A CERTAIN KILLER (ある殺し屋) de Mori Kazuo (1967)

A CERTAIN KILLER

Titre Original : ある殺し屋 / Aru Koroshiya
1967 – Japon
Genre : Policier
Durée : 1h22
Réalisation : Mori Kazuo
Musique : Kaburagi Hajime
Scénario : Masumura Yasuzo et Ishimatsu Yoshihiro

Avec Ichikawa Raizô, Nogawa Yumiko, Narita Mikuo, Nagisa Mayumi, Koike Asao, Date Saburo, Kobayashi Sachiko et Matsushita Tatsuo

Synopsis : Dans le Japon d’après-guerre, Shoizawa est le chef d’un petit restaurant, qui lui sert de couverture, puisqu’il est en réalité un assassin qui accepte des contrats contre de l’argent. Un jour, un chef Yakuza vient le voir pour lui proposer de tuer un chef rival contre 20 millions de yen.

Les tueurs, peu bavards, classes, solitaires, ça ne date pas d’hier, que ce soit à Hong Kong, au Japon, ou même en France. En 1967 justement, près de chez nous, Melville livre Le Samouraï, œuvre culte et forte avec Alain Delon qui deviendra d’ailleurs l’inspiration de John Woo lorsqu’il livra en 1989 The Killer. Et non nous ne parlerons pas de son récent remake, je ne l’ai pas vu, ce n’est pas prévu. La même année, au Japon, c’est Mori Kazuo qui s’essaye au même style en livrant A Certain Killer, ou Aru Koroshiya en Japonais, ainsi que sa suite, A Killer’s Key. Et comme chez Melville justement, A Certain Killer bénéficie, dans les faits, d’un scénario très simple, pour un résultat final qui se refuse à aller dans le simple film de yakuza, ni dans l’action bête et méchante, mais fait plutôt le choix du film hautement stylisé dans sa mise en image pour iconiser son tueur souvent silencieux, ou du moins, radin en paroles lorsque cela n’est pas nécessaire. Shiozawa est un ancien soldat, qui dans le Japon d’après-guerre, ouvre un restaurant dans une zone relativement délabrée. Dès l’ouverture, avant même que le métrage ne révèle sa principale occupation de tueur à gage, la direction artistique, la mise en scène et les choix du scénario nous fait bien comprendre vers quoi on se dirige. Un métrage où la mort est souvent silencieuse et frappe sans prévenir pour ne laisser derrière que la ruine. L’arrivée de Shiozawa, traversant un cimetière avant de louer une chambre dans un bâtiment quasiment vide, d’occupants mais aussi vide et délabré en général, avec vue sur le cimetière, juste à côté d’une usine désaffectée, donne le ton. Comme chez Melville, ou Woo, ou Wiener dans Le Flingueur pour rester dans les mêmes années, notre personnage est calculateur, n’a pas besoin de grand-chose pour vivre, et préfère le pratique au confort.

Mieux vaut une chambre vide dans un vieux bâtiment mais qui lui donne une vue dégagée avec ce cimetière et le toit de l’usine d’à côté comme possibilité de fuite. Le choix d’Ichikawa Raizô pour le rôle-titre m’aura au départ surpris, tant à 36 ans à l’époque et avec son visage jeune et beau, il n’est pas forcément l’image que l’on se fait de l’homme solitaire, calculateur et mortel, mais finalement, le choix s’avère payant et on pourrait même dire que l’acteur apporte un petit quelque chose de par sa simple présence à l’écran. A noter, s’il était très actif à cette époque, que la maladie l’emporte à peine deux ans après le tournage de A Certain Killer et de sa suite. Sa présence presque douce à l’écran (désolé, mais il a un visage de gentil à mes yeux), le tout avec des dialogues rares mais finalement écrits en font un bon personnage, crédible et intéressant à suivre. Car si le scénario est simple, c’est bien le côté stylisé du film en général et son casting qui font du film une valeur sûre du genre. Néanmoins un gros cran en-dessous d’un certain autre film Japonais du même genre sorti la même année, je veux bien entendu parler du film de Suzuki, La Marque du Tueur. Ce que A Certain Killer a pour lui, ce n’est pas l’originalité de son propos, voire le côté quasi expérimental de sa mise en scène, mais le côté sérieux et allant directement à l’essentiel que le film propose. La profondeur des personnages est là, mais seulement via des petits détails, des petits moments anodins, tandis que l’intrigue elle va à 100 à l’heure, le métrage ne dépassant que de peu 1h20. Ce qui est peu pour un tueur, une femme aimant l’argent le suivant partout (les femmes seront toujours la perte de l’homme, surtout des tueurs, et surtout quand de l’argent est en jeu), un jeune yakuza facilement impressionnable et surtout très prévisible dans ses actions, deux contrats, et établir tout ça dans le contexte de l’époque.

