Titre original : Suspiria
2018 – Etats Unis / Italie
Genre : Fantastique
Durée : 2h33
Réalisation : Luca Guadagnino
Musique : Thom Yorke
Scénario : David Kajganich
Synopsis : L’action se déroule en 1977. La danseuse américaine Susie Bannion déménage à Berlin pour intégrer la prestigieuse compagnie de danse Markos Tanz Company. Susie se perfectionne sous la direction de Madame Blanc et se lie d’amitié avec Sara.
Un remake de Suspiria, au départ une hérésie pour tous les fans du métrage de Dario Argento (que je place dans mon top 5 des meilleurs films jamais réalisés, pour vous placer un peu le niveau et ma situation), ça ne date pas d’hier. Dés 2008, certains réalisateurs ont bossés dessus, en vain. En réalité au départ, le projet devait être écrit et réalisé par David Gordon Green. Quelques conflits débarquent et finalement, tout tombe à l’eau. Le monsieur sera du coup parti sur un autre remake… enfin, je veux dire suite, avec Halloween. Un métrage sympathique, mais qui, au vu du résultat final, et bien, on se dit qu’il a bien fait de ne pas faire Suspiria. C’est en 2015 finalement qu’on entend de nouveau parler de Suspiria, du remake, avec cette fois-ci Luca Guadagnino à la barre. Il compte reprendre le même scénariste que sur son récent A Bigger Splash, remake du film français La Piscine, ainsi que le même casting, constitué de Dakota Johnson et Tilda Swinton. En 2008, Green prévoyait lui Isabelle Fuhrman (Esther) et Isabelle Huppert (qui a surpris en 2016 dans Elle de Paul Verhoeven). Bref, rien de toujours emballant à mes yeux, même s’il faut avouer que dans les deux cas, on ne se moquait pas de nous niveau casting. Puis, il y a sept mois de ça, un premier trailer débarqua sur internet, dévoilant alors beaucoup plus du film dont personne n’entendait alors parler. Visuellement, Guadagnino avait fait un choix radical pour s’éloigner totalement du film original, le casting semblait bon et contenait aussi Mia Goth (Nymphomaniac, A Cure for Wellness), Chloë Grace Moretz (Kick-Ass), Thom Yorke (Radiohead) signe une bande son semblant énorme, et surtout, le film fait le choix de la relecture et non du remake. Immédiatement, Suspiria m’intéressait beaucoup plus. Surtout qu’au moment de sa sortie, il faut bien avouer que les sorties de cinéma de genre n’étaient pas folles, entre un Halloween par David Gordon Green sympathique mais pas inoubliable, et un The Predator lorgnant plus vers la comédie que l’actionneur de SF comme les originaux.
Et finalement, avec beaucoup de retard, je l’ai vu ce Suspiria de Luca Guadagnino. Et il faut bien avouer que le métrage n’est pas facile à encaisser. Suspiria 2018 est limite l’antithèse de Suspiria 1977. Il en reprend le point de départ, quelques scènes éparpillées ci et là, et puis… c’est tout, il décide ensuite de faire quelque chose de différent. Et il décide de le faire de manière totalement radicale, quitte à se mettre une partie du public à dos, et d’en faire applaudir et jubiler une autre partie. Alors, avant de parler du film et de mon ressenti devant celui-ci, parlons rapidement du jeu des sept erreurs entre l’original et cette nouvelle version. Oui, nous suivons toujours Suzie, une danseuse Américaine qui arrive à Berlin (Fribourg dans l’original) pour rejoindre une école de danse. Jessica Harper est remplacée par Dakota Johnson. Oui, elle arrivera toujours à l’école sous la pluie, la principale professeure est toujours Madame Blanc, elle se lira toujours d’amitié avec Sarah qui sera dans la chambre d’à côté, il y a toujours des sorcières, et puis c’est tout. Au-delà de ces éléments, Suspiria version 2018 est un métrage totalement différent. Et du coup, ni moins bon ni meilleur (même si je préfère l’original d’Argento sans hésiter), mais on pourrait presque dire que les deux films se complètent. Suspiria 1977 mettait en avant son visuel surréaliste, ses couleurs vives, le tout avec 1h30 au compteur, et au final, son scénario minimaliste était secondaire. Suspiria 2018 choisit un visuel beaucoup plus terne, délavé, accorde plus d’importance à son histoire et son contexte (Berlin en 1977), et dure 2h30, rien que ça. L’orientation est radicalement différente, on le sent dés le début, puisque Suspiria 2018 semble même nous raconter des choses différentes, comme si le film de Argento mettait 15 minutes avant de débarquer dans le récit, pour partir relativement vite également et laisser ce « remake » voler de ses propres ailes. Découpé en six actes plus un épilogue, Suspiria nous raconte donc les aventures de Suzie qui débarque à Berlin pour auditionner et rejoindre une école de danse. Immédiatement, on comprend que Guadagnino veut étendre l’univers et lui donner un peu plus de chair. Car le Argento était visuel, et son fond était au final d’une simplicité extrême. Le contexte de Berlin en 1977 a donc une plus grande importance pour poser une ambiance lourde (la guerre froide, la ville coupée en deux, les attaques dans la ville), on trouve à côté le personnage d’un psychanalyste qui reviendra souvent dans l’intrigue et passera souvent de l’Est à l’Ouest de Berlin. Mais le plus gros ajout de cette nouvelle version de Suspiria, c’est la relation que Suzie va entretenir avec Madame Blanc (Tilda Swinton).
