THE WOMAN de Lucky McKee (2011)

THE WOMAN

Titre original : The Woman
2011 – Etats Unis
Genre : Horreur
Durée : 1h41
Réalisation : Lucky McKee
Musique : Sean Spillane
Scénario :  Lucky McKee et Jack Ketchum d’après leur roman

Avec Pollyanna McIntosh, Carlee Baker, Shana Barry, Marcia Bennett, Angela Bettis et Sean Bridgers

Synopsis : Un père de famille à l’apparence tout à fait normale découvre lors d’une partie de chasse en forêt une femme vivant à l’état sauvage. Il finit par la capturer et la ramène chez lui où il l’enferme dans son garage. Avec l’aide de sa femme et de ses trois enfants, il va tenter de l’éduquer.

Lucky McKee, on n’en avait plus beaucoup entendu parler. Révélé en 2002 par l’excellent May avec Angela Bettis dans le rôle titre, la suite de sa carrière aura été dans l’ombre, entre un épisode de Masters of Horror en 2006 et quelques films oubliés depuis, voir complètement inconnus du public. C’est avec The Woman en 2011 qu’il vient faire parler de lui à nouveau. Coécrit avec Jack Ketchum et basé sur leur propre roman, The Woman choqua en festival et se bâtit rapidement une petite réputation qui lui permit de faire parler de lui et d’avoir un public, pour un film qui en apparence ne propose rien de neuf. Jugez plutôt : une famille modèle, une femme animale capturée et une tentative d’éducation. Les films traitant de femme à l’état animal, ce n’est pas nouveau, même le cinéma asiatique s’y est collé avec par exemple Shimizu Takashi et son très intéressant Marebito. Seulement McKee a l’intelligence de ne pas faire ce qu’on attend de lui, si bien qu’aux premiers abords, il est extrêmement difficile de parler de The Woman. The Woman donc, c’est avant tout l’histoire d’une famille, une famille normale et civilisée. Le père a une agence immobilière, la mère s’occupe de la maison, les trois enfants vont à l’école, le fils s’entraîne constamment au basket. Le rêve Américain personnalisé se retrouve devant nous, une famille irréprochable, qui s’aime et s’entre- aide, pour le meilleur et pour le pire. Surtout pour le pire, puisqu’en nous montrant explicitement les mécanismes de cette famille et l’arrivée de la fameuse femme animale du titre, McKee va s’amuser à nous montrer toute la crasse qui se cache sous la surface lisse des choses et de cette famille, une famille qui cache bien son jeu.

The Woman est un film que l’on adore, ou que l’on déteste. Mais dans tous les cas, c’est un film qui marque les esprits, autant dans la forme que dans le fond. Le fond donc, cette famille Américaine « normale ». McKee et Ketchum au scénario s’amusent comme des fous à décortiquer la psychologie des différents membres de cette famille, et surtout en apportant un soin très particulier à tous les personnages féminins du métrage. En effet, les hommes, très présents (le père et le fils) ne nous sont décrits que comme des… animaux, des bêtes, qui ne savent s’exprimer que par la violence, psychologique et physique, et par le sexe. Le mari n’hésite pas à tromper sa femme, à draguer ouvertement sa secrétaire, et ce toujours avec le sourire et avec assurance. Le fils lui ne pense qu’à lui même, à ses pulsions d’adolescent, des pulsions la plupart du temps perverses. Les hommes ne sont pas décrits comme des personnages amicaux, complexes ou franchement intéressants. Leur psychologie est simple, mais dérangeante.

Les femmes, elles, sont beaucoup plus complexes et intéressantes, puisque nous verrons à travers les différents personnages un peu toutes les psychologies possibles et imaginables, entre la femme animale, ne s’exprimant que par la violence, la mère de famille, soumise à son mari et sa famille, qui n’est là que pour subvenir aux besoins des autres, besoins familiaux, sexuels ou autre. Nous avons la fille, Peggy, maltraitée, renfermée sur elle même, timide, déprimée, qui se cache, incapable de réagir face au monde qui l’entoure qu’elle ne comprend pas. La toute petite fille, innocente, souriante, n’ayant pas encore la capacité et la mentalité de comprendre le monde qui l’entoure, fort heureusement pour elle. Et à côté de ça, nous avons la professeur de Peggy, miss Raton (ouais, en VF, ça peut faire rire), une femme libre, qui dit ce qu’elle pense, s’habille de manière plus ou moins sexy. Oui, ce qui intéresse les deux auteurs, ce sont bien les femmes et leurs différentes facettes, et on est gâtés à ce niveau là, tant tous les personnages traités sont intéressants et prenants. La relation entre tous les personnages est en effet des plus intéressantes. Et comme les acteurs sont tous habités par leur personnage (on retrouve Angela Bettis encore et toujours), c’est du tout bon. Le fond de The Woman est pertinent et développé, et s’éloigne souvent de ce que l’on pourrait considérer comme un film d’horreur traditionnel, tant l’horreur est psychologique plutôt que visuelle.

Car McKee va aussi déstabiliser le spectateur au niveau de la forme de son film. Vendu comme un film violent et profondément choquant, The Woman marque en effet, mais plus par son aspect psychologique que visuel, tant la violence, la vraie, tarde à montrer le bout de son nez. Le réalisateur va en effet nous faire attendre de très longues minutes avant de faire exploser la violence, qui n’arrivera finalement que lors de son final, dantesque, gore et surtout un peu plus (trop ?) grand guignol, comparé à tout ce qui a précédé. Le film baigne dans une ambiance malsaine du début à la fin, une ambiance très étrange, une très lente montée de la tension pour mettre le spectateur mal à l’aise par les différents propos qu’on lui balance au visage. La scène d’ouverture nous plonge dans une étrange ambiance visuelle et surtout sonore. Pour habiller son film et sa très lente descente aux enfers, le réalisateur a fait appel à Sean Spillane pour la bande son de son métrage. Une bande son aux allures de rock pop qui surprend allégrement dans un film de genre, mais qui continue de donner au film des allures étranges de film hybride, de film choc qui a autre chose à raconter que de nous montrer une violence constante et facile comme beaucoup le font de nos jours. The Woman est bien plus que cela, et pour cela, il ne plaira pas à tout le monde. Son ambiance est malsaine, le spectateur est dans l’attente constante de voir la violence exploser, et McKee joue avec nos nerfs en faisant durer cette attente le plus longtemps possible, parfois trop pour certains spectateurs qui seront vite ennuyés par cette explosion des barrières et des valeurs familiales. Aussi gore et différent de ce qui précédait qui soit, le final s’inscrit dans la logique de la thématique du film, et termine le métrage de belle manière (une scène se situe après le générique d’ailleurs, scène très étrange). Que l’on soit plongé dans cette histoire ou ennuyé, passionné ou dégoûté, cela ne change rien au fait que pour des raisons évidentes et un talent d’écriture certain, The Woman restera dans les esprits.

Les plus

Un propos surprenant

Une ambiance malsaine

Intelligent dans ses thématiques

Les moins

Un final un peu plus grand guignol

Une attente qui ne plaira pas à tout le monde

En bref : Lucky McKee revient de loin en signant The Woman, une nouvelle réussite du genre qui part dans des directions inattendues.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *