Titre original : Byzantium
2012 – Angleterre / Irlande
Genre : Fantastique
Durée : 1h58
Réalisation : Neil Jordan
Musique : Javier Navarrete
Scénario : Moira Buffini
Avec Saoirse Ronan, Gemma Arterton, Sam Riley, Jenny Lee Millier, Caleb Landry Jones et Daniel Mays
Synopsis : Dans une petite ville côtière, deux jeunes femmes aussi séduisantes que mystérieuses débarquent de nulle part. Clara fait la connaissance de Noel, un solitaire, qui les recueille dans sa pension de famille déserte, le Byzantium. Eleanor, étudiante, rencontre Frank, en qui elle voit une âme sœur. Bientôt, elle lui révèle leur sombre secret… Eleanor et Clara sont nées voilà plus de deux siècles et survivent en se nourrissant de sang humain. Trop de gens vont finir par l’apprendre pour que leur passage dans la ville n’ait aucune conséquence sanglante…
Neil Jordan, réalisateur important d’un cinéma de genre différent et subtil, se faisait plutôt oublier depuis quelques temps. En effet, passé ces deux films cultes, que sont La Compagnie des Loups (1984 déjà) et Entretien avec un Vampire (1994), ses films passèrent inaperçus. En 2012, il revient aux vampires, en adaptant une pièce de théâtre mettant les suceurs de sang sous un jour nouveau. Ici, ils marchent au soleil, n’ont pas de canines pointues, et se font appeler les Soucoyants, faisant parti d’une sorte de société secrète. À l’heure où les films et autres séries sur les vampires sont de nouveau à la mode pour le meilleur mais surtout pour le pire, Byzantium était un pari risqué, puisque se voulant un film avant tout sérieux, mystique parfois, ambiancé souvent, et basé avant tout sur ces deux personnages principaux, une mère (Gemma Arterton surprenante) et sa fille (Saoirse Ronan, sublime et envoutante avec ses yeux bleus). Bâtit avec des retours en arrière fréquents pour nous expliquer le passé de ses personnages, Byzantium met en avant deux façons de vivre l’immortalité. Clara d’un côté, la mère, apprécie les plaisirs de la vie et le pouvoir que lui offre l’immortalité. Elle sait se débrouiller, aime s’entourer, et règle ses problèmes à sa manière, à coup d’égorgements et autres décapitations.
Et de l’autre côté, Eleanor, la fille, qui nous raconte son histoire, préfère vivre dans la solitude, vivant avec un fardeau, un secret qu’elle ne peut dire à personne. Distante, semblant souvent perdue, elle n’attend finalement que de pouvoir raconter son histoire, qu’elle écrit, jour après jour, avant de jeter les pages au vent. En essayant de rester terre à terre, tout en n’oubliant jamais l’aspect fantastique de son œuvre, Neil Jordan fait fort, et nous livre deux portraits de femmes sublimes, que tout ou presque oppose, le tout agrémenté de quelques images qui resteront à tout jamais dans les mémoires des spectateurs. Car si le portrait de ses femmes dans le monde actuel, agrémenté de quelques rencontres masculines (dont Caleb Landry Jones, vu dans Antiviral de Brandon Cronenberg, décidemment habitué aux rôles « autres »), s’en sort honorablement grâce à la mise en scène simple et le talent de ses différents acteurs, le gros du film est bel et bien situé dans les nombreux flashbacks, mettant surtout en scène Clara, à une période de sa vie qui va la bouleverser, et faire d’elle ce qu’elle est aujourd’hui. Malgré le très faible budget (8 millions de livres, pas énorme), la reconstitution d’époque, parfois minimaliste (beaucoup d’intérieur, ou la campagne), fonctionne à merveille, et une vraie atmosphère s’en dégage.
C’est d’ailleurs en nous en révélant plus sur cette société secrète de vampires que Neil Jordan nous livre ses meilleures scènes, notamment un passage d’une poésie immense concernant Gemma Arterton et une chute d’eau. Si la jeune femme, jouant la mère donc, se voit sublimée dans les flashbacks, Saoirse Ronan elle se voit sublimée dans sa relation avec Frank (Caleb Landry Jones donc), lui permettant enfin de trouver une âme qui lui ressemble. Solitaire, seul, malade. Il est, dès leur première rencontre sur un magnifique air de classique joué au piano, fait pour elle, on le ressent. Malheureusement, dans ce film intéressant, original et prenant, tout n’est pas parfait. On aurait par exemple souhaité en savoir plus sur cette confrérie secrète de vampires qui n’accepte pas les femmes parmi eux. Beaucoup de choses sont laissées de côté (mais bon, le film dure déjà 2h quasi), mais là n’est pas le seul défaut du métrage. On pourra également citer son final, qui s’il lorgne plus vers la série B classique, fait bouger les choses, mais semble en trop grand décalage avec tout ce qui précédait pour pleinement fonctionner, dommage. Bien entendu, Byzantium ne sera pas au goût de tout le monde. Très lent, basé avant tout sur son ambiance et ses personnages, nous montrant des vampires marchant au soleil et sans canines, il demeure pourtant une magnifique alternative à l’heure où les produits vampiriques tout public pullulent.
Les plus
Deux actrices magnifiques
Les flashbacks
Une ambiance travaillée et réussie
Des personnages très intéressants
Les moins
Beaucoup d’éléments survolés
Le final un peu en décalage avec le reste
En bref : Neil Jordan revient aux vampires après Entretien avec un Vampire, avec cette variante féminine et maîtrisée. Sensible, parfois envoutant, cruel, beau également, Byzantium est un excellent film de vampires.