Titre original : Dark Waters
1994 – Angleterre / Russie
Genre : Fantastique
Durée : 1h34
Réalisation : Mariano Baino
Musique : Igor Clark
Scénario : Mariano Baino et Andrew M. Bark
Avec Louise Salter, Venera Simmons, Mariya Kapnist, Lubov Snegur, Albina Skarga, Valeriy Bassel et Pavel Sokolov
Synopsis : Après le décès de son père, Elizabeth se rend sur une île où se trouve un couvent, couvent auquel son père envoyait une certaine somme d’argent tous les ans. Mais les lieux ne sont pas si amicaux que ça.
Dark Waters, voilà un film totalement oublié de nos jours. Tout comme son réalisateur, l’italien Mariano Baino, qui au-delà de ce film, n’aura signé qu’un autre métrage sorti dans l’anonymat le plus complet des années plus tard, et des courts métrages. Il faut dire qu’en remettant le film dans son contexte, Dark Waters n’a au départ pas grand-chose pour attirer. Sauf que contrairement à ce que je pensais avec son ambiance et son réalisateur, Dark Waters n’est pas un film totalement Italien, mais une coproduction entre l’Angleterre et la Russie. Mais voilà, en 1994, le cinéma Russe n’était pas ce qui attirait le plus, quand au cinéma Italien, il était mort depuis le milieu des années 80. Et malgré quelques surprises, l’année 1994 nous avait tous focalisé sur un autre métrage Italien, tout aussi surprenant et poétique, à savoir Dellamorte Dellamore de Michele Soavi. Dark Waters, malgré une édition DVD collector en France, est passé inaperçu, n’a pas été vu par beaucoup, et est oublié aujourd’hui. Et pourtant, si sur le papier, ça reste plutôt classique, à l’écran, Dark Waters (on ne confond pas avec Dark Water de Nakata svp) a beaucoup à proposer, et surtout semble vouloir être un mix au départ improbable entre l’expressionnisme Allemand des années 20, le pur cinéma surréaliste Italien des années 70 et l’univers cher à mon auteur préféré, à savoir H.P. Lovecraft. Un métrage que le réalisateur aura eu toutes les difficultés du monde à terminer, la faute à une production chaotique (intempérie, lieux de tournage qui ont du être changés au dernier moment, une partie de l’équipe qui ne parlait pas Anglais, un créateur d’effets spéciaux qui se barre en plein tournage, des scènes changées au dernier moment).
Bref, une production compliquée, pour un résultat dans le fond également compliqué, Mariano Baino faisant le choix de livrer sa vision sans concessions, quitte à laisser à la porte les spectateurs qui ne souhaitaient qu’un simple film horrifique. Sauf que Baino livre bien plus, il livre un film poétique, et un film avant tout visuel, où la profondeur de son récit sera cachée derrière le symbolisme des images. Car en soit, ce que Dark Waters raconte est extrêmement simple sur le papier. Elizabeth se rend dans un coin paumé pour voir un couvent sur une île coupée du monde (et bien entendu, sans électricité, ni téléphone), couvent auquel son père envoyait tous les ans une importante somme d’argent. Et durant toute sa première partie, on se rend compte très rapidement des influences du réalisateur, ou plutôt des œuvres qui l’auront marqué et auxquelles il aura voulu rendre hommage. Du cinéma Italien, on trouve ici assurément la patte de Dario Argento et de Mario Bava à plusieurs reprises. On pourrait même dire que le choix du film d’être avant tout visuel et d’économiser au maximum les dialogues rappelle clairement Suspiria et Inferno d’Argento. Tout comme son utilisation de la symbolique. Certains plans ainsi que certains jeux d’ombre rappellent clairement le cinéma expressionniste Allemand, comme le cinéma de Murnau dans les années 20. On trouvera même un peu de Fulci ici, avec des nonnes, quelques scènes sanglantes. Mais c’est surtout auprès de Lovecraft que Dark Waters va chercher ses plus grandes inspirations. Un culte étrange, un lieu coupé du monde, des créatures étranges, un monde cauchemardesque, des lieux souvent sous la pluie, des personnages étranges qui parfois se nourrissent de poisson. Oui, la nouvelle Le Cauchemar d’Innsmouth semble avoir été une grande inspiration pour Mariano Baino, et cela s’en ressent jusqu’à certaines révélations finales, et bien entendu certains aspects de son histoire.
