Titre Original : Kawaki – 渇き。
2014 – Japon
Genre : Noir c’est noir
Durée : 1h58
Réalisation : Nakashima Tetsuