REAL (リアル〜完全なる首長竜の日〜) de Kurosawa Kiyoshi (2013)

REAL

Titre original : リアル〜完全なる首長竜の日〜 – Riaru〜Kanzen naru shuchō ryū no hi〜
2013 – Japon
Genre : Fantastique
Durée : 2h07
Réalisation : Kurosawa Kiyoshi
Musique : Haneoka Kei
Scénario : Kurosawa Kiyoshi, Tanaka Sachiko, Inui Tokurô et Matsuzawa Kazumi

Avec Satô Takeru, Ayase Haruka, Aoki Ryohei, Kawashima Ririka, Odagiri Joe, Sometani Shôta et Nakatani Miki

Synopsis : Koichi et Atsumi sont amis depuis leur rencontre à l’école primaire. Ils vivent ensemble depuis qu’Atsumi est venu à Tokyo pour être mangaka. Koichi, professeur dans un club de sport, se plaint qu’Atsumi ne pense qu’au manga et à ses délais à tenir. À la suite de la tentative de suicide d’Atsumi, elle est plongée dans le coma. Les neurochirurgiens, pour l’obliger à sortir de cet état, ont inventé un protocole médical qui permet d’entrer dans l’inconscient d’Atsumi grâce à des ondes électromagnétiques. Koichi est la personne la plus compatible pour s’immiscer dans les pensées de son amie, comprendre son geste et la faire sortir du coma.

Real est un film de Kurosawa Kiyoshi qui m’aura toujours intéressé depuis sa sortie, et pourtant, j’aurais pris le temps de le voir depuis sa sortie en France, pas loin de six ans. Mieux vaut tard que jamais on dit. Pourquoi tant d’attentes ? Serais-ce la peur d’être déçu face à un sujet qui semblait prometteur, un réalisateur qui je savais aller aborder le sujet de manière différente du cinéma commercial mais un réalisateur dont je ne suis pas totalement fan, ou bien le fait que l’on se retrouve avec Ayase Haruka dans le rôle principal ? Possible, sans doute un peu des trois, et surtout le dernier point, tant l’actrice qui est surtout connue pour avoir fait un nombre incalculable de drama ne convint que rarement au cinéma. Non pas qu’elle soit mauvaise, mais elle a une image beaucoup trop clean, lisse, qui est souvent en contradiction avec les rôles tenus, avec ce que l’on peut attendre des métrages. Et puis parfois, elle joue simplement dans des mauvais films (oui, je pense à toi oh The Incite Mill de Nakata Hideo). Et si je n’ai pas détesté Ichi au même niveau qu’un certain Oli, je me dis que ça aurait pu être bien plus, bien mieux. Mais revenons à Real donc. Ici, il est question de coma, et d’une machine permettant de rejoindre la personne dans son inconscient pour tenter de la guérir et de la sortir de son état comateux. Ayase Haruka est la personne dans le coma, dés le début du film. Son ami Koichi, joué par Satô Takeru va donc faire le grand saut pour la rejoindre et tenter de la guérir. Quitte à se perdre dans cette autre réalité ? Quitte à se perdre entre les deux ? Quitte à ne plus faire la différence entre les deux ? Ou bien peut-être un peu des trois ? Un sujet en or pour Kurosawa, qui adore aborder des sujets souvent à la lisière du fantastique de manière presque naturaliste la plupart du temps. Est-ce que ça marche ? Plutôt bien au final, même si on pourra émettre quelques réserves sur certains aspects.

Mais dés le lancement du film, on est surpris et finalement quasiment happé par son concept, filmé de manière si simple, si simple qu’il en est crédible et réaliste. Là où beaucoup tenteraient d’en mettre plein la vue, de styliser le concept pour avoir un visuel accrocheur au plus grand nombre mais qui perd alors de son réalisme, Kurosawa lui fait le choix opposé, encre son film dans notre réalité, dans notre époque, dans notre technologie. Se dégage donc du métrage une certaine étrangeté du quotidien, l’étrange étrangeté comme on aime dire. Ou un petit garçon dans un ascenseur, une ombre qui n’en est pas une, un effet de flou volontaire dans la mise en scène vient nous mettre le doute et les jetons plus que n’importe quel jumpscare, puisque l’on vient à douter de ce que l’on voit, ou de ce que l’on est censé voir. À chaque voyage de notre héros dans l’inconscient de sa dulcinée, les choses changent, le décors s’adaptent aux sentiments et émotions des personnages, troublés et hantés, perdant pieds, devant résoudre leurs problèmes à la fois dans la réalité et dans cet inconscient, l’un n’étant que le reflet de l’autre. Les décors changeant subtilement au fur et à mesure, ces quelques visions d’horreur survenant brusquement mais disparaissant aussi rapidement qu’elles apparaissent, cette ambiance lourde, avec cet appartement grisâtre, ces lieux désincarnés, ces personnages sans doute un poil désincarnés également. Et malgré son concept, Kurosawa n’abuse pas des effets spéciaux, et encore moins des CGI. Au départ, certains m’auront même un peu choqué la rétine, tant leur utilisation semble étrange. Pourquoi utiliser un fond vert pour une scène en voiture et le rendre aussi voyant alors que l’on tient là un concept à la frontière de la science fiction ? Finalement, la réponse est toute simple, c’est la réalité que Kurosawa semble questionner.

