Titre original : Natural Born Killers
1994 – Etats Unis
Genre : Policier
Durée : 1h59 (version censurée), 2h02 (Director’s Cut)
Réalisation : Oliver Stone
Musique : Trent Reznor
Scénario : David Veloz, Richard Rutowski et Oliver Stone d’après une histoire de Quentin Tarantino
Avec Woody Harrelson, Juliette Lewis, Robert Downey Jr, Tommy Lee Jones et Tom Sizemore
Synopsis : Mickey et Mallory Knox forment un couple détonnant : jeunes et éperdument amoureux l’un de l’autre, ils sont également les assassins les plus sauvages de la société américaine. Tenant la police en échec, ils deviennent grâce aux médias des figures populaires dont ne cessent de parler la radio, la presse et surtout, la télévision. Leur heure de gloire va permettre d’écrire une nouvelle page sanglante de l’Amérique…
En 1994, Oliver Stone est connu pour des films comme Platoon ou JFK. Cela fait quelques temps qu’il a un raz le bol général de tout, de la société, des médias. Tarantino, quant à lui, est déjà célèbre, pour avoir réalisé Reservoir Dogs et Pulp fiction la même année, qui obtenu la Palme d’Or à Cannes par ailleurs. Tarantino se lance alors dans l’écriture de Tueurs nés, scénario qui arrivera entre les mains d’Olivier Stone. Scénario qui sera réécrit plusieurs fois par plusieurs personnes, à tel point que Tarantino refusera d’être crédité au scénario, mais seulement pour l’histoire originale, et qu’il est toujours en froid avec Stone depuis. Pour faire son film choc, Olivier Stone s’entoura d’une grande équipe (Woody Harrelson, Juliette Lewis, Robert Downey Jr, Tommy Lee Jones et Tom Sizemore devant la caméra), et utilisa environ 130 chansons pour le métrage, et mélangea pas moins de 17 formats de tournage (noir et blanc, couleur, 16mm, 35mm, vidéo, beta SD, dessin animé), ainsi que l’utilisation de quelques 3000 plans pour bien montrer à quel point il est remonté. Le film créé l’évènement, fut censuré, critiqué, traîné en justice (en France justement). Plus de 20 ans après, le métrage n’a toujours rien perdu de sa force, de son originalité, et de sa folie. Limite il se fait de plus en plus d’actualité, comme tous ces films parlant des médias et du pouvoir de l’image.
Le métrage nous propose de suivre le chemin de Mickey et Mallory Know, deux amoureux, et deux tueurs. Tueurs en série d’après les médias, tueurs en masse d’après les deux concernés. Avec sa mise en scène furieuse, Stone réussi son pari, mais pas seulement. Outre nous faire passer un message sur la société américaine et sur le pouvoir des médias sur la population abrutie, il parvient à faire de ce scénario finalement simple mais intéressant, en forme de polar violent, ni plus ni moins qu’une œuvre purement expérimentale, et purement jouissive de bout en bout, durant deux heures. Stone se permet toutes les audaces visuelles, parfois même narrative. Quand nous faisons la connaissance de notre couple, ils se connaissent déjà, s’aiment, et son déjà des tueurs. L’ambiance est calme, la musique belle, le métrage mélange déjà couleur et noir et blanc, les plans sont souvent en biais, les voix parfois superposées. Puis la tempête éclate, la violence fait rage sans prévenir, si ce n’est musicalement (avec le morceau Shitlist). D’un certain point de vue, Tueurs nés se permet toutes les audaces pour glorifier la violence à la manière dont les médias le fait. Gros plan, montage épileptique, viol, meurtres au fusil, au couteau, violence à mains nues, violence verbale, prise de drogue. Rien ne nous est épargné, et vu le message que le film veut véhiculer et son contenu, on est en position de se poser des questions sur l’honnêteté du message. Cela en devient encore plus troublant lors de l’interview de Mickey par le journaliste Wayne Gall (Robert Downey Jr, excellent), lorsque celui-ci explique la pureté qu’il trouve dans l’acte meurtrier, quand il se retrouve une arme entre les mains.
Les médias font se délecter de ces déclarations et des quelques 52 morts que le couple Knox laisse sur son chemin, les élevant au statut de stars internationales. Le film se découpe aisément en deux parties. Dans un premier temps, nous suivons la cavale à travers l’Amérique de nos deux tourtereaux, tuant des innocents avec plaisir et jubilation, même les parents de Mallory. Stone se laisse aller à quelques expérimentations, comme la rencontre du couple façon sitcom avec rires préenregistrés, la prise de champignons hallucinogènes avec des déformations de visages. Dés que les personnages se retrouvent dans une pièce isolée, au lieu de voir le décor par la fenêtre, ce sont des extraits de films et documentaires qui sont diffusés. La première partie s’axe pleinement sur ses deux personnages. Les autres qui nous sont présentés ne sont que des victimes, et n’ont pas leurs mots à dire. Seule une personne survit aux massacres à chaque fois, laissé en vie dans le simple but de raconter ce qu’il s’est passé. Avant de passer à la seconde partie par l’inévitable capture par la police, les personnages subiront un changement en rencontrant l’Indien, qui tentera de les exorciser pour leur faire prendre conscience. Le scénario vire quelque peu dans le surréalisme, à l’image de la mise en scène des morts parfois cartoonesque (une balle partant vers sa victime avant de s’arrêter juste devant son visage, un couteau allant au ralenti sur une musique d’opéra, des bruitages adéquats comme des petits oiseaux lorsqu’un personnage est frappé). C’est alors qu’intervient l’arrestation, en direct à la télévision, où les forces de l’ordre se donne du plaisir à tabasser, tandis que la bêtise des journalistes fait rage avec leurs commentaires : « Mickey est plutôt viril » ou encore « Il a un gros fusil » .
Après cet évènement débute la partie tant connue de la prison, où les personnages du chef de la prison Dwight, du policier Scagnetti et de celui de Wayne Gall prennent vraiment de l’ampleur. Pètage de plomb intégral, cette partie est sans aucun doute la plus violente dans ses images comme dans son propos. Chaque personnage tentera de repousser ses limites, certains vont montrer au grand jour leur personnalité, d’autres vont s’affirmer, et dans un sens, personne n’en sortira indemne. Au milieu de tous ces morts, certains se sentiront tout simplement vivre enfin. Tueurs nés, c’est tout ça, la vie, surtout la mort, les médias, la place que ceux-ci occupent dans la société d’aujourd’hui et les messages qu’ils véhiculent. Une œuvre forte, expérimentale sur plus d’un point, tout en étant purement jouissive. Une chose est sure, on en ressort fatigué, mais on aura passé un excellent moment.
Les plus
La critique des médias
Un film enragé et rentre dedans
Violent, immoral, mais pas vain
Un style visuel inédit
Les moins
Quelques scènes coupées géniales, dommage pour la coupe
En bref : Un polar extrêmement violent et immoral, peuplé de tarés, une critique des médias féroces, des acteurs investis dans leurs personnages et surtout une mise en scène si peu commune, féroce et vitaminée à l’image du film.