BAD LIEUTENANT : ESCALE À LA NOUVELLE-ORLÉANS de Werner Herzog (2009)

BAD LIEUTENANT : ESCALE À LA NOUVELLE-ORLÉANS

Titre Original : Bad Lieutenant: Port of Call – New Orleans
2009 – Etats Unis
Genre : Policier
Durée : 2h02
Réalisation : Werner Herzog
Musique : Mark Isham
Scénario : William M. Finkelstein

Avec Nicolas Cage, Eva Mendes, Russell M. Haeuser, Val Kilmer, Alvis Xzibit Joiner, Fairuza Balk, Shawn Hatosy, Jennifer Coolidge, Tom Bower, Brad Dourif et Shea Whigham

Synopsis : Terence McDonagh est inspecteur dans la police criminelle de la Nouvelle-Orléans. En sauvant un détenu de la noyade pendant l’ouragan Katrina, il s’est blessé au dos. Désormais, pour ne pas trop souffrir, il prend des médicaments puissants, souvent, trop souvent… Déterminé à faire son travail du mieux qu’il peut, il doit faire face à une criminalité qui envahit toutes les vies, même la sienne. Sa compagne, dont il est éperdument amoureux, est une prostituée. Pour la protéger, Terence est obligé de prendre des risques. Parce qu’il est sur les traces d’un gros dealer, sa vie est en jeu. Parce qu’il doit enquêter sur l’assassinat d’une famille d’immigrants africains, il doit mener une enquête impossible. En quelques heures, tous les enjeux de sa carrière et de sa vie vont se combiner pour devenir sa pire épreuve. S’il s’en sort, Terence saura enfin qui il est vraiment…

À l’annonce d’un remake de Bad Lieutenant, soit un des plus grands films d’Abel Ferrara, les fans s’étaient offusqués, peu importe la présence derrière la caméra de Werner Herzog, autre réalisateur culte au style totalement différent. Pourtant, à la vision de ce Bad Lieutenant cuvée 2009, sous titré Escale à la Nouvelle-Orléans, on peut aisément se poser des questions sur le terme de remake. Si dans les grandes lignes, les deux films partagent en effet le même cœur, le même parcours de personnage, tout le reste change littéralement. Chez Ferrara, son inspecteur était un drogué évoluant dans les bas fonds de New York, le style était brut, sans concessions, Harvey Keitel au bout du rouleau, le ton était désespéré, les images brutes et dures, et ce flic plongeait au fond du trou alors qu’il tentait plus ou moins de résoudre son enquête, le viol d’une bonne sœur par des petits truands. Notre personnage était drogué, souffrait sans doute de dépression, et avait également d’autres vices, notamment les paris sportifs. De cette base, qu’en fait Herzog ? Et bien quelque chose qui n’a quasiment plus rien à voir. Les froides ruelles de New York laissent place comme le titre le suggère aux rues ensoleillées de la Nouvelle-Orléans, et notre flic, ayant à présent les traits de Nicolas Cage, s’il est toujours drogué, a un passé bien différent (son addiction empire à cause d’un mal de dos constant), des relations différentes également avec son environnement (il va jusqu’à accepter un deal avec un dealer notoire) et sa famille (on découvre son père, sa femme alcoolique, et notre brave flic a une relation avec une prostituée, permettant à Cage de retrouver Eva Mendes après le peu glorieux Ghost Rider), et toujours une facilité à parier de l’argent qu’il n’a pas forcément dans des paris sportifs.

