THE SUBSTANCE de Coralie Fargeat (2024)

THE SUBSTANCE

Titre Original : The Substance
2024 – Etats Unis
Genre : Body Horror
Durée : 2h21
Réalisation : Coralie Fargeat
Musique : Raffertie
Scénario : Coralie Fargeat

Avec Demi Moore, Margaret Qualley, Dennis Quaid, Edward Hamilton Clark, Gore Abrams, Oscar Lesage, Christian Erickson et Robin Greer

Synopsis : Elisabeth Sparkle, vedette d’une émission d’aérobic, est virée le jour de ses 50 ans par son patron à cause de son âge jugé trop élevé pour la suite de sa carrière. Le moral au plus bas, elle reçoit une proposition inattendue, celle d’un mystérieux laboratoire lui proposant une « substance » miraculeuse : si elle se l’injecte, elle deviendra « la meilleure version » d’elle-même, « plus jeune, plus belle, plus parfaite » grâce à une modification cellulaire de son ADN.

Le précédent long métrage de Coralie Fargeat, Revenge, je l’avais trouvé extrêmement sympathique, mais totalement imparfait à plus d’un niveau. Mais imparfait ne veut pas dire qu’on ne peut pas être marqué par un film. Quelques images restent en tête, et la musique de Rob également. Voir donc la réalisatrice continuer son petit bonhomme de chemin en 2024 avec un récit de body horror de 2h21 mettant en avant les dénudées Demi Moore et Margaret Qualley dans un métrage qui de manière surprenante récolte le prix du meilleur scénario à Cannes, ça rendait plus que curieux. Car Cannes et Body Horror. Car Coralie Fargeat et Prix du meilleur scénario. Coupons court à tout suspense, si le prix à Cannes reste un mystère total à mes yeux, autant car le scénario est loin d’être parfait que parce que Coralie Fargeat ose représenter des femmes qui aiment être sexy et le montrer à une époque où on nous fait souvent chier avec ça, The Substance m’aura séduit par sa proposition totalement grotesque et déviante qui rappelle tout un pan de cinéma des années 80 et 90. Avec The Substance, on pense à David Cronenberg évidemment (et les clins d’œil à son œuvre, que ce soit La Mouche ou Videodrome, sont présents), mais aussi à Brian Yuzna (quelques visions bien gluantes, un liquide jaune fluo aux propriétés bénéfiques pas si bénéfiques que ça, sans oublier le culte de l’apparence qui peut faire penser à Society), pour un résultat certes imparfait, mais tellement attachant dans sa proposition.

Elizabeth Sparkle, 50 ans, est une ancienne gloire d’Hollywood qui a même son étoile sur le Hollywood Boulevard, et qui se retrouve maintenant à présenter une émission de fitness à la télévision. Mais son âge n’aidant pas dans une société où l’apparence fait tout, son patron joué par un Dennis Quaid souvent filmé en gros plan avec focale déformante voudrait bien la remplacer par une jeune femme plus jeune et dynamique. La pauvre Elizabeth, jouée avec justesse par Demi Moore, est au bord du gouffre, jusqu’à ce qu’on lui parle de The Substance, une… substance comme le titre l’indique, censé créer une version plus jeune d’elle. La demoiselle se laisse tenter, et après injection, le miracle s’accomplit et elle donne naissance à Sue, Margaret Qualley, plus jeune, plus belle, plus dynamique, plus sexy, qui va faire tourner les yeux de tous les hommes, et sans doute de toutes les femmes aussi. Le récit classique de la quête de jeunesse, de reconnaissance, de célébrité comme on en a tant vu. Par certains aspects, on aurait même envie de penser à Requiem for a Dream, avec cette obsession qui semble sans fin, obsession pour la célébrité, d’être aimé et adulé des autres. Et pendant un bon 1h40, voire 1h50, The Substance séduit, malgré son côté vulgaire, non pas dans ce qu’il montre (les femmes ont le droit d’être sexy et de vouloir mettre leur corps en avant, rien de choc là-dedans), mais dans sa manière de mettre tout ça en boite. Les couleurs sont pétantes, le montage est cut, les plans sont rapprochés, souvent tordus, déformés, la musique est agressive. Mais c’est le choix de la réalisatrice, qui s’avère au final payant alors qu’il aurait pu aussi être très rapidement vain. Cette approche stylistique finalement colle bien avec l’univers que le film dépeint, avec ses personnages, et avec l’expérience qu’il souhaite proposer. Pas subtile pour un sous, mais qui fait plus qu’honorablement le job.

