Sortie : 5 Novembre 2024
Genre : Action horrifique
Studio : Bokeh Game Studio
Éditeur : Bokeh Game Studio
Joué et testé sur : Playstation 5
Existe sur : PlayStation 5, PlayStation 4, Xbox Series X and Series S, Microsoft Windows
Synopsis : Kowloon, durant les années 90. Des monstres mystérieux appelés les Slitterheads sévissent dans la ville, se nourrissant du cerveau des humains. Un hyoki, un esprit n’ayant pas de corps, se donne pour mission de tous les éliminer. Pouvant passer de corps en corps, il finira par tomber sur des êtres rares, à qui il peut prêter sa force, mais qui restent totalement conscients. Avec l’aide notamment de Julee et Alex, le hyoki, qui se fera appelé Night Owl par Julee, se retrouve dans une histoire sombre à base de monstres, de secte, de prostitution et de boucles temporelles, le tout pour empêcher un drame pouvant mener l’humanité à sa perte.
Slitterhead, malgré absolument aucune publicité, aura fait parlé de lui lors de son annonce, avec un trailer énigmatique, et le simple nom du monsieur derrière le jeu, et son nouveau studio nommé Bokeh Game Studio, à savoir Toyama Keiichiro. Et pour ceux qui ignorent tout du bonhomme, disons que son parcours est encourageant pour le jeu. Rejoignant Konami en 1994, il sera surtout connu là-bas pour avoir été le réalisateur du premier Silent Hill, et donc, le créateur de la saga. Surtout qu’en plus de réaliser, il écrivait et s’occupait de certains designs. Il quitte direct après Konami pour rejoindre Sony Japan Studio, ce qui lui permettra, avec une grande liberté, de livrer quelques grands titres, notamment les trois jeux Siren, qu’il écrit et réalise, mais aussi les deux Gravity Rush (pour le premier, il réalise, s’occupe du design et écrit, pour le second, il n’est que réalisateur et designeur, ce qui indique clairement, à mes yeux, les faiblesses de ce second titre, à savoir un scénario tirant en longueur car monde ouvert, et donc, des baisses de rythme). Quittant Japan Studio en 2020, comme s’il sentait le vent tourner (Sony fermera le studio peu de temps après, un peu honteux vu les titres, souvent originaux, que le studio livrait pour le constructeur), il créa alors son propre studio, Bokeh Game Studio, et Slitterhead fut enfin annoncé en Décembre 2021. Et je dois avoué que malgré tout, je n’avais pas lu ni vu grand-chose sur le titre jusqu’à sa sortie, et les avis souvent mitigés, autant de la critique que du public. En ressort souvent un jeu bancal, répétitif, mais original et au gameplay fort sympathique. En gros, comme on dit en anglais, un bon jeu mais « rough around the edge ». Après avoir terminé le jeu et assisté aux deux fins proposées (la mauvaise, et la vraie fin ensuite donc), ce qu’il devient presque utile de préciser à l’heure où les soit disant testeurs pro eux, annoncent sans honte livrer des tests sans même finir les jeux parfois, induisant ainsi leurs lecteurs/spectateurs en erreur, quel professionnalisme, et bien je dois bien avouer les choses. Slitterhead est en effet extrêmement bancal.
Pas mauvais (quoi que, pour un joueur casual habitué aux jeux AAA, sans doute), mais qui a en réalité la saveur des titres Playstation 2. La sainte époque où les jeux horrifiques sortaient très nombreux, que ce soit d’ailleurs en réalité sur Playstation 2 (les Siren, les Obscure, Cold Fear, Ku-On, Rule of Rose), sur Xbox (Fear et Condemned) ou même la Game Cube (Eternal Darkness) et, juste avant, la Dreamcast (Illbleed, Carrier). Mais surtout, la sainte époque où un jeu ne coûtait pas 200 millions à être fait, ne demandait pas entre 4 et 8 ans de développement, et du coup, que les développeurs avaient bien plus de liberté créatrice. Evidemment, il y avait les modes (Cold Fear, finalement, c’est Resident Evil 4 sur un bateau non ?), mais les idées de gameplay, de design, de scénario, elles étaient là. Slitterhead, c’est un jeu de ce style. L’introduction d’ailleurs nous le fait clairement comprendre, en plus d’exciter comme pas possible l’amateur, avec sa magnifique cinématique d’ouverture en CGI sur une chanson bien prenante, avant que l’on comprenne qu’évidemment, Yamaoka Akira est à la musique. Lorsque l’on prend enfin le contrôle, le jeu continue de séduire, même si ça s’avère sacrément moins beau sur certaines choses que ces cinématiques. Car on incarne un esprit, qui peut posséder les autres (un peu à la manière de The 3rd Birthday). On passe donc de corps en corps, et surtout, le jeu a donc l’excellente idée de tenter de nous faire aller à l’encontre de nos habitudes de joueur. Normalement, lorsque l’on trouve un personnage que l’on apprécie, ou qui a des capacités spéciales, on le garde, on fait tout pour le chérir. Et ici, même si l’on devra au fur et à mesure de l’aventure posséder ce qui sera appelé des êtres rares (8 en tout, tous à trouver pour avancer donc inratables), et augmenter leurs capacités, attaques, barre de vie et j’en passe, le jeu nous dit clairement que la meilleure attaque, ce sera bien de changer de corps. En effet, à chaque nouvelle possession, notre avatar reçoit à la fois un boost de vie et d’attaque.