Plus de viol à résoudre, ce nouveau Bad Lieutenant se veut moins choc et frontal dans ce qu’il nous raconte et dans les thématiques abordées, et Herzog échange le cauchemar rentre dedans et sombre de Ferrara par sa vision, un autre cauchemar, plus moite, plus rythmé et riche en péripéties, mais également teinté de quelques passages fous, que ce soit de par ses choix visuels (les iguanes), le jeu de son acteur principal (Nicolas Cage, par moment totalement génial), et parvient avec une certaine justesse à allier des moments sombres, voir immoraux pour certains (l’interrogatoire de cette vieille dame âgée) avec des tonalités tellement poussives que certaines scènes en deviennent littéralement hallucinantes et jouissives. Et de par ces quelques éléments, Bad Lieutenant par Herzog n’a en réalité plus rien à voir avec le film original de Ferrara, et doit donc être clairement vu non pas comme un remake, ce qu’il n’est pas puisqu’il n’en conserve qu’un vague squelette, mais comme une relecture de ses thématiques, ou tout simplement une nouvelle histoire en partant du même point de départ. Deux films donc par moment clairement opposés, et qui peuvent se compléter, voir se voir l’un après l’autre lors d’une soirée double programme, sans que l’on ne cherche à les comparer. Car finalement, à l’exception sans doute des paris sportifs qui se font donc ici auprès d’un Brad Dourif que j’aime toujours voir à l’écran et d’une scène arrivant assez tôt et montrant un Nicolas Cage abusant de son statut de flic auprès d’une femme dans la rue, les deux films n’ont rien à voir. Après tout, il suffit de comparer le ton avec lequel Herzog aborde son final et la résolution de ses différents arcs narratifs pour se rendre compte que là où Ferrara cherchait à donner une rédemption à son personnage, Herzog lui se permet de clore ses arcs les uns après les autres de manière on ne peut plus simple, faisant sourire d’ailleurs tant cela ne peut qu’être intentionnel de sa part.

Ce nouveau Bad Lieutenant nous fait donc naviguer dans des eaux parfois plus contradictoires que le film de Ferrara, mais souvent jouissives et oh combien divertissantes, parsemé d’idées parfois folles, parfois bien vues, et nous faisant passer donc par pas mal de sentiments bien différents durant les 2h que constituent le visionnage. Deux heures aux côtés d’un Nicolas Cage hallucinant et halluciné, dans sa relation avec une Eva Mendes convaincante, et étonnement, assez romantique par instant et donc à l’opposé du film original encore une fois, et où notre lieutenant n’est pas le seul manipulateur dans le jeu, puisqu’on notera parmi ses coéquipiers un certain Val Kilmer, pas tout blanc lui non plus, et ce dés la scène d’ouverture. Alors oui, ce Bad Lieutenant n’est pas parfait pour autant, on pourrait sans doute dire qu’il est un poil trop long, tardant par moment à dévoiler ses véritables atouts ou personnages, comme pour donner une vraie courbe de progression à la folie de son personnage principal, au fur et à mesure de ses choix discutables, de ses différentes embrouilles et soucis avec le département de police ou avec les truands. Mais le film demeure, en plus d’un bon film, une bonne alternative au film de Ferrara. Plus accessible de par son ton, mais néanmoins plus étrange par certains aspects, certains moments hallucinés, ou certains plans animaliers qui semblent tenir à cœur à Werner Herzog. Après tout, est-ce que les poissons font des rêves eux aussi ? Je vous laisse méditer là-dessus en compagnie de Nicolas Cage, qui ajoute un autre grand réalisateur à son actif après les frères Coen, David Lynch, John Dahl, John Woo, Brian De Palma, Ridley Scott et tant d’autres.

Les plus

Un film qui n’a plus grand-chose à voir avec l’original
Nicolas Cage génial et halluciné
Des scènes étranges et marquantes
Une ambiance souvent limite surréaliste

Les moins

Un poil trop long

En bref : Ce nouveau Bad Lieutenant doit clairement être jugé comme un film à part entière, et ne pas être comparé au film de Ferrara avec lequel il n’a finalement que peu de rapport. Le ton est plus décalé, plus étrange, ce qui permet à la fois à Cage et à Herzog de s’exprimer.

2 réflexions sur « BAD LIEUTENANT : ESCALE À LA NOUVELLE-ORLÉANS de Werner Herzog (2009) »

  1. Merci. Je lui donnerai sa chance alors. Fan du film de Ferrara, j’avais toujours évité ce «  »remake » ».
    PS : faute de frappe dans le prénom du réal en haut de page.

    1. Je me doutais que tu serais un fan de l’original, comme beaucoup de monde en fait. Mais tu peux tenter oui, honnêtement, les deux films, c’est un peu le même point de départ et basta, un peu comme Kitamura et Tsutsumi qui se lancent le défi de faire leur film sur le thème du duel ultime début 2000. Même base, mais au final, rien à voir 😉

      Et merci, corrigé.

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