Pas pour rien que durant la première partie, la plupart des éléments dits troublants apparaissent avant tout dans ce que l’on considère comme la réalité. Le passé trouble des personnages et leur vécu, ainsi que leur travail (mangaka pour la jeune femme) influant sur ce qu’il se passe. Le dessin est au cœur du récit, par le travail, mais également par le passé (un dessin donné très jeune par la jeune femme à son ami). Kurosawa signe tout ça, signant une mise en scène et réussie. Et par la suite, les CGI s’invitent un peu plus dans le récit, mais plus pour le servir qu’autre chose, ce qui est encore une fois tout à son honneur. Real, film parfait et intelligent sur son sujet ? Malheureusement, malgré l’approche du réalisateur et sa réelle maitrise de la mise en scène, tout n’est pas parfait dans Real. Du haut de ses presque 2h10, on pourra lui reprocher quelques longueurs, car comme d’habitude, Kurosawa prend son temps, et son fameux twist, je l’ai malheureusement un peu vu venir. Avouons le, c’est dommage ça. Et puis il y a Ayase Haruka. Encore une fois, pas totalement mauvaise, mais un peu trop lisse pour un rôle se voulant torturé et devant afficher une certaine palette d’émotions, notamment dans la seconde partie du métrage. Dommage vu les autres acteurs autour d’elle, excellents. Rien qui ne fasse couler le navire de Kurosawa, tant il semble maîtriser stylistiquement son sujet, mais tout de même dommage. Car du coup, Real est très bon, mais aurait pu être excellent.

Les plus

Une mise en scène appliquée
Le concept
L’étrangeté de certaines images
Beaucoup de bons acteurs

Les moins

Un poil trop long
Ayase Haruka, un peu lisse

En bref : Entre science fiction et pur film fantastique, Kurosawa manie l’étrangeté au quotidien de bien belle manière. Son métrage n’est pas parfait, et sans doute pas son meilleur, mais il dégage vraiment quelque chose.

6 réflexions sur « REAL (リアル〜完全なる首長竜の日〜) de Kurosawa Kiyoshi (2013) »

  1. Content de voir une bonne chronique d’un film que j’apprécie, moi aussi. Les fantômes de Kurosawa sont définitivement à part… Quant à Ayase Haruka… Oui je l’ai trouvée trop lisse, même dans ICHI. Je n’aime pas du tout cette actrice (attention je dis bien « actrice », je n’ai rien contre la personne). Mais elle est aussi prisonnière d’un système (dont elle profite allégrement donc on pourrait parler de prison dorée), celui des studios japonais et de la dictature de la télé. En gros, parce qu’elle privilégie les cachets de la télé (drama et surtout pubs elle est partout même dans le métro Ayase : elle multiplie les cachets pour les JO par ex), elle ne peut pas écorner son image au cinéma. Du coup, moi oui : sa présence m’a gâché plus d’un film. Toujours bien coiffée, polie, ongles manucurés, jolie comme un cœur même dans un jidai-geki comme ICHI… En gros quand tu as Ayase Haruka dans un film, c’est presque un spoiler d’entrée : tu sais que son personnage sera « encadré », « propre »… Quand je vois les prises de risque d’une actrice comme Koike Eiko par exemple, elle aussi issue du « mannequinat/idolu », je me dis que finalement, Ayase doit bien s’y sentir, dans sa prison dorée. Elle n’a pas l’air de faire beaucoup d’efforts pour s’en extirper.

    1. Finalement, plus de choses à dire sur Ayase Haruka que sur le film lui-même, qui est du bon Kurosawa, et pour les connaisseurs de son style, presque un Kurosawa « classique » (pas au sens péjoratif du terme hein).
      Dans ICHI, oui, elle est lisse, comme toujours en fait nous sommes d’accord. Mais de mémoire, ça t’avait totalement gâché le film. J’avais malgré tout réussi à l’apprécier, malgré ce gros défauts, et aussi quelques cabotinages en trop de Takeuchi Riki, même si ce n’était rien à côtés de BATTLE ROYALE 2 ou TOKYO TRIBE. Je pense que tant que ça marchera bien pour elle dans cette direction de carrière là, elle ne ressentira jamais le besoin de briser son image, de prendre des risques. Par contre le jour où nous la verrons à l’affiche du prochain film de Nishimura, là on pourra espérer. Mais je rêve je pense haha.

        1. Si tu savais pourtant à quel point j’ai galéré pour écrire sur le film, pour trouver les mots, avoir un texte qui ne fasse pas 10 lignes. Je suis dans le même cas maintenant pour CURE, que j’adore, mais j’ai du mal à en parler.

  2. Vu en salle (6 ans déjà!). Tres belle chronique pour ce Kurosawa que j’ai bien aimé, sans avoir adoré. Pas très fan du dino final par exemple. Mais tout le début est excellent.

    1. Ce n’est pas son meilleur il est vrai. Ma préférence va vers CURE. Il était très facile de tomber dans le ridicule avec le dinosaure final, mais il l’évite totalement. C’est un choix qui peut rebuter oui, mais qui passe je trouve. On s’éloigne juste de la sobriété et de la simplicité du début.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *