Titre original : Moebius – 뫼비우스
2013 – Corée du Sud
Genre : Drame
Durée : 1h29
Réalisation : Kim Ki-Duk
Musique : Park In-Young
Scénario : Kim Ki-Duk
Avec Jo Jae-Hyun, Seo Young-Joo et Lee Eun-Woo
Synopsis : Une mère apprend que son mari la trompe. Elle compte bien ne pas en rester là, mais impuissante face à lui, elle se rabat sur leur fils, qu’elle castre avant d’avaler son pénis coupé. Le jeune homme va alors trouver avec l’aide de son père un moyen de trouver du plaisir sans acte sexuel…
Après avoir réalisé Pieta, œuvre sombre, imparfaite, mais attachante et prenante, Kim Ki-Duk n’aura pas perdu de temps pour nous livrer son nouvel opus, Moebius. Sans changer son style ou sa ligne de conduite, Kim Ki-Duk pousse son art dans ses derniers retranchements. Car si les quinze premières minutes nous amènent en terrain plus que connu, avec ces personnages dérangés et mutiques, on se rend rapidement compte que le métrage va aller bien plus loin. Pour qui connaît bien Kim Ki-Duk, les quinze premières minutes nous présentent tout ce que l’on connaît. Des personnages qui ne parlent pas, une famille, un mal être familial plutôt. Personne ne communique, les regards sont assassins, les sous entendus nombreux, la tension palpable. C’est dés lors que la mère décide de se venger de son mari, infidèle, en lui coupant le pénis, et qu’elle se rabattra sur leur fils, le film devient plus glauque, plus violent, plus extrême, sans pour autant que cette violence ou ce côté extrême ne s’exprime clairement visuellement. Alors que Kim Ki-Duk met en place son intrigue, ses personnages, et le peu d’éléments indispensables à la compréhension de son récit, et que les situations malsaines s’enchaînent (l’acte de la mère sur son fils par exemple), il passe un cap par la suite.
Car Moebius, du haut de ses 90 petites minutes, ne possède pas une seule ligne de texte. Pas une phrase, pas un mot ne sera prononcé durant l’intégralité du film, forçant le réalisateur à redoubler d’inventivité pour raconter son histoire visuellement et à faire appel à nos sens et émotions, mais également les acteurs, à jouer sur les regards, les non-dits et autres. Pour qui rentre dans l’ambiance et sera happé par cette succession de moments morbides, il devient alors impossible de décrocher de Moebius. Car bien entendu le film est maitrisé déjà et dégage quelque chose, mais également car pour comprendre le développement de cette histoire et de ses personnages, impossible de ne pas regarder les images, qui sont donc le seul moyen d’expression du réalisateur, qui va enchaîner les situations malsaines, en suivant le parcours du fils, donc sans pénis, et de son père qui aura une opération pour se débarrasser de ce même organe (what?). Le jeune homme va tomber finalement sur un groupe de jeunes qui vont le faire participer au viol d’une jeune femme, pour qui il craquait justement. Les choses vont mal tourner, et notre jeune « héros » va se retrouver derrière les barreaux. Occasion pour le réalisateur de faire revenir le personnage du père (qui n’a pas de nom, comme tous les personnages du film puisque personne ne parle) et d’intégrer au récit une nouvelle idée tordue, celle autour de laquelle tout le reste du film va tourner.
Cette idée, simple, concerne les autres sources de plaisir autre que le sexe, chose dont les personnages sont ici totalement incapables. Le film devient plus malsain alors en nous présentant le plaisir dans la souffrance, la douleur, chose que Clive Barker n’aurait pas renié. Le réalisateur va alors se permettre quelques magnifiques moments autres, lorsque le fils de cette famille va commencer une relation basée sur le plaisir dans la douleur avec la jeune femme du magasin qui s’était fait violée. Tordu d’un bout à l’autre, Moebius n’est jamais très loin du ridicule, sans pour autant franchir cette ligne, malgré les situations de plus en plus glauques et improbables. C’est tout le sérieux de l’entreprise, de la mise en scène en passant par le talent et surtout la motivation des différents acteurs qui font que Moebius ne franchit jamais cette fine ligne qui le ferait tomber dans le nanar et lui permet de rester une œuvre forte, glauque, violente dans son texte avant tout (puisque visuellement les débordements sont rares). Kim Ki-Duk réussi une nouvelle fois à nous plonger dans une histoire autre, un univers glauque, puissant, mais totalement irréel et réservé à un public averti et connaisseur.
Les plus
Une ambiance unique et pesante
Fou, étrange, mais fait avec sérieux
Un film qui ne laisse pas indifférent
Les moins
Parfois le ridicule n’est pas loin
En bref : Nouvelle œuvre de Kim Ki-Duk, Moebius se fait extrême de par son sujet et ses choix, plus que par son visuel. Sobre, totalement mutique, dérangeant, irréel, une œuvre autre.