Mais revenons à nos moutons, puisque les premiers pas du jeu se font dans le corps d’un chien. Puis on passe à un corps humain, et ainsi de suite, et très rapidement, on tombe sur Julee, et en prenant possession de son corps pour la sauver d’une fin certaine, la révélation, et on nous explique alors le gameplay des combats contre les créatures qui se cachent en ville, à base d’attaques normales, fortes, de parades à effectuer dans la bonne direction. Niveau combat et idées de gameplay, Slitterhead séduit et fait clairement du bien dans le paysage vidéoludique actuel. On reconnait d’ailleurs finalement bien la patte de Toyama, puisque l’on pourrait dire que Slitterhead emprunte en plus des idées à la saga Siren (sa narration en chapitres, les nombreux personnages principaux que l’on doit parfois jouer tour à tour, et parfois, la capacité de voir à travers les yeux de nos ennemis) et à la saga Gravity Rush (une certaine verticalité dans le level design, un gameplay très axé action). Tout ça, de mon point de vue, c’est validé, et même si le jeu est, en effet, assez répétitif, la faute à sa structure même sous forme de missions, et de sa narration mais on y reviendra, le gameplay reste fun et aisé à prendre en main, malgré quelques ennemis qui feront bien chier (un en particulier, optionnel, dans une salle minuscule et peu propice aux affrontements). Surtout que ce gameplay ajoute parfois quelques minuscules petites idées qui amusent ou font plaisir. Rater une parade et se retrouver avec un bras en moins, qu’il faudra recoller, et donc, être à découvert pendant un temps, puisque sans bras, et bien, pas d’armes. Mais si ce qui rebutera en premier lieu les joueurs occasionnels, ou du moins le grand public, c’est le côté visuel du titre et son côté répétitif, et bien moi, ça ne m’a pas dérangé. Avoir Kowloon comme ville à explorer, c’est une super idée, et sans aller trop dans la reconstitution historique, le jeu donne une vision plus ou moins réussie de la ville, avec ces nombreuses petites ruelles, ses réseaux de prostitutions, la mafia derrière, et même une secte. La map n’est pas immense, mais le level design se sert des capacités des personnages pour jouer sur la verticalité. Visuellement, la ville est plutôt réussie en plus, avec ces gros néons partout.
Là où ça coince sans doute bien plus, ce sera les personnages, notamment les PNJ, que l’on retrouve parfois copié collé à deux ruelles d’intervalles, et qui ne bénéficient pas, visuellement, du même soin que nos héros, ni même d’animations véritablement soignées. Pareil d’ailleurs pour les ennemis, au design assez cool, mais qui n’évolue guère finalement durant l’aventure. Si on adhère à la proposition, on n’y fera plus attention passé quelques heures de jeu, mais ça dérangera ou fera très certainement rire le grand public. Mais tout ça, moi, ça me va, ça donne un charme nostalgique au jeu. Ce qui décevra par contre, c’est le reste, on y arrivera. Si visuellement comme dit, tout n’est pas au top, et que l’on sent que l’ambition du studio aurait sans doute été d’atteindre le niveau des cutscenes (elles vraiment très bien), que le gameplay est très répétitif mais fun, c’est le reste finalement qui déçoit. Ne passons pas par quatre chemins, c’est déjà la narration et donc le rythme du titre qui sont décevants. L’histoire, en soit, elle intrigue, le lore est cool, certains personnages sont intéressants notamment Julee et Alex… Mais le scénario en lui-même, c’est plus compliqué. Avec son découpage en missions, et son concept de boucle temporelle (le jeu se déroule sur 3 jours, et l’on jouera pas mal de missions plusieurs fois, pour déjouer le destin), la répétitivité du titre s’en retrouve accentuée, et le rythme est en dents de scie, notamment durant le milieu, qui semble un peu faire du sur-place. Le tout n’est pas aidé par deux éléments.
