Titre Original : Non ho Sonno
2001 – Italie
Genre : Giallo
Durée : 1h52
Réalisation : Dario Argento
Musique : Goblin
Scénario : Dario Argento, Carlo Lucarelli et Franco Ferrini
Avec Max von Sydow, Stefano Dionisi, Chiara Caselli, Roberto Zibetti, Gabriele Lavia, Paolo Maria Scalondro, Rossella Falk, Roberto Accomero, Barbara Lerici, Guido Morbello, Massimo Sarchielli et Diego Casale
Synopsis : A Turin, un tueur assassine des jeunes filles dans des circonstances identiques à celles d’une série de meurtres perpétrés vingt ans auparavant. La police piétine et le commissaire Ulysse Moretti, qui fut autrefois chargé de l’enquête, reprend du service. Il est aidé par Giacomo Gallo, un jeune homme dont la mère fut jadis victime du meurtrier sanguinaire.
En 2001, lorsque sort Non ho Sonno, alias Le Sang des Innocents, la carrière de Dario Argento a déjà pris quelques coups dans l’aile. Son dernier métrage en date était Le Fantôme de l’Opéra, avec Julian Sands et Asia Argento, jusqu’alors son pire métrage. Ses films précédents, l’intéressant Syndrome de Stendhal et le moyen Trauma n’avaient déjà pas fait l’unanimité auprès des fans du réalisateur. Mais avec ce nouveau film, Argento revient, en revenant à ce qui faisait la base de son cinéma, devenant, ironiquement, à la fois la plus grande force du métrage, mais aussi sa plus grande faiblesse. Sa plus grande force car Argento revient au giallo, le groupe Goblin se reforme spécifiquement pour ce film et livre une excellente bande son, les meurtres sont violents et sadiques, et Argento ouvre son métrage avec une scène anthologique d’environ 10 minutes dans un train qui aura marqué les esprits. Et puis aussi car forcément, en arrivant en 2001 alors que l’on n’attendait plus grand-chose, son métrage surprend, se fait supérieur à ses précédents essais, et qu’en plus, on aura droit dans un des rôles principaux, le vieux détective à la retraite qui ne veut pas lâcher prise, à Max von Sydow. Ce qui m’aura dans le fond toujours embêté, car du coup, version Anglaise pour avoir sa vraie voix mais un doublage pour tous les autres, ou version Italienne avec ce bon vieux Max doublé mais les vraies voix de tous les autres ? Cruel dilemme. Mais donc, Le Sang des Innocents et son retour aux sources, ça devient aussi rapidement l’une de ses plus grandes faiblesses, puisque le film ne semble jamais savoir comment savoir s’éloigner du film qu’il prend pour modèle, à savoir le génial Profondo Rosso, Les Frissons de l’Angoisse. On y retrouve en effet tous les éléments clés, sauf qu’en toute objectivité, le métrage de 2001 est loin d’être aussi solide et prenant que celui de 1975.
Oui, nous aurons un mannequin d’enfant, une demeure abandonnée, et même un acteur en commun entre les deux films, qui pour ne rien arranger, revient en réalité presque pour jouer la même chose, avec même une ligne de dialogue à l’identique, ce qui rend l’hommage beaucoup trop appuyé, et force encore une fois la comparaison entre les deux œuvres. Mais donc, ce nouveau film, enfin, nouveau pour l’époque ? Turin. Après 3 meurtres dans les années 80, un mystérieux tueur, avec des gants en cuir évidemment, sème la terreur de nos jours (enfin au début des années 2000). L’enquête piétine forcément, et ce sera donc à l’ancien commissaire Moretti (Max von Sydow) avec l’aide de Giacomo, fils d’une des victime des années auparavant, de mener l’enquête et de démêler le vrai du faux pour trouver l’assassin. D’entrée de jeu, soyons clair, le métrage d’Argento, bien que bancal, n’est pas un mauvais film. Et parmi ses métrages des années 2000, il reste même son plus solide, tout en tentant des choses visuellement. Également, il reste son plus violent et sadique de ses années-là, puisqu’Argento livrera après le très soft Card Player (que je ne déteste pas), puis l’immonde Giallo, et l’immonde et rigolo par intermittence Dracula 3D. Et comme précisé, Argento a la bonne idée d’ouvrir son métrage par une séquence forte, le meurtre du train, où il utilise toutes les techniques à sa disposition pour rendre la scène hyper prenante, tendue, violente. Bref, une grande réussite, qui malheureusement, en étant placée dès l’ouverture du film, ne peut que décevoir face à ce qui suivra. Car par la suite, et le métrage dure tout de même quasiment deux heures, on alterne un Argento en forme, notamment en ce qui concerne les meurtres, ainsi qu’une poignée d’autres scènes, et un Argento plus souvent en roue libre, plus préoccupé à refaire Les Frissons de l’Angoisse. Ce qui donne un scénario bancal, abusant de raccourcis scénaristiques, des révélations un brin tirées par les cheveux, des acteurs extrêmement inégaux, et une mise en scène qui alterne donc le très bon par moment et l’incroyablement plat à d’autres.
