Titre original : 鉄男 THE BULLET MAN
2009 – Japon
Genre : Cyber Punk
Durée : 1h11
Réalisation : Tsukamoto Shinya
Musique : Ishikawa Chu
Scénario : Tsukamoto Shinya et Kuroki Hisakatsu
Avec Eric Bossick, Monô Akiko, Nakamura Yukô, Tsukamoto Shinya et Stephen Sarrazin
Synopsis : Anthony est un mari fidèle, un employé tout ce qu’il y a de plus banal, américain vivant à Tokyo, et père d’un enfant. Tout va pour le mieux dans sa vie, jusqu’au jour où un mystérieux individu en voiture tue son enfant devant ses yeux. Enragé, devenant parfois violent, et voyant sa femme ne cherchant que la vengeance s’éloigner, Anthony va bientôt voir son corps se transformer.
Quasi 20 ans que l’on attendait une suite à Tetsuo 2 : Body Hammer, suite du film culte et totalement enragé Tetsuo en 1988. Des rumeurs, il y en a eu, Tarantino aurait même voulu réaliser le troisième opus, mais fort heureusement, son projet ne vit jamais le jour. Finalement, Tsukamoto lui-même va réaliser ce nouvel opus, après avoir fait des films plus commerciaux en surface avec les deux Nightmare Detective. Et 17 ans après le second opus, on peut facilement dire qu’il n’a toujours pas perdu de son talent, et de sa rage, tant Tetsuo The Bullet Man est enragé. Ainsi, le spectateur allergique au style de Tsukamoto sait déjà qu’il peut quitter la salle, ce troisième Tetsuo ne s’adresse pas à lui, et pourtant, de nombreux choix, que ce soit dans l’écriture, les choix de mise en scène ou le projet en lui-même montrent que ce nouvel opus veut s’ouvrir à un plus large public. Et c’est de là que viendra la petite déception empêchant malgré sa furie ce nouvel opus d’être au même rang que son petit frère, le premier de la famille, la claque qu’étai Tetsuo. Mais The Bullet Man n’a pourtant pas à rougir, dans un paysage cinématographique morne et bien trop calme, il est bel et bien une alternative qui fait plaisir, une alternative qui fait parfois mal aux yeux et aux oreilles, mais ou l’on est sans aucun doute heureux à la fin de sa vision. Ainsi, The Bullet Man est, déjà, tourné toujours au Japon, comme toujours, mais avec une partie du casting américain, et tout le monde y parle en anglais. Preuve que le film était, je dis bien était, censé viser un plus large public. Le rôle principal du salaryman qui va muter avec le métal sera joué par Eric Bossick, acteur dont le premier film fut ce Tetsuo, avant qu’il n’enchaîne sur plusieurs séries télévisées, mais il débuta en prêtant sa voix à des personnages de jeu vidéo, notamment le héros du jeu Silent Hill 4 : The Room. Il vit une vie tranquille à Tokyo avec sa femme, Yuriko, jouée par Monô Akiko, dont (et je dois être le seul) son petit accent anglais qui écorche pourtant les oreilles me fait craquer. Anthony, fils d’un père américain et d’une mère japonaise, va voir sa vie se détruire peu à peu le jour où son propre fils va mourir, écrasé par une voiture.
Aucun doute, nous sommes dans l’univers du réalisateur, et encore plus dans l’univers de Tetsuo. La perte de l’enfant (Tetsuo 2), l’accident de voiture (Tetsuo), ici volontaire. On pourrait regretter le manque de nouveauté, mais Tsukamoto maîtrise son art à fond, et en à peine cinq minutes, le temps des événements décrits plus haut (le film ne dure qu’une heure et 15 minutes), on oublie tout ça et on entre dans l’univers. La mise en scène, la photographie, le cadrage, tout est parfait, et la séquence d’ouverture, rappelant encore fortement le premier opus, nous en met plein la gueule. Mélange entre de l’image par image, des plans accélérés, d’autres qui tremblent, bougent beaucoup, sur le score absolument sublime de Ishikawa Chu (le thème est monumental), puis avec l’apparition de chaque lettre du titre à l’écran comme un gigantesque coup de poing qu’on se prend en pleine gueule, Tsukamoto ne se moque pas de nous. Sauf que (et oui), la première demi-heure du métrage va alterner le très bon (ou carrément le splendide) et le moins bon (qu’on oublie heureusement rapidement par la suite). Car comme je l’ai dis, avec ce nouvel opus, bien qu’il soit encore plus enragé que les précédents, Tsukamoto veut s’ouvrir à un nouveau public, qui malheureusement (et dans un sens, je comprends vu la furie du film) n’a pas été franchement réceptif au métrage lors de sa diffusion au festival de Venise. Ainsi, lors de la première demi-heure, on assistera à la mutation d’Anthony, tandis que sa femme s’éloigne peu à peu de lui, souffrant de la perte de leur enfant, et voulant à tout prix obtenir vengeance. Le nouveau design de l’homme métal peut s’avérer discutable, personnellement je le trouve réussi. Ça, c’est pour les bons côtés de cette première demi-heure. A côté de ça, Tsukamoto, après trois films, se sent comme obligé de nous raconter un peu le fin mot de l’histoire.
Car rappelons le quand même, le premier film, en terme d’histoire, restait très flou et ne dévoilait rien, et le second restait encore assez flou malgré quelques clés et une structure plus simple. Ici, pas de soucis, tout nous sera dévoilé grâce au personnage du père d’Anthony, mais ce trop plein d’explications va quelque peu retirer du charme au métrage, le rendant trop explicatif justement, et c’est dommage. Heureusement, ces passages sont courts, et passés ces explications, Tsukamoto nous offre de la folie furieuse, ce qu’il a fait de meilleur depuis longtemps, et pourtant, les Nightmare Detective (en particulier le second) et son court (moyen) métrage Haze étaient très bons. Ici, le point d’orgue du métrage, en parti dévoilé dans la bande annonce, qui ne donne qu’un minime aperçu de la rage de la scène, sera l’attaque dans la maison par des militaires ayant pour mission d’éliminer Anthony. Totalement folle, enragée, la caméra ne se contrôle plus, comme pour montrer encore plus la souffrance d’Anthony, qui lutte finalement avec le métal, et donc lui-même, tout en massacrant les soldats sous les yeux de sa femme. La meilleure scène du métrage, de la violence à l’état pure comme on en a pas vu depuis bien longtemps. Et bien entendu, comme dans chaque opus, il faudra un ennemi à l’homme métal, et pour la troisième fois, il s’agira de Tsukamoto lui-même, nous emmenant ainsi à la séquence finale, encore une fois hallucinante après les deux premiers opus, enragée, sans concessions. À la fin, on se surprendrait à demander encore un opus, sans penser au fait que ça pourrait devenir le film de trop. Tsukamoto prouve en tout cas que même en revenant encore sur son premier film, il reste un réalisateur important, et il clôt son métrage de la manière la plus habile qui soit, nous prouvant également que ses thèmes et sa façon de voir le monde, finalement, n’on pas changé.
Les plus
Une maîtrise formelle
La scène avec les militaires
Un film fou
Les moins
Des passages explicatifs ratés
Rien de véritablement neuf
En bref : Décevant quand il explique, enragé et jouissif pour le reste, Tsukamoto reste tout de même fidèle à lui-même, et on en prend plein la gueule.