Mais le réalisateur Mori Kazuo y parvient en fait plutôt bien, sans en faire des tonnes, mais en livrant une œuvre courte, où tout le gras aurait été retiré, mais surtout une œuvre qui flatte la rétine, tout en restant très classique. Pas de grosse excentricité de mise en scène, pas de grosse scène d’action où tout explose pour impressionner le public, mais une mise en scène très propre, alliée avec une photographie typique de son époque (et j’adore ce look de la fin des années 60/début 70). Le tout arrive à faire passer certaines informations juste par le visuel, par des choix artistiques, et c’est ça, dans le fond, le cinéma. Se servir du média pour en dire beaucoup plus que par les mots. Et au final, si le film n’entre sûrement pas au panthéon des meilleurs films du genre, que ce soit en provenance du Japon (La Marque du Tueur gagne) ou d’ailleurs, il reste une œuvre intéressante, prenante, plus subtile qu’elle n’y paraît aux premiers abords, utilisant les archétypes de personnages bien comme il faut. S’il faudrait chipoter, oui, il y a bien cette bataille finale qui accuse un peu le poids des années… Bien entendu par contre, le film ne demandait pas de suite, mais comme toujours avec la Daiei à la production (même si c’était vrai pour tous les autres grands studios comme la Toho ou la Toei), le succès devait amener une suite, qui ne sorti d’ailleurs que quatre mois plus tard.

Les plus

Une très belle mise en scène
Le look des années 60, séduisant
Des personnages cools
Court et allant à l’essentiel

Les moins

Au même moment sortait La Marque du Tueur…
Le final un brin vieillot

En bref : A Certain Killer est un petit polar classique dans le fond, mais classieux dans la forme, qui en plus avec sa courte durée, se suit avec grand plaisir.

A FEW WORDS IN ENGLISH
THE GOOD THE BAD
♥ Very classy visually
♥ The 60s look
♥ Cool characters
♥ Short and straight to the point
⊗ But at the same time was released Branded to Kill
⊗ The finale feels a bit « old »
A Certain Killer is a classical little thriller, even if classy visually. It’s short and easy to follow, with a charismatic hitman.

3 réflexions sur « A CERTAIN KILLER (ある殺し屋) de Mori Kazuo (1967) »

  1. Intéressant, je ne connaissais pas. Comme tu le dis, pas évident de passer à la postérité quand on sort en 1967… LA MARQUE DU TUEUR, LE SAMOURAÏ… D’ailleurs quelle coïncidence, mais j’ai revu LE SAMOURAÏ hier soir ! Ça devait bien faire 25 ans… Quel film. Stylisé, sombre, super prenant, des scènes fabuleuses… juste un petit truc qui me dérange un peu dans le scénario au début mais à part ça, c’est grandiose.

    1. Pour le coup, vraiment merci à Spectrum sur ce film et sa suite, car pareil, je ne connaissais pas du tout, et la découverte fut fort sympathique, même si oui, la comparaison avec les autres films du genre de l’année ne jouent pas en sa faveur, mais on ne peut pas réinventer le genre à chaque film en même temps.
      Tu me donnes envie de revoir LE SAMOURAÎ, pour ma part je l’avais découvert assez tardivement (je n’aime pas Delon, ça m’avait toujours freiné, pareil pour LE CERCLE ROUGE, bon ben depuis j’ai les deux), enfin, tardivement oui mais il y a quand même bien 15 ans déjà, et pas revu depuis.

      1. Tiens c’est marrant, je ne suis pas fan de Delon non plus, mais… force est de constater qu’il a joué dans de grands films.

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