Titre original : Nosferatu Phantom Der Nacht
1979 – Allemagne / France
Genre : Fantastique
Durée : 1h47
Réalisation : Werner Herzog
Musique : Popol Vuh, Richard Wagner, Charles Gounod
Scénario : Werner Herzog d’après Dracula de Bram Stoker
Avec Klaus Kinski, Isabelle Adjani, Bruno Ganz, Roland Topor, Jacques Dufilho et Walter Ladengast
Synopsis : À Wismar, au XIXe siècle, un jeune homme, Jonathan Harker part dans les Carpates afin de négocier la vente d’une maison avec le comte Dracula. Dans une auberge, des villageois le mettent en garde et tentent de le dissuader de lui rendre visite car il est bien connu dans la région que le comte n’est autre qu’un vampire. Harker va cependant lui rendre visite, à pied puisqu’aucun cocher ne veut l’accompagner, mais il tombe très vite sous l’emprise du comte, ne réalisant pas assez tôt qui est vraiment Dracula. Dracula se rend alors en bateau dans la ville de Wismar, avec des rats cachés dans des cercueils, afin d’y transmettre la peste.
Étrange projet que voilà. Nosferatu, le film de Murnau de 1922, avait quasiment été détruit puisqu’il copiait (et au final, transcendait) le roman de Bram Stoker, Dracula. Reste que le métrage, au-delà de son aspect plagiat qu’il a dés le départ, est un monument de cinéma. Alors que les droits de Dracula sont tombées, permettant à tout le monde de livrer sa version (on aura les versions de la Hammer, la version de John Badham en 1979 et tant d’autres), Werner Herzog, connu pour ses tournages longs et difficiles, se lance dans un remake de Nosferatu, en conservant les noms des personnages du roman de Bram Stoker. Cela permet dans un sens à Herzog de se rapprocher de l’œuvre originale, mais pourtant, il garde beaucoup d’aspects du Nosferatu de Murnau, notamment dans l’aspect du vampire, flippant, sans vie, bien loin des interprétations de Christopher Lee. Il retrouve Klaus Kinski et lui offre le rôle du vampire, ce qui lui « offrira » pas moins de 4 heures de maquillage par jour, rien que ça. Oui, entre Herzog et Kinski, ça se passe souvent mal, et on pourra comparer leur relation à une relation d’amour / haine. Production entre l’Allemagne et la France, distribuée par la 20th Century Fox, ceux-ci lancent une requête à Herzog. Il doit livrer une version anglaise du film. Ainsi, pour les scènes de dialogues, plutôt que de faire appel à un doublage (bien que certains acteurs furent ensuite doublés), chaque plan sera filmé deux fois, en Allemand, puis en Anglais.
Herzog aime se compliquer la vie donc, entre des scènes à tourner deux fois, la star Klaus Kinski dans le rôle titre (il avait joué le rôle de Renfield dans l’adaptation Les Nuits de Dracula de Jess Franco en 1970), Isabelle Adjani dans le rôle de Lucy. Chose amusante d’ailleurs, Roland Topor qui joue dans le film Renfield, avait vu son roman Le Locataire adapté au cinéma par Polanski en 1976, avec Isabelle Adjani dans le film. Que vaut donc cette nouvelle version de Nosferatu ? Soyons clair, la version de Herzog n’a pas la même puissance que la version de Murnau, véritable chef d’œuvre. Mais Herzog parvient malgré tout à livrer une œuvre puissance, et un classique de cinéma, et ce dés la magnifique scène d’ouverture, avec ces longs plans sur des momies sur la musique de Popol Wuh. Car oui, Nosferatu par Herzog est un magnifique film d’atmosphère, bénéficiant comme toujours d’une photographie sublime, et outre le rajout des noms originaux, Herzog livre plutôt en quelque sorte une extension du film de Murnau plutôt qu’un simple remake, plutôt que de copier. Herzog fait d’ailleurs le choix de rester fidèle au Nosferatu original en laissant certains éléments de Dracula au placard. Oui, ici, le métrage ne se focalise pas sur l’aspect suceur de sang comme dans toutes les autres adaptations, ni sur les personnages de Harker ou Van Helsing, n’ajoute aucun contenu érotique ou romantique (quoi que pour le côté romantique), mais introduit divers éléments du romans, comme la peste, les rats, les gitans.
Kinski livre une interprétation plutôt impressionnante du comte d’ailleurs. Il n’est pas séducteur, il n’est pas charmant, il est terrifiant, inhumain, n’a pas d’âme. Bref, il s’agît d’un prédateur nocturne, comme le rappelle ce plan oh combien sublime d’une chauve-souris au ralenti. Car si Nosferatu par Herzog n’arrive pas au même niveau que le métrage original, il n’en demeure pas moins un grand film donc, et surtout, comme souvent avec Herzog, un film avant tout visuel et sensitif. L’attention du spectateur ne se pose pas sur le scénario ou ses enjeux, mais bel et bien sur l’imagerie du film, le scénario n’étant là que pour servir cette imagerie. Pourtant, même en terme de scénario, ce Nosferatu possède des idées qui s’éloignent fortement du mythe traditionnel du vampire si l’on y prête attention. Ainsi, dés le début, les villageois préviennent Harker que le château est en ruines, et Harker décrira même le lieu comme irréel alors qu’il est dans un château comme neuf. Comme si Dracula, son château et finalement son monde ne faisaient pas parti du notre. La mise en scène d’Herzog semble d’ailleurs souvent appuyer ce point de vue, étant à bien des égards totalement surréaliste, que ce soit dans les angles, l’éclairage, ou même l’ambiance générale. Les longs plans atmosphériques sur le bateau, l’arrivée de celui-ci en ville, ce fameux plan de la chauve-souris, Kinski transportant de nuit son cercueil dans les rues. Nosferatu de Herzog regorge d’images fortes, de plans à la puissance visuelle certaine. Il souffre de sa comparaison avec l’œuvre de Murnau, mais demeure plus qu’intéressante.
Les plus
L’atmosphère surréaliste
Le casting
Une mise en scène très intéressante
Beaucoup d’aspects du mythe souvent oubliés
Les moins
Moins fort que le film de Murnau
En bref : Herzog s’attaque à un monument de cinéma, et si son film n’est pas aussi puissant, il trouve sa force ailleurs et brille par de très nombreux aspects. Culte.