Scénaristiquement par contre, si le concept du métrage est intéressant et qu’il pointe du doigt ce qu’il faut, on pourrait, si l’on s’arrête un peu pour réfléchir, trouver des failles par centaine. Une substance permettant de créer un double plus jeune de soi, c’est alléchant, mais jamais Elizabeth et Sue ne semblent partager leurs souvenirs, donc finalement, la gloire de l’une ne bénéficie jamais à l’autre. Du coup on peut rapidement se demander pourquoi Elizabeth n’arrête pas l’expérience quand ça commence à mal tourner. Ou même, pourquoi prendre de tels risques pour permettre à un double de vivre sa vie pendant une semaine pendant que nous, nous dormons à l’état végétatif, en attendant sagement la semaine suivante pour alterner. Oui les failles sont nombreuses dans le scénario, et il faut en réalité accepter l’univers proposé par Coralie Fargeat plus qu’essayer d’y déceler une logique de notre monde à nous. Quand au côté body horror du métrage, si ça commence doucement, comme toujours vous me direz, et que cela reste cohérent (dans son univers à lui), le film passe pour sa dernière demi-heure la seconde et là, il ne recule plus devant le spectacle déviant et grotesque que le genre est censé nous proposer. D’où un final qui divise énormément auprès du public, là où ce qui précédait séduisait (sauf les deux ou trois spectateurs choqués par la nudité). Les corps sont déformés, mutilés, ne ressemblent parfois plus à rien, le tout est en train de pourrir, le sang recouvre les murs, les figurants, Coralie Fargeat se lâche totalement dans un final débridé, voué à diviser. Car si les deux premières heures, malgré ses excentricités, parvenaient à accrocher au final un public assez « large » (pour le genre), son final lui ferme la porte pour contenter l’amateur de pellicules plus déviantes, quitte à aller dans le grotesque, dans l’excès total, et à perdre tout côté dérangeant par la même occasion.

Les plus

Demi Moore et Margaret Qualley, excellentes
Une mise en scène vulgaire qui créé un univers
Un final déviant et grotesque qui fait plaisir
Un film qui se revendique de Cronenberg, de Yuzna

Les moins

Scénaristiquement c’est blindé de failles et facilités
Le final déviant fascine, mais le film perd en puissance

En bref : Imparfait, surtout scénaristiquement (ironique pour le prix du scénario à Cannes), The Substance néanmoins fait du bien. Il ose mutiler les corps, il ose les faire pourrir, il ose aussi les dénuder et les filmer de manière sexy et non complaisante. Un amour certains pour les corps, dans leur beauté et dans leurs travers.

A FEW WORDS IN ENGLISH
THE GOOD THE BAD
♥ Demi Moore and Margaret Qualley, excellent
♥ Visually, it’s loud and vulgar, but it creates a specific mood
♥ The finale, grotesque and devious
♥ A film that pays tribute to Cronenberg, Yuzna and a few others
⊗ Lots of flaws and weird choices in the script
⊗ The final is fascinating, but it forgets to be disturbing and powerful
Not perfect, especially its script (ironic for the best script at the Cannes festival), The Substance still is great. It dares to mutilate the bodies, to make them rot, it dares to show the naked flesh and to film it in a sexy way. There are so much love for the bodies here, for their beauty and also their bad shapes.

4 réflexions sur « THE SUBSTANCE de Coralie Fargeat (2024) »

  1. Je me suis ennuyé ferme et j’ai trouveyce film affligeant de bêtise. Je suis prêt à accepter les failles scénaristiques à condition d’avoir une réflexion à ruminer derrière, mais là rien, nada, le vide sidéral… Si ce n’est les hommages ultra-voyants aux maîtres de l’horreur (oui, Coralie, elle aime ça les films d’horreur et elle aime bien montrer qu’elle les a tous vus). Je crois qu’on sera parmi les rares a citer Aronifsky et Yuzna (j’ai failli ajouter Gordon), des références qui au moins donnaient du grain à moudre, avaient un point de vue. Ici rien. Juste un liquide frelaté.

    1. Pour une fois que ce n’est pas moi qui suis à contre-courant haha.
      La réflexion derrière n’est pas nouvelle, on est d’accord, de nombreux autres films ont traité le sujet avant, que ce soit à Hollywood ou ailleurs. Je n’ai d’ailleurs pas cité tous les hommages, il y a bien évidemment CARRIE de De Palma, Kubrick et en particulier SHINING et 2001, qui eux aussi sont hyper voyants. Par contre oui, Aronofsky et Yuzna, ça m’a semblé en soit tellement logique que je suis surpris que personne d’autre n’y pense. Quoi que pour Yuzna, je pense que le « grand public » et les critiques pros ne connaissent que de nom voire pas du tout, donc en fait pas si étonnant, mais Yuzna étant indissociable de Gordon, plus connu… Enfin bref.
      Pour ma part en tout cas j’ai adhéré à la proposition, je l’avais découvert un peu avant que tout le monde en parle, revu après avec un ami, vu que je vois toujours les films deux fois quand j’aime beaucoup pour confirmer, et le côté grotesque de l’enrobage a encore fonctionné sur moi, comme quoi hein.

      1. Ah oui, en effet ! Y retourner relève pour moi du masochisme concernant ce film 😉 (ceci dit je me suis refait « The Northman » en br pour conclure qu’il était encore pire que ce que je pensais).
        Franchement, je ne vois rien là-dedans d’intéressant. Je préfère mille fois la trilogie de Ti West si on veut parler de féminisme avec du gore autour. Là, c’est juste du TROMA pour les nuls.

        1. Donc je comprend que d’ici un an ou deux, tu le retenteras quand même, comme pour THE NORTHMAN haha.
          Autant chez Ti West que chez Coralie Fargeat là, j’ai un souci surtout comme tu as vu avec leur manière de conclure leurs récits.

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