Titre original : Swimming Pool
2003 – France / Angleterre
Genre : Drame / Thriller
Durée : 1h43
Réalisation : François Ozon
Musique : –
Scénario : François Ozon et Emmanuèle Bernheim
Avec Charlotte Rampling, Ludivine Sagnier, Charles Dance, Jean-Marie Lamour, Marc Fayolle et Mireille Mossé
Synopsis : Sarah Morton, auteur anglais de polars à succès, se rend en France dans le Luberon, dans la maison de son éditeur, pour se reposer et travailler. Mais une nuit, Julie, la fille française de ce dernier, débarque dans la demeure et vient perturber la quiétude de la romancière…
François Ozon a une carrière intéressante, et surtout un parcours intéressant. Après une série de courts métrages et deux longs en 1998 et 1999, l’échec de son second film le pousse à tourner un mini budget, en huis clos se déroulant avec seulement quatre personnages. Ce sera l’étrange Gouttes d’Eau sur Pierres Brûlantes en 2000, où il travaille pour la première fois avec Ludivine Sagnier. Dès l’année suivante, il enchaîne sur Sous le Sable où il travaille cette fois-ci avec Charlotte Rampling. Après le succès public de sa comédie musicale 8 Femmes en 2002, il change de genre, radicalement, et se lance dans le thriller un brin manipulateur avec le spectateur, en retrouvant Charlotte Rampling et Ludivine Sagnier dans les rôles principaux, pour ce Swimming Pool. Un film beaucoup plus subtil et intelligent qu’il n’y paraît aux premiers abords, et qui mériterait d’ailleurs probablement une seconde vision pour s’assurer que l’on a raté aucun détail important dans la mise en place de son intrigue, de ses personnages, et de ses artifices. Swimming Pool donc, le métrage où Ozon retourne à un cinéma plus intime, plus mystérieux, et du coup également un peu plus provocant, suite au succès de 8 Femmes. Avec un budget de 6 millions environ et une co-production franco-anglaise (le début se déroule d’ailleurs à Londres), il se lance donc dans l’aventure du thriller érotique, à forte tension sexuelle. Oui, un genre très rare si ce n’est au final absolument pas représenté en France. Et le plus surprenant au final, c’est que par son rythme, certains choix et la manière dont, doucement, le réalisateur abat ces cartes, Swimming Pool ressemble à un hommage (à sa sauce bien entendu) au cinéma de… Hitchcock. Oui, je m’emballe peut-être, mais c’est l’impression que j’en ai eu après la vision.
Sur le papier, de base, Swimming Pool ne propose rien de nouveau. L’histoire de cette écrivain (Charlotte Rampling) en panne d’inspiration n’est d’ailleurs pas sans rappeler de nombreux écrits de Stephen King. Mais Ozon a l’intelligence de ne pas traiter son sujet comme tout le monde. Non, nous n’allons pas voir les tourments de Charlotte Rampling, ou bien la façon dont cette jeune femme va sombrer dans la folie de l’écriture, loin de là. Car Swimming Pool nous parle de la dualité entre deux personnages forts. L’écrivain d’un côté donc, plus âgée, renfermée, qui aime le calme, la tranquillité, la création. Et de l’autre, la jeune femme (Ludivine Sagnier), sensuelle, séductrice avec absolument tous les hommes du village, disant clairement ce qu’elle pense. Deux personnages opposés, qui vont pourtant devoir vivre ensembles et se supporter dans cette villa avec piscine pendant tout le métrage. De multiples questions arrivent aux spectateurs durant cette longue présentation, cette longue mise en bouche. On essaye de deviner où tout cela va nous mener, on essaye de comprendre la psychologie de la jeune femme, Julie, mais on échoue souvent. Car finalement, le titre du métrage nous en dit beaucoup. La personnalité de son personnage semble clair et limpide, comme l’eau de la piscine, mais si on essaye d’y plonger, on se rend compte que c’est beaucoup plus profond que prévu. La première heure nous ballade en eaux troubles justement, puisque l’on ne voit pas les tenants et aboutissants de l’histoire, autre que la dualité entre une écrivain plus âgée et sage et son opposée, plus jeune, couchant à droite et à gauche et profitant de la vie au maximum.
La scène où les deux personnages draguent (ou tentent de draguer) Franck, le serveur du bar, est le point central du métrage, le point de non-retour en quelque sorte, puisque c’est après que le premier grand rebondissement du métrage débarque, celui révélé un peu partout juste par la lecture du synopsis du film… À partir de là, le spectateur croit comprendre les mécanismes du film, le jeu des personnages, là où l’histoire nous emmène doucement mais sûrement. Mais non, c’est sans compter sur les derniers instants du métrage, qui remettent entièrement en cause le métrage et tout ce que l’on vient de voir. Et c’est bien là toute la force du métrage. Celle de nous avoir manipulé pendant 1h40, avant de nous offrir un ultime rebondissement qui nous amène encore plus de questions, et surtout des doutes sur tout ce que l’on vient de voir. La façon d’aborder Swimming Pool n’est pas simple, puisque sa révélation finale remet en doute ce que l’on a vu, mais surtout nous offre de nouveaux degrés de lecture (car oui, avec ce final, les degrés de lecture deviennent plus nombreux, si bien que la seconde vision pourrait aider à trancher pour un point de vu, ou un autre). N’est-ce pas là la force d’un grand film ? Nous intéresser, nous offrir plusieurs degrés de lecture, et nous forcer à comprendre par nous même lequel pourrait être le bon ? Entre la mise en scène simple mais sublime de Ozon et le jeu des deux actrices, extraordinaires, on obtient bel et bien un grand film.
Les plus
Un film à l’ambiance travaillée
Le twist final
Charlotte Rampling et Ludivine Sagnier
Une intrigue mystérieuse qui fait réfléchir
Les moins
Ceux qui veulent les réponses sur un plateau seront déçus
En bref : Commençant comme un film sensuel sur la dualité entre deux femmes bien différentes, Swimming Pool plonge bien vite dans le film manipulateur, envers ses personnages, et le public, jusqu’à ses derniers instants. Une réussite !
D’une piscine à l’autre, les propositions de WordPress me propulsent jusqu’à cet Ozon estival, vieux souvenir qu’il me plairait bien de revoir tant tu en parles formidablement. Il apparait bien meilleur que l’Ozon de cet été (85), sympathique mais à mon avis en dessous. Pourtant, tout est encore là : la référence littéraire, le récit piégeux, voire la pointe hitchcockienne (même si dans le plus récent, c’est davantage Douglas Sirk, voire Eric Rohmer qui font surface).
Il ne me reste plus qu’à me le trouver en DVD.
Ah mais oui, tu as totalement changé de piscine ! Je l’avais découvert tardivement, au moment où j’avais écris cet article en fait, en trouvant le dvd pour une bouchée de pain (sur priceminister il me semble, enfin, Rakuten maintenant).
J’aime bien Ozon de manière générale, il n’y a bien que les quelques comédies avec Luchini avec lesquelles j’ai du mal, mais bon, c’est physique aussi, Luchini m’insupporte la plupart du temps.
Il n’a pas tourné tant que ça avec Luchini de mémoire, et « Dans la maison » est formidable, même s’il n’y a pas de piscine.