COPENHAGEN COWBOY de Nicolas Winding Refn (2023)

COPENHAGEN COWBOY

Titre Original : Copenhagen Cowboy
2023 – Danemark
Genre : Série
Durée : 6 épisodes de 50 minutes
Réalisation : Nicolas Winding Refn
Musique : Cliff Martinez, Julian Winding et Peter Peter
Scénario : Nicolas Winding Refn, Sara Isabella Jonsson Vedde et Johanne Algren

Avec Angela Bundalovic, Andreas Lykke Jørgensen, Li Li Zhang, Jason Hendil-Forssell, Hok Kit Cheng, Shang Preben Madsen, Zlatko Buric, Fleur Frilund, Valentina Dejanovic, Maria Ervolter et Lola Corfixen

Synopsis : Après une vie de servitude en tant que porte-bonheur humain, une femme aux étranges pouvoirs cherche à se venger de ceux qui lui ont fait du mal.

Que l’on aime ou pas le cinéma, et l’œuvre de manière générale de Nicolas Winding Refn, on ne peut nier que le réalisateur a évolué avec les années, allant jusqu’à radicaliser son œuvre avec ces deux dernières séries. Loin est l’époque de la trilogie Pusher et de Bleeder, des films à l’aspect réaliste, cru, filmés caméra à l’épaule. La radicalisation du cinéma de Refn, elle date en réalité de 2009 avec son mistique Valhalla Rising. Drive en 2011, adulé par de nombreux cinéphiles, fait un peu office d’anomalie dans la carrière du réalisateur, un film détenant bel et bien son style, mais bien plus doux, limpide dans sa narration et ses thématiques, et par extension, également via ses personnages. Si bien que pour ceux qui découvraient le cinéaste avec Drive, après ses prix en festivals et l’excellent bouche à oreille, la chute fut brutale dés son film suivant, hué à Cannes, Only God Forgives, pourtant bien plus représentatif de son style, et continuité dans sa radicalisation stylistique et mutique de Valhalla Rising donc. La suite divisa encore plus avec The Neon Demon, mais surtout avec la première série signée Refn pour Amazon, Too Old to Die Young, qui voyait le cinéaste pouvoir faire ce qu’il voulait sur près de 13 heures, sans retenue, sans censure, sans contraintes. En résultat une œuvre forte, mais aussi bancale, passionnante et brutale, mais aussi extrêmement lente. Du Refn pur jus, jusqu’à l’overdose, s’égarant parfois, mais paradoxalement livrant quelques scènes parmi les plus marquantes de son œuvre. Lors de la découverte de la série, j’avais d’ailleurs établi un lien qui me semblait évident entre Too Old to Die Young et donc les choix de Refn, autant dans ses personnages et ses thématiques que dans son approche du format série, avec Twin Peaks the Return de David Lynch. Et bien en ce début d’année 2023, avec sa nouvelle série cette fois-ci pour Netflix, le lien entre les deux auteurs est encore plus évident.

D’ailleurs, voir Refn tourner sa nouvelle série pour Netflix n’est pas tant une grosse surprise que ça, lorsque l’on sait comment l’artiste avait finalement terminé en très mauvais termes avec Amazon, apparemment choqués par le contenu de Too Old to Die Young. Copenhagen Cowboy donc, c’est une toute nouvelle série, en 6 épisodes de 50 minutes, qui pourra déjà en rassurer certains, puisqu’affichant une narration beaucoup plus simple et logique que Too Old To Die Young, mais également car affichant clairement un rythme plus resserré, et donc, facile d’accès. Non pas que Refn ai changé sa manière de penser son cinéma, son style, et de faire bouger sa caméra, mais la narration de Copenhagen Cowboy est bien plus fluide et rapide. D’ailleurs, Copenhagen Cowboy, pour le connaisseur, ferait presque office de pont entre l’ancien Refn et le nouveau Refn, puisque le tout a été tourné au Danemark (on retrouve d’ailleurs un acteur de la trilogie Pusher), et que durant sa première moitié, Refn et ses coscénaristes semblent clairement vouloir encrer leur récit dans le milieu de la pègre, avec notamment la mafia Albanaise, puis la mafia Chinoise. Trafic d’humains, trafic de drogue, prostitution. Autant visuellement, Refn continue clairement sa route sans se soucier de ce que l’on en pensera (et je le respecte totalement), à coups de néons, de très lents travellings, de caméra circulaire sur 360 degrés, autant dans le fond, il revient aux débuts de son cinéma. Et au milieu de tout ça, il place Miu, son héroïne, une femme qui n’a pas grand-chose d’humaine, vendue depuis son plus jeune âge comme porte bonheur, et qui va, au fur et à mesure de ses rencontres, apporter autant la chance que la mort.

