure amie de Clara. Les deux auront d’ailleurs la meilleure scène du film ensembles, tout en simplicité, assis autour d’une table. A croire que le cinéma Français, lorsqu’il se lance dans le thriller misant énormément sur l’atmosphère, est souvent touché par la grâce, après la grosse réussite qu’était Boite Noire en 2021.
Les plus
Extrêmement bien joué
Prenant et réaliste
Une enquête qui captive, même quand elle patine
Une mise en scène sobre et classe
Les moins
Le côté sans réponses ne plaira pas à tout le monde
En bref : Sous ces allures de polar d’ambiance, La Nuit du 12 est aussi et surtout une magnifique étude de personnages, entre des flics lessivés et fatigués, hantés, une justice qui a du mal à avancer, des suspects tous coupables potentiels, des services publics qui ne s’en sortent pas, et au milieu de tout ça, une femme, disparue trop tôt sans raisons apparentes.
A FEW WORDS IN ENGLISH | |
THE GOOD | THE BAD |
♥ Extremely well acted ♥ Realistic and effective ♥ The investigation is interesting ♥ Visually, it’s simple yet classy |
⊗ Not everyone will like the lack of answers |
It looks like a moody thriller, but the film is more like a study of characters, between tired cops, haunted, a justice not perfect, many suspects, bad public services, and in the middle, a woman, gone too soon for no apparent reason… |
Très chouette critique pour ce film qui annonce la couleur d’emblée (et je vois que tropisme « Twin Peaks » ne t’a pas échappé). Et pourtant, jusqu’au bout on espère à une résolution de cette affaire, et le scénario de Moll et Gilles Marchand sait parfaitement en profiter. De même pour le tandem Lanners / Bouillon, excellent. Content que tu aies comme moi apprécié ce film.
C’était risqué d’ailleurs, d’ouvrir cash le film sur la mention « l’enquête n’est pas résolue ». Et pourtant, ça marche, on veut quand même y croire en effet, et le film trouve sa force dans tous les à côtés. Certaines scènes très simples sont pourtant tellement fortes, comme les rendez-vous avec la juge dans la seconde partie, ou bien la conversation dans le restaurant entre l’enquêteur et la meilleure amie de la victime, qui craque.
J’aime bien cette structure d’enquête un peu à la Citizen Kane. La juge interprétée par Anouk Grimberg est géniale. Son arrivée dans le scénario permet de redonner du souffle à l’enquête et un regain d’intérêt pour le spectateur. Très bien pensé.
Dans ton top de l’année je pense du coup ?
Si j’en faisais un, il y serait sûrement.