Est-ce que ces multiples influences fonctionnent maintenant, et est-ce que le réalisateur parvient à les digérer ? Et bien malgré quelques petits défauts, ça fonctionne du tonnerre. Pour peu que l’on adhère à l’ambiance d’ailleurs, Dark Waters se révèle être une petite merveille, en jouant quasi intégralement sur l’ambiance et le silence durant sa première heure, étant avare en informations, avare en dialogues, mais techniquement très travaillé, toujours un délice pour les yeux, avec de splendides effets de lumière, des plans très travaillés, et une ambiance parfaite créé à la fois par le visuel et par la musique, signée Igor Clark (bien que parfois, sa bande son s’emballe, comme le souligne le générique de fin). Ce couvent sur une île perdue, l’arrivée d’Elizabeth (très mignonne Louise Salter) de nuit sous la pluie, les teintes parfois bleutées de la photographie (cliché des années 90 ?), ces notes d’ambiance lourde en arrière plan. Oui, Dark Waters est résolument un film d’ambiance, qui pourra nécessiter un certain investissement de la part du spectateur, mais qui en vaut la peine Même lors de la dernière demi-heure, plus sanglante et démonstrative, le réalisateur fait preuve d’un certain savoir faire, surtout avec tous les soucis de tournage qu’il a eu, pour ne pas rendre certains éléments ridicules, tout en étant plus démonstratif. Il se permettra même de conclure son œuvre par un petit hommage bienvenue à Fulci et son œuvre culte, L’Au-Delà. Malgré tout, oui, Dark Waters n’est pas pour tout le monde, pour son approche beaucoup plus surréaliste et visuelle de son histoire, préférant l’ambiance à l’histoire, le ressenti à la cohérence.
Les plus
Visuellement sublime
Excellente ambiance
Des scènes marquantes
Les influences (Argento, Fulci, Lovecraft)
Les moins
Quelques moments trahissent la production difficile
Un film exigeant pour le spectateur lambda
En bref : Ce premier métrage de Mariano Biano est une réussite formelle, avant tout visuelle. Il privilégie l’ambiance et le ressenti au détriment d’une narration plus classique et simple, et parvient à livrer une œuvre forte malgré toutes ces influences.
Je kiffe cette chronique, et me mets sans plus tarder en quête de ces nonnes impies et de leur culte inavouable.
Je pense que l’édition française double dvd doit se trouve assez facilement d’ocaz, en espérant juste que les vendeurs n’en profitent pas pour gonfler les prix vu que le film est une curiosité peu connue du grand public.
Sinon il te reste l’édition US en Blu-Ray, avec sous titres anglais optionnels si besoin.
J’ai qu’elle etait vendue à un prix abordable. Je le mets dans mon panier.
Merci du conseil.
De rien 😉 Ça fait deux mois que je voulais en parler mais j’ai un peu trainé à faire les captures au final. Erreur réparée. J’espère pour toi que le dvd est de bonne qualité (et si possible avec quelques bonus, ceux de l’édition US sont très intéressants).
Je te dirai qu’à d je l’aurai (vu)
« quand »
Désolé pour le correcteur
Hâte d’avoir tes retours, ou mieux, un bien joli article sur le film 😉
Bien d’accord avec toi. « Dark Waters » est une pépite baroque et cauchemardesque (avec de jolies références à Lovecraft dedans), qui plus est très chiadée visuellement. Sinon, outre « L’Au-Delà » de Fulci, je trouve que la fin doit aussi beaucoup à celle du très très bon « La Sentinelle des maudits » de Michael Winner (1977)… À ne pas confondre donc, avec le « Dark Water » de Nakata ni avec un rejeton de la sharksploitation fréquenté par Lorenzo Lamas et lui aussi intitulé… « Dark Waters »!
Dans les bonus du beau Blu-Ray US édité par Severin, Mariano Baino parle beaucoup de l’influence de Lovecraft sur son oeuvre et en particulier ce film, une interview est même dédiée à ce sujet 🙂
Oh, je ne savais même pas qu’il y avait un Dark Waters avec des requins…. et Lorenzo Lamas… Mais ce genre de métrages, j’ai eu ma dose à une certaine époque, maintenant je préfère les fuir.