Titre original : Furiizu Mii – フリーズ・ミー
2000 – Japon
Genre: Horreur
Durée : 1h41
Réalisation : Ishii Takashi
Musique : Yasukawa Goro
Scénario : Ishii Takashi
Avec Inoue Harumi, Tsurumi Shingo, Kitamura Kazuki, Matsuoka Shunsuke et Takenaka Naoto
Synopsis: Chihiro a été victime d’un viol collectif. Cinq années la sépare aujourd’hui de cet enfer pour une réalité plus doucereuse. Employée de bureau et amoureuse de son collègue de travail, monsieur Nogami, elle est devenue une femme accomplie. Un jour, alors qu’elle rentre des courses, l’un des auteurs du viol l’attend à l’entrée de son appartement…
Le cinéma japonais est capable de tellement de choses, dans des genres très différents, et avec des histoires toujours très différentes. Si le spectateur lambda connaît le cinéma japonais pour une raison, ce sera sans doute pour les films du style Ring, et depuis, pour les adaptations de manga. Les films de fantômes sont en effet ce qui s’exporte le mieux chez nous, même si depuis, certains metteurs en scène connus parviennent à s’exporter plus ou moins facilement (Miike, Tuskamoto). Mais beaucoup restent encore dans l’ombre. Freeze Me fait partit de cette dernière catégorie, au sujet choc, d’actualité, et qui reste inconnu par chez nous. A tort. Car si le métrage aborde des thèmes tabous, il parvient progressivement à se détacher de la dureté en quelque sorte demandé par son sujet, pour se rendre plus accessible, tout en évitant le ridicule, chose tellement facile de nos jours. Freeze Me parle donc du viol collectif. Dans un premier temps, le metteur en scène et scénariste, Ishii Takashi, préférera ne pas montrer, voir sous-entendre cet acte de violence gratuite ayant eu lieu dans le passé proche de l’héroïne, Chihiro. Cela renforcera l’effet ressenti lorsque le passé de Chihiro arrivera de plein fouet dans le visage du spectateur, et permettra ainsi également de s’apercevoir de la grande rigueur d’écriture et d’interprétation du métrage. Le réalisateur va d’ailleurs utiliser dans tous ses aspects le thème du froid : dans sa mise en scène, froide, dans les décors, les éclairages, mais également par la météo lors du viol ayant eu lieu 5 années auparavant, et plus tardivement dans le métrage, par l’histoire même. Freeze me peut donc être découpé en deux parties distinctes, une dure et réaliste, une beaucoup plus fictionnelle.
Dans un premier temps, nous faisons la connaissance de Chihiro. Future mariée, elle semble vivre une vie heureuse dans une grande ville, employée dans un bureau, elle a tout pour plaire. Mais sous ses apparences de femme heureuse et accomplie, la jeune femme porte avec elle son passé, qu’elle s’efforce d’oublier, et surtout, de cacher aux autres, pour ne pas être mal vue, et surtout, pour se permettre d’oublier plus facilement l’acte donc elle a été victime. Mais un tel acte peut-il s’effacer, s’oublier ? Comme tout le monde s’en doutait, le passé de Chihiro va finir par la rattraper, afin de la ramener à la sombre et triste vérité. Hirokowa, une des personnes l’ayant violée, est devant chez elle. Chihiro tentera tant bien que mal de fuir cet individu qu’elle tente de l’oublier, mais l’homme va finir par la rattraper. Il lui aura fallut 5 ans pour retrouver sa trace. En quelques instants, ces 5 années, dures psychologiquement pour Chihiro, tous ses efforts, se retrouvent brisés, pour la ramener à la vérité, encore plus dure, psychologiquement, mais également physiquement. Hirokowa prendra ses aises, et parviendra à rester dans l’appartement de la jeune femme en faisant du chantage (vidéo du viol, photographies laissées dans les boites aux lettres de ses voisins, violence physique). Encore une fois, la froideur de la mise en scène et du personnage font mouche, et parviennent à mettre rapidement mal à l’aise. L’interprétation de Chihiro, tout en nuance, parvient à rendre le personnage humain, et surtout réaliste, convainquant, et on parvient sans peine à imaginer la situation et la torture mentale que cela représente pour elle. D’autant plus que ses deux autres violeurs sont en route pour la retrouver également, et que son couple va alors se briser. La jeune femme ne parvient pas à gérer la situation, prise entre la peur, le regret, et rapidement, un tourbillon de violence.
Puis le réalisateur, sans doute conscient de son sujet, du réalisme, et du malaise pouvant se dégager de son œuvre, effectue une rupture du ton, pour envoyer son métrage dans la fiction pure, le film d’horreur en quelque sorte. Mais il parvient à éviter dans cette seconde partie le ridicule. Chihiro, perdant pied avec le réel, va alors assassiner Hirokowa dans une scène d’une violence rare. Elle deviendra à son tour le bourreau, mais néanmoins, si elle peut y prendre lors de ces attaques un plaisir malsain de vengeance, elle aura du mal à vivre avec ses actes sur le dos. La scène suivant le premier meurtre sera donc le parfait exemple, entre réalisme, film d’horreur pur, et interprétation judicieuse. Vivre avec un tel acte sur le cœur, ce n’est pas facile, tant à vivre, qu’à accepter. Mais dans sa folie, et la recherche du réalisateur dans tout ce qui touche au froid, Chihiro cachera le corps dans un congélateur. Le thème du froid, déjà présent par des éléments de mise en scène, se retrouve alors au premier plan de l’histoire, dans une seconde partie plus surréaliste, fictionnelle, mais fonctionnant parfaitement, avec ses temps forts et ses notes plutôt justes. Mais Ishii Takashi parviendra à faire bien plus lors de son final, dont il laissera l’interprétation aux spectateurs. Un petit coup de maître, qui peut donner froid dans le dos, de part l’interprétation que l’on en a. Cependant, selon ce que l’on en pense, la boucle est bouclée, et on ne ressort pas indemne du métrage, maîtrisé, froid, calculateur, parfois réaliste, mais surtout cruel.
Les plus
Cruel
Deux parties qui fonctionnent
Le thème du froid parfaitement exploité
Les moins
Peut-être un peu simpliste dans son développement (bien qu’intéressant)
En bref : Freeze Me est une franche réussite, très dure, mais toujours dans le bon ton, malgré une rupture en milieu de récit pour laisser place à une histoire plus classique de vengeance.
Un de mes futurs achats ! J’ai découvert Ishii Takashi avec le film « Gonin » (vu il y a quelques jours et totalement adoré)
Ta critique me conforte encore plus dans mon avis. Merci !