Madame Blanc passe de femme autoritaire et plutôt en retrait finalement psychologiquement parlant dans le film d’Argento à figure importante et surtout centrale du film de Guadagnino. Sa relation avec Suzie sera même très intéressante et assurément l’un des points forts, passant d’une relation mère et enfant, professeur et élève, voir parfois maître et esclave. La maternité est au cœur du récit (Mais bon, avec en sorcière la Mère des Soupirs, rien d’étonnant à ces degrés de lecture). Il faut de ce fait saluer les prestations à la fois de Dakota Johnson, prouvant une nouvelle fois qu’en dehors de Cinquante Nuances de Grey, la dame a beaucoup de talent, et celle de Tilda Swinton, dans un double rôle d’ailleurs. Beaucoup d’ailleurs parmi les détracteurs de ce nouveau Suspiria auront rallés sur les nombreuses sous intrigues qui ne semblent mener à rien en dehors de la relation entre les deux personnages. Il me semble, et cela n’est que mon ressenti, que ce qui entoure l’intrigue de base et ses deux personnages ne sont là que pour donner de l’épaisseur et de la véracité à l’ensemble, et poser l’ambiance, plutôt que d’être des points centraux qui méritent une conclusion. L’agitation à l’extérieur, le climat hostile de Berlin de ces années là, cela revient souvent, mais au final, cela ne sert qu’à poser le climat du film. Il est vrai cependant que certaines scènes incluant le psychanalyste, bien que des moments centraux du récit, trainent par moment quelque peu en longueur. Mais Suspiria doit être un film d’horreur avant tout. Est-ce qu’il remplit son contrat à ce niveau, ou tente-t-il de s’éloigner des conventions comme le faisait le film d’Argento en son temps, d’ailleurs plus souvent considéré comme une œuvre d’art expressionniste que comme un véritable film d’horreur ? Fort heureusement, Suspiria 2018 est à la fois un film d’horreur, contenant quelques scènes graphiques radicales, mais un film qui veut surtout nous happer dans son ambiance assez unique plutôt que de suivre également les conventions de son époque (aucun jumpscares, un rythme posé). C’est tout à son honneur. Heureusement en tout cas, le film ne recule pas devant beaucoup de choses lorsqu’il doit plonger dans son sujet, que ce soit dans la violence (voir la scène de danse, rarement des os brisés ne m’auront fait aussi mal), ou même dans la sexualité (il y a par moment pas mal de nudité).
Je salue donc totalement l’effort du metteur en scène dans cette recherche de radicalité, et d’être du coup allé au fond de ses idées. Il croyait en son projet, et il a sans aucun doute réussi à transmettre tout cela à son équipe. Comme déjà précisé, les actrices sont excellentes dans leur rôle pour la plupart, le score musical de Thom Yorke, sans parvenir au même niveau que celui des Goblin, est excellent, et tout le monde semble s’être totalement investis dans le projet. Les différents sujets abordés au cours du récit sont plutôt habiles et donnent beaucoup d’épaisseur à l’œuvre dans son ensemble, et on pourrait même dire que le psychanalyste, absent du film original, est clairement au centre du récit. Par contre, j’admets bien volontiers ne pas encore savoir quoi penser de son final. Ou du moins, de son sixième chapitre et de son épilogue, qui s’éloignent encore plus du métrage original pour avoir leur propre signification, leur propre univers, et ça, je le salue encore une fois. Les sorcières sont ici totalement différentes, et le film au final préfère parler de thèmes tels que le temps qui passe, les conflits et l’oubli (d’où le choix du lieu de l’action et de son époque, et d’où le personnage du vieux psychanalyste). Mais sa proposition est si radicale que j’en viens à me demander encore une fois si au final cela fonctionne ou pas pour ce final ! Si ce moment qui semble tant diviser le public est plus digne du Argento de 1977 (Suspiria donc) ou de celui des années 2007 (Mother of Tears, sic !). Mais ce final, dans le fond du moins, amène des thématiques hautement intéressantes pour qui prendra le temps de comprendre. Que cela fonctionne ou pas (certaines personnes trouvent le final ridicule et n’ayant aucun sens), il marque les esprits, et va continuer de m’interroger, et ce jusqu’à une seconde vision. Car au final, ces films plutôt radicaux, qui ne ménagent pas le public, et bien que l’on apprécie ou pas, ils sont bien plus intéressants, et survivent au temps qui passe, dévoilant de nouveaux secrets, ou changeant parfois notre avis sur eux, en négatif comme en positif. Et surtout, ce Suspiria, il semble suivre la voie des remakes qui tentent de nouvelles choses, comme dans les années 80, quand Carpenter signait un The Thing très différent, et Cronenberg un La Mouche tout aussi différent.
Les plus
Pas un remake mais une relecture
Techniquement très joli
Dakota Johnson et Tilda Swinton épatantes
Un propos intéressant
Une proposition de cinéma radicale
Les moins
Le final, qui m’interroge
Mais je préfère le surréalisme de l’original
En bref : Suspiria s’éloigne radicalement du film original, et d’ailleurs, il est assez radical dans tout ce qu’il entreprend. Radical au point où j’ignore totalement si j’ai aimé ou non son final. Mais j’ai adoré sa proposition de cinéma, ses nombreux choix, son ambiance.
Magnifique affiche pour un film qui ne manque pas d’atouts visiblement. Guadagnino est un cinéaste qui n’en manque pas, assurément, déjà auteur d’un des plus beaux titres de l’année passée. Je ne manquerai pas de suspirer lorsque viendra enfin mon tour d’entrer dans la danse.
Ah mais en réalité je pensais que tu l’avais déjà vu également, et que tu attendais mon avis pour débattre dessus. Le débat pourrait être enflammé, vu que le film divise autant que Mother! l’année précédente 😉
Je n’ai pas encore vu les précédents métrages de Guadagnino, même si je sais qu’apparemment Call Me By Your Name est magnifique (mais je ne l’ai pas…). Par contre, j’ai A Bigger Splash qui m’attends et j’admets que ça me motive à me lancer.
Eh non désolé, je ne l’ai pas vu, et je suis bien heureux d’avoir ton avis positif. Par contre, j’ai vu et chroniqué Call me by your name que je te recommande chaudement.
Pas vu Mother non plus (je suis largué depuis bientôt 3 ans sur l’actu ciné), ni Mother of Tears d’ailleurs que j’ai toutefois en DVD depuis un bail.
J’attendrais bien sagement ton avis alors pour pouvoir débattre sur ce final qui divise et déchire les foules. Je vais voir si je peux le trouver pas trop cher Call me by Your Name pour venir donner mon avis sur ta page 🙂
Mother je te le conseille aussi, une autre proposition de cinéma radicale, et un brin prétentieuse il est vrai (pour ça que je comprends les avis qui détestent, car dans le fond, et bien tout le monde a raison). Mais je te rassure je suis en retard aussi sur pas mal de films. Chaque fin/début d’années, je me fais une session des films de l’année en cours ou venant de se terminer pour éviter d’avoir trop de retard. Mais entre ça, les classiques que je me dois de voir/revoir, les films inédits chez nous, les petits films… Mother of Tears ahahah ! Je comptais le revoir, ayant revu Inferno l’année dernière, mais bon, faut la motivation, même si certains moments sont sympas et d’autres font rires, ça reste vraiment pas terrible, et surtout un brin vulgaire dans sa représentation des sorcières de nos jours.
Je me ferai bien la trilogie tout même, peut être lors de mes prochaines vacances (il faut digérer tout ça) le tout éclairé par la récente autobio du père Argento que j’ai aussi sous la main.
Dans le genre Argento fin de race, j’ai aussi Giallo à voir, que l’on dit calamiteux au possible.
Après je pense que la trilogie peut-être intéressant en petit marathon. Même si déjà Inferno, je le trouve inférieur, trop proche de Suspiria dans son visuel en fait (et je hais la scène des chats, mais c’est personnel ^^ )
Oula Giallo, mais évite le, sans doute son pire. Chiant du début à la fin, à une scène près, même pas drôle comme un Dracula 3D, OST mauvaise (alors que Card Player a par exemple une excellente OST), des acteurs qui savent pas ce qu’ils font là… Rien à en sauver.