Titre original : 智齒
2021 – Hong Kong
Genre : Policier
Durée : 1h58
Réalisation : Soi Cheang
Musique : Kawai Kenji
Scénario : Au Kin-yee d’après le roman de Lei Mi
Avec Gordon Lam, Cya Liu, Mason Lee, Ikeuchi Hiroyuki, Fish Liew, Hugo Ng, Sammy Sum, Hanna Chan et Kumer
Synopsis : Yam Hoi est un jeune officier de police qui sort de l’école. Il fait équipe avec Chin pour enquêter sur une série d’homicides dans un Hong Kong délabré.
J’aime bien le cinéma de Soi Cheang, mais je dois bien avouer ne jamais avoir réellement suivi sa carrière non plus. Il faut dire aussi que de base, je préfère le cinéma Japonais au cinéma HK, passé son âge d’or, qui commence à dater mine de rien. Alors oui évidemment, quand Wilson Yip nous sort un nouveau film, je fonce souvent, quand même. Mais pas pour Soi Cheang, même si dernièrement, sa carrière semble bien liée à celle de Wilson Yip, puisqu’après avoir livré un SPL 2 en 2015, suite du film de Yip, qui produisait, et bien voilà que celui-ci produit encore une fois son nouveau film, qui fait sensation depuis son passage dans les festivals début 2021. Limbo serait donc une perle de polar noir made in HK. Ça faisait bien saliver, et son côté hyper noir explique d’ailleurs sans doute pourquoi le film a autant trainé avant de débarquer, puisqu’après seulement quelques secondes de recherche, j’apprend que le film fut tout de même tourné en Septembre et Octobre 2017. La Chine ferait-elle vraiment pression sur le cinéma HK ? Ou bien le traitement visuel du film a vraiment prit un temps monstrueux ? Ou bien les deux allez savoir ! Mais voilà, Limbo est enfin là, et ce qui choque d’entrée de jeu après seulement quelques secondes, c’est que visuellement, ça envoie du lourd ! Le noir et blanc du film, entre la mise en scène donc et la photographie de Cheng Siu-Keung, est absolument sublime et met en valeur le côté dégradant des décors. Limbo est de toute manière un film d’ambiance, son scénario, il est simple, on le connaît d’avance. Un flic chevronné (Gordon Lam) avec ses démons, qui fait équipe avec un petit nouveau (Mason Lee) pour chopper un tueur qui tranche les mains de ses victimes féminines. Du coup, on retrouve des mains, puis des corps, dans des états discutables, et il serait aussi question de viols. Un tueur impitoyable, qui joue avec ses victimes, et au milieu de tout ça, une jeune femme, qui a un passé forcément sombre en lien avec notre détective, va se retrouver à devoir aider la police, et donc à être une future victime potentielle.
Le tout dans un Hong Kong souvent nocturne, délabré, où les ordures sont partout dans les rues, où les contrastes de noir et blanc sont tranchants comme des couteaux, et où il pleut souvent. On pourrait presque faire le rapprochement avec un certain Seven de David Fincher. Limbo oui ne raconte rien de nouveau, mais parvient à passionner par son traitement visuel, son ambiance sombre et sans espoir qui transpire de chaque plan, chaque scène. Limbo est, oui, une expérience avant tout visuelle, et en ce sens, une expérience parfaitement réussie. On peut lui reprocher dans son traitement scénaristique de rester sur des bases connues, sans doute comme le roman qu’il adapte et que je ne connais pas. Et c’est vrai. Le flic avec des méthodes peu orthodoxes, on connaît. Le tueur forcément étranger (Japonais), on connaît aussi, ce n’est pas du tout nouveau dans le cinéma HK. De même que l’association entre le flic rodé et le petit nouveau qui veut suivre à la lettre le règlement, du moins au départ. Mais Limbo semble pousser cette formule bien connue dans ses derniers retranchements. Et ça, on le droit surtout au directeur de la photographie, habitué de Johnnie To (il aura travaillé avec lui depuis les années 90, et encore récemment), et qui aura d’ailleurs souvent été nominé en festival pour son travail, notamment sur Election et PTU, mais aussi aux acteurs et au compositeur. Le compositeur, il n’est pas inconnu des connaisseurs, puisque c’est le Japonais Kawai Kenji qui s’y colle, et livre une bande son qui lui ressemble comme deux gouttes d’eau. De là à dire qu’il ne se renouvelle pas, il n’y a qu’un pas, et ce n’est pas totalement faux d’ailleurs, mais sa bande son colle parfaitement à l’ambiance désespérée et mélancolique du métrage. Les acteurs quand à eux, ils sont parfaits, totalement investis dans leurs rôles.