Vendue au départ pour apporter chance et fertilité à un couple en tête d’un réseau de prostitution, Miu va finir par s’échapper, jusqu’à arriver dans un restaurant Chinois, lui aussi lié d’une autre manière à un réseau criminel. Une chose est sûre, c’est que Refn ne livre pas un portrait très reluisant de Copenhague. Dans la ville même, sa caméra se balade souvent de nuit, éclairé aux néons évidemment, tandis que de jour, le cinéaste nous traine dans des manoirs surréalistes semblant provenir d’un film de la Hammer, dans des caves et autres planques glauques, ou dans des bureaux d’avocats forcément pas très nets non plus. Au milieu de tout ça, Miu, parlant comme souvent peu, trace son chemin, apportant chance, mais montrant bien vite d’autres motivations, et surtout montrant aussi bien vite qu’elle n’est pas une simple femme sans défense. Est-elle d’ailleurs vraiment une femme, autant dans sa narration (suspense) que dans l’œuvre en elle-même, traversant le récit comme un porte-bonheur, puis comme un ange de la mort en quelque sorte ? Je découvrais en tout cas l’actrice Angela Bundalovic dans ce rôle, et si elle porte tous les éléments propres aux personnages habituels du cinéastes, elle n’en demeure pas moins plus que convaincante, en ayant une réelle présence à l’écran.

On ne s’étendra pas des masses sur l’intrigue de la série, puisque celle-ci évolue grandement en tons, en thèmes, et même en narration et en expérimentations au fur et à mesure, pour se rapprocher de plus en plus de l’expérience dite Lynchienne arrivé au sixième épisode. Mais dans les grandes lignes, Refn délivre du Refn, et c’est ce que ses fans lui demandent après tout, aucun souci. Depuis le temps, le public a bien compris qu’espérer un Drive 2, c’était inutile. Visuellement, c’est du Refn pur jus aussi, et c’est un plaisir visuel pour les yeux. C’est coloré forcément, c’est maitrisé, la photographie est envoutante, les mouvements de caméras lents et précis, et cela me fait toujours plaisir de voir des réalisateurs qui savent prendre leur temps, préférant poser une ambiance et dire ce qu’ils veulent plutôt que de dynamiser inutilement une œuvre par un montage chaotique. Refn, encore une fois comme Lynch avec Twin Peaks The Return, est un peu l’antithèse du cinéma populaire actuel. Et c’est très bien ! Musicalement, là aussi c’est un sans-faute, et comme pour le reste, on sent une volonté de lier l’ancien au nouveau, puisque Cliff Martinez, compositeur du cinéaste depuis Drive, Julian Winding (son neveu, déjà présent sur les OST de The Neon Demon et Too Old To Die Young) côtoient Peter Peter, compositeur de Pusher ou Valhalla Rising. La boucle est donc bouclée, et là aussi tant mieux, car ils signent une des meilleures OST du cinéaste, et les nombreux moments de la série laissant la musique s’exprimer sont parmi les meilleurs. Ce qui est sûr par contre, c’est que les habituels détracteurs de Refn peuvent fuir cette série de 6 épisodes très vite, tandis que les autres devraient y trouver leur compte, et ce malgré le manque de surprise. Non pas dans sa narration encore une fois, prenant parfois des tournants surprenants, mais un manque de surprise sur l’enrobage et les thèmes en avant. Mais la série demeure en tout cas bien plus simple d’accès que sa précédente, plus « agréable » tout en ayant ses nombreux moments durs (et moments drôles aussi).

Les plus

Visuellement un bien beau spectacle
Musicalement aussi, c’est de haut niveau
Des acteurs d’horizons variés et tous bons
Une série rythmée et sachant parfois changer de ton
Des scènes marquantes (car drôles, ou violentes, ou envoutantes)

Les moins

Un certain manque de surprise dans l’enrobage

En bref : Copenhagen Cowboy, c’est du Refn pur jus, à prendre ou à laisser, bien plus accessible que Too Old to Die Young (et bien moins lent), mais tout aussi réussi. On y retrouve le style du cinéaste, tous ces tics, mais d’une certaine manière, aussi un bousculement encore plus voyant vers un style « Lynchien ».

A FEW WORDS IN ENGLISH
THE GOOD THE BAD
♥ Visually often stunning
♥ Musically too, it’s high level
♥ Various very good actors
♥ Well paced TV show, that knows when and how it should changes its tone
♥ Some captivating scenes (funny, violent, or just captivating)
⊗ But it lacks surprising, technically
Copenhagen Cowboy, it’s just the new work from Refn, take it or leave it, even if way more accessible than Too Old to Die Young (and less slow paced), but still very good. You’ll have the usual style of the filmmaker, but also, slowly and clearly there, a more Lynch side to it.

2 réflexions sur « COPENHAGEN COWBOY de Nicolas Winding Refn (2023) »

    1. Fonce alors camarade, j’ai volontairement été très vague sur l’intrigue, et sur les 3 derniers épisodes (autant en terme de photo pour l’article que dans le texte) pour éviter tout spoil, car clairement, ça vire au Lynch à plus d’un niveau. C’était déjà un peu le cas avec sa précédente série, mais comme bien plus longue, plus hermétique, et plus bancale… Bon maintenant, il va falloir que je vois si la musique va avoir les honneurs d’une sortie en physique pour l’ajouter à ma collection à côté de tous les autres Refn depuis Drive 😉

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