L’ÉTRANGE COULEUR DES LARMES DE TON CORPS
Titre original : L’Étrange Couleur des Larmes de ton Corps
2013 – France / Belgique / Luxembourg
Genre : Giallo
Durée : 1h42
Réalisation : Hélène Cattet et Bruno Forzani
Musique : –
Scénario : Hélène Cattet et Bruno Forzani
Avec Klaus Tange, Ursula Bedena, Joe Koener, Birgit Yew, Hans de Munter et Anna D’Annunzio
Synopsis : Revenant d’un voyage d’affaires, un homme retrouve son appartement vide. Sa femme a disparu. Commence alors pour lui une quête, parasitée par divers personnages soupçonneux et suspects (un policier, son propriétaire) qui, d’investigation policière, va muter en une plongée introspective, où souvenirs et traumas enfantins vont progressivement émerger.
Hélène Cattet et Bruno Forzani, je n’ai pas vu leur premier métrage, Amer, réalisé en 2009, déjà hommage aux giallos. Par contre, j’avais pu voir leur court métrage O is for Orgasm réalisé en 2012 pour l’anthologie The ABCs of Death. Un court qui m’avait beaucoup plus, visuellement splendide. J’attendais donc beaucoup de la vision de leur second long métrage, L’Étrange Couleur des Larmes de ton Corps. Malheureusement, l’expérience fut autant réussie à certains niveaux que ratée et laborieuse à d’autres. Bilan extrêmement mitigé donc. Et pourtant, je voulais y croire. Non, j’y croyais même, avec cette ouverture splendide. Forcément, un film au visuel fort, avec des plans rappelant la belle époque du giallo, en passant par Argento, Fulci, Martino et tant d’autres, le tout avec tout simplement la musique de ses films là. Oui, regarder L’étrange Couleur, c’est se replonger dans cette lointaine époque du cinéma Italien, où ils étaient maîtres dans le thriller violent. Un homme d’affaire rentre chez lui, mais son appartement est vide, sa femme a disparue. La vieille dame habitant à l’étage lui raconte la disparition de son mari, puis un flic vient pour l’aider, lui racontant une autre de ses enquêtes. Et là, je comprend que le métrage ne sait pas trop sur quel pieds danser.
Car soyons clair, en tant qu’œuvre visuelle, L’étrange Couleur est un sans faute. Les plans, les couleurs, le montage, la musique (même si provenant intégralement d’autres films) sont sublimes. Le montage est ingénieux et original, le design sonore est volontairement agressif. Nous sommes clairement devant une œuvre à part. Certains moments fonctionnent même du tonnerre, même si on comprend rapidement où tout cela veut nous amener : pas forcément quelque part. En privilégiant le visuel, Hélène Cattet et Bruno Forzani livrent une œuvre aussi forte qu’incroyablement vide et donc par moment énervante, comme si l’univers d’Argento côtoyait celui de David Lynch, mais pas pour les bonnes raisons. Le montage se fait complexe et expérimental, l’intrigue se fait floue, mais non pas pour nous faire réfléchir, mais comme pour camoufler qu’il n’y a en fait rien de véritablement intéressant à décrypter. Certes, si l’on plonge corps et âme dans l’œuvre, le visuel nous happe de toute manière, ne nous laissant pas le temps d’essayer de décrypter cet univers, mais on reste du coup à la porte de cet univers sublime, mais vide et surtout hermétique.
Car L’étrange Couleur est surtout maladroit dans ce qu’il veut nous raconter (s’il nous raconte bien quelque chose au final) et surtout bien trop long. Car oui, je reviens à Argento, mais l’hommage au giallo ne se remarque pas seulement via l’utilisation de couleurs ou de codes du genre avec ce tueur ganté, ces couteaux, mais également dans la géométrie des décors, dans les symboles présents à l’image (j’aurais beaucoup pensé à Suspiria par moment). C’est beau, c’est psychédélique, mais à vouloir trop en faire et en privilégiant la radicalité, l’intrigue elle se fait vide, se perds, n’envoute pas, et peut énerver, d’où les longueurs. Les histoires racontées par le flic et la voisine au début de l’œuvre par exemple ne passionne pas et ne sont pas là pour servir un propos, voir un thème, mais ne font qu’allonger le métrage. Il manque clairement quelque chose au métrage pour que l’on soit happé en permanence, pour que l’on retienne autre chose que cet exercice de style prenant la forme d’un cauchemar éveillé. Car oui, si le film emprunte bien quelque chose au monde du cauchemar, c’est son aspect brouillé mais qui se brouille pour camoufler son vide. Du coup, l’œuvre reste aussi sublime que vide, aussi forte par moment que longuette à d’autres, aussi intéressante dans sa construction purement visuelle que peu passionnante si l’on veut l’analyser. Une chose est sûre, ceux qui veulent un simple polar, voir un simple giallo, resteront aux portes de cet univers hermétique.
Les plus
Visuellement impressionnant
Le montage, le son
Les musiques de la grande époque
Des moments sublimes
Les moins
Trop long
Un film incroyablement vide
Sans doute un brin prétentieux
En bref : Si l’on ne pourra rien critiquer au niveau de sa technique, puisque le montage, le son, la musique, le cadrage et la photographie sont tout simplement parfaites, il est dommage que le métrage ne se serve de cette technique que pour camoufler qu’il ne raconte rien.