On pourra noter notamment la prestation de Gordon Lam, totalement investis dans son rôle, et que l’on avait d’ailleurs vu récemment dans Paradox, soit SPL 3, réalisé par Wilson Yip, dans un petit rôle. L’autre qui sort du lot, c’est la petite débutante Cya Liu, qui donne de sa personne dans un rôle pas si simple, et qui prend, comme souvent à Hong Kong, cher. Car Limbo, en plus d’aborder un visuel déjà sombre, délabré et pluvieux, et de mettre en avant un tueur sadique, et bien il n’est pas tendre non plus avec ces personnages, ne reculant jamais devant un petit passage à tabac, une scène d’action réaliste et donc ultra violente, ou encore quelques sévices. Le reste du casting fait le boulot, notamment Mason Lee dans le rôle du nouveau flic, ou Ikeuchi Hiroyuki, découvert à une lointaine époque dans Blues Harp de Miike Takashi (en 1998) ou Charisma de Kurosawa (1999), puis vu dans divers films (Hazard, Manhunt), et à Hong Kong, déjà dans le rôle du méchant Japonais, dans le premier IP Man pour Wilson Yip, encore ! Ils sont convaincants, mais moins marquants que le duo principal. Je dirais même qu’en étant légèrement en arrière plan (le nouveau flic est au départ assez passif, et le tueur n’apparaît que dans le seconde heure), ils mettent en avant ce qui compte dans Limbo, à savoir le lien entre le flic et la fille qui va l’aider, et cette ambiance noire. Car finalement, Hong Kong, sous la pluie, ensevelie sous les ordures, pourrait être un personnage à part entière sous l’œil éclairé à la fois du directeur de la photo qui sait tout mettre en valeur et de Soi Cheang qui sait assembler le tout pour donner sa vision. Pas innovant donc, mais ténébreux et sans espoir, qui prend aux tripes. Et ça, ça fait déjà tellement de bien, à l’heure où le cinéma de Hong Kong devient plus rare et que les productions Chinoises sont assez aseptisées et se ressemblent toutes.
Les plus
Un magnifique noir et blanc
De très bons acteurs
Un ton sombre et désespéré
Un polar sans concessions qui se suit hyper bien
Les moins
Mais il est vrai, un scénario minimaliste et prévisible
En bref : Limbo était annoncé comme une claque, et en effet, c’est plutôt le cas. Simpliste mais sombre, épuisant, sale, sublimé par un Hong Kong en noir et blanc.
Superbe film. Ça m’a rappelé cette époque ou le cinéma HK me transportait encore complètement. J’adore Soi Cheang depuis LOVE BATTLEFIELD, j’avais acheté le DVD HK à sa sortie : baffe cloutée ! J’ai enchainé tous ses premiers films, puis un brin déçu par ses suivants. Enfin MOTORWAY super sympa et voilà le grandiose LIMBO. Techniquement c’est monstrueux, cette photo, ces acteurs, la musique… On se sent enseveli sous les ordures, hors du temps, on pense un peu au cyberpunk par moment. Vive Soi Cheang !
Oh bien vu pour l’ambiance cyberpunk, c’est vrai que la vision de ce Hong Kong pluvieux, sombre, sous les ordures, peut un peu faire penser à ça.
Tu as l’air bien plus connaisseur que moi sur Soi Cheang, je l’ai découvert sur le tard, avec MOTORWAY justement que j’avais acheté en BR par hasard car pas cher en boitier métal. Vu son SPL 2, sympa bien qu’un poil trop câblé, la seconde vision fut moins bonne. Ces premiers films, toujours pas vu, ils doivent sortir en France en HD cette année, ce sera peut-être l’occasion de se plonger dans sa filmographie au final.
Je les avais chroniqués sur hkmania ces vieux films, il y a longtemps (2005 ou 2006 ?), Ced les a peut-être remis sur DarkSide, tiens je vais aller jeter un coup d’œil ! ^^
D’enfer cette critique ! Que ne suis venu plus tôt la consulter.
Bien content que « Limbo » rafle son prix en France et l’ajoute aux autres glanés en Asie.
Tu sembles mitigé sur la musique de Kawai, moi je la trouve dingue ! Elle rappelle celle de « Ghost in the Shell » don’t le visuel urbain s’inspirait d’ailleurs de Hong Kong. Tout se rejoint.
Et quel visuel ! Pas étonnant que ce soit le chef op’ de Johnnie To qui soit derrière. J’ai d’ailleurs pensé à PTU quand le jeune flic perd son flingue.
Déjà très hâte de me le refaire.
A force d’en entendre parler un peu partout depuis quelques jours, envie de me le refaire aussi. On dit qu’il ne faut pas abuser des bonnes choses, mais c’est vrai que ce genre de « claques » viscérales, ça se fait plutôt rare depuis quelques temps, donc autant en profiter.
Pour Kawai, je sais pas, disons que pour entendre beaucoup son oeuvre un peu partout (revu les GHOST IN THE SHELL il y a peu, vu les deux derniers IP MAN aussi dont il fait la musique, ainsi que d’autres films moins connus), là ça m’a moins convaincu, ou moins marqué du moins. On verra si une seconde vision confirme cette impression ou pas.
Je peux t’assurer qu’en salle, avec l’image immense de la ville noircie à l’encre dégoulinant sur les décharges publiques et les détritus humains, c’était raccord.