Déjà, il y a très peu de voix, donc souvent, on lit des sous titres, et niveau sonore, on aura… quelques grognements, des sons étranges, parfois un ou deux mots en anglais. Mais surtout, le jeu est finalement avare en cutscenes, et en plus, il fait avancer son intrigue et développe ses personnages via des interactions entre les missions, dans le menu, pour des dialogues ayant lieu sur des images fixes. L’immersion en prend un coup à ce niveau. Et l’intrigue, avec son concept de boucle temporelle et même plus dans le dernier acte, en étant parfois avare en informations (pas mal d’éléments sans réponses), elle ressemble à un gros bordel, ou une ébauche de ce que Slitterhead aurait pu (dû ?) être. Et puis ses dialogues avec les êtres rares sur des images fixes, on pourrait se dire qu’après tout, on n’a qu’à les zapper, sauf que non, car il faudra parler aux personnages pour débloquer les missions suivantes. Le pire dans tout ça, c’est que si je disais que l’intrigue faisait un peu du sur-place durant le milieu de l’aventure, et bien c’est surtout car malgré ses 8 êtes rares jouables et qu’il faut récupérer, le jeu ne fait pas grand-chose avec beaucoup d’entre eux. Du coup, Julee et Alex sont intéressants et développés, quant aux autres… Il n’y a parfois rien, ou parfois on débloque des discussions sans trop savoir comment. Mais au moins, les 8 personnages permettent de varier un peu les combats, entre ceux se battant avec des épées, ceux utilisant plus des armes à distance, ou ceux qui sont des pros pour empoissonner et ceux qui utilisent carrément leurs poings. A côté de tout ça, on aura bien quelques autres petits soucis. Notamment parfois des phases d’infiltration que le jeu a beaucoup de mal à justifier (on peut passer de corps en corps, mais là, on ne peut posséder personne et il faudra se la jouer MGS…).
Sans oublier un élément de design assez irritant durant la dernière ligne droite, où pour avoir la vraie fin, il faut avoir une certaine condition, et donc il faudra refaire certaines missions déjà accomplies. Avec tout ça, on le pense évidemment, et c’est évident, Slitterhead n’a pas eu droit à un budget énorme. Mais certains soucis, d’écriture ou de structure, ils auraient pu clairement être corrigés, ce qui me donne l’impression que Slitterhead est sorti un tout petit peu trop tôt, et aurait dû bénéficier de quelques mois de développement en plus. La technique, forcément, pour un nouveau studio éditant en plus lui-même son jeu, et donc sans l’aide de Sony ou autre, on n’aurait pas pu changer grand-chose, à moins de laisser les développeurs bosser les animations gratuitement, mais bon, déjà que le milieu souffre de crunch trop souvent, alors si en plus on ne paye plus les développeurs hein… Du coup, forcément, notamment la faute à son rythme et son histoire passionnante mais mal racontée, le constat final de Slitterhead est mitigé. Mais néanmoins pas désagréable, car il y a l’ambiance, le côté original, le gameplay fun, les belles musiques de Yamaoka comme toujours. Mais en soit, le plus beau, ce serait si Slitterhead n’était qu’une ébauche pour une suite bien plus aboutie à tous les niveaux. Là, ce sera bien. Mais Slitterhead, oui, j’ai aimé même si c’est loin d’être parfait. Par petites sessions, ça passe même très bien. Mais il faut savoir à quoi s’attendre sans doute, pour ne pas tomber de haut.
Les plus
L’univers intéressant
Kowloon dans les années 90
Le gameplay action fun
La musique signée Yamaoka Akira
Des concepts bien sympathiques
Un côté PS2 dans son design général
Les moins
Une narration assez ratée
Beaucoup de personnages jamais exploités
Assez répétitif
Les PNJ souvent moches et mal animés
Le manque de doublage est dommage
En bref : Slitterhead est voué à divisé, entre son retard technique, son côté répétitif et son intrigue pas toujours bien racontée. Malgré tout, niveau ambiance, gameplay et univers, c’est une réussite. A voir donc ce que vous attendez du jeu, mais il saura autant trouver son public qu’en décevoir pas mal.