Lorsque Argento doit filmer des personnages qui parlent dans un bar, c’est le niveau zéro de la mise en scène, avec des inserts grossiers sur le groupe jouant dans le bar, donnant l’impression du plan placé là juste pour pouvoir raccourcir sans faux raccords le dialogue en cours. L’idée de l’ancien commissaire souffrant d’Alzheimer n’est pas une mauvaise idée également, surtout que la mémoire joue souvent un rôle clé chez Argento (dans, tiens, Les Frissons de l’Angoisse par exemple), mais le traitement qui en est fait laisse à désirer, alternant moments bien vus et moments qui ne se révèlent pas passionnant, comme lorsque Max von Sydow, seule chez lui, réfléchit en parlant à son perroquet, explicitant ainsi toutes ses réflexions pour être sûr que le public suive. Le public donc, c’est un peu le perroquet, obligé d’écouter même quand on avait compris déjà. Si bien que plus de 20 ans après, en revoyant l’œuvre, on a l’impression que le métrage d’Argento est maîtrisé mais totalement bâclé, grandiose puis risible, inspiré puis photocopié. Un peu comme un film passerelle entre l’ancien Argento des années 70 et début 80 et le nouveau Argento, du milieu des années 90 à aujourd’hui. Du coup, c’est forcément attachant, c’est regardable, ça vaut clairement le coup d’œil pour plus d’une scène, et pour le plaisir de l’écoute de la musique, comportant quelques excellents morceaux. C’est un peu un vestige du passé, de ce qu’était Argento, avant. Une chose est sûre, je suis beaucoup moins enthousiaste qu’à sa sortie chez nous en Mars 2002.
Les plus
L’ouverture, magistrale
Quelques meurtres bien graphiques
Une poignée de scènes bien troussées
La musique des Goblin
Les moins
Un casting très inégal
D’autres scènes si pauvres et peu inspirées
L’hommage bien trop appuyé à Profondo Rosso
Un final un brin raté
En bref : En faisant son grand retour au giallo avec Le Sang des Innocents, Argento a presque peur de s’éloigner de son modèle, à savoir Les Frissons de l’Angoisse. Alors oui, l’ouverture est spectaculaire, le film se regarde très bien, mais il alterne beaucoup trop le réussi et le raté. Bancal, mais attachant.
A FEW WORDS IN ENGLISH | |
THE GOOD | THE BAD |
♥ The opening, just amazing ♥ A few very graphical murders ♥ Some scenes are so well directed ♥ The Goblin are back for the score |
⊗ The cast is uneven ⊗ Some scenes are pretty poor and uninspired ⊗ The tribute to Profondo Rosso, always there ⊗ The finale is a bit… well, it’s not that good |
Going back to its roots, to the giallo, with Sleepless, Argento is almost afraid to go too far from Profondo Rosso, Deep Red. Yes, the opening is fantastic, the film is entertaining, but it often goes from the magnificent to the bad. |
Encore un super article.
J’ai vu « le sang des innocents », mais je n’en ai que peu de souvenirs. Je garde tout de même le sentiment d’un bon Argento. Enfin…, d’un film pas trop mauvais. C’est intéressant ces remarques que tu fais sur le perroquet et Von Sydow. Si le perroquet est le public, l’acteur pourrait être l’allégorie du réalisateur qui peu à peu près son génie, oublie son savoir-faire.
Ça fait un moment que je me dis qu’il serait bon de revenir à Argento, de refaire sa filmographie. Tu viens d’ajouter une pièce à ma motivation.
Merci mon grand.
Je t’encourage à te replonger un peu dans Argento, même dans les bons films, mais totalement bancals comme celui-ci ou OPERA que j’ai revu il y a peu pour le montrer à un pote qui découvrait le film, on trouve des choses super intéressantes. D’ailleurs on peut relier les deux films là, puisque dans OPERA, un des personnages principaux est un réalisateur de films d’horreur qui se reconverti en réalisateur d’opéra (Et 10 ans après Argento réalise en plus LE FANTOME DE L’OPERA), qui trouve la solution pour débusquer l’assassin. Mais dans un cas comme dans l’autre, les films souffrent de gros défauts, OPERA étant visuellement le travail le plus abouti d’Argento, mais scénaristiquement un de ses pires… Pour ce SANG DES INNOCENTS, le talent est clairement là, mais quand cela semble vraiment intéresser Argento. J’ai aussi revu LE CHAT A NEUF QUEUES en HD, lui que je n’avais pas apprécié à l’époque, et je revois un peu mon verdict à la hausse, j’ai d’ailleurs un nouveau texte à poster et de nouvelles (et belles) captures.
Rien à voir par contre mais j’ai vu un excellent polar bien nihiliste de Umberto Lenzi il y a quelques jours : LA RANCON DE LA PEUR. La preuve que Lenzi aussi était un grand réalisateur avant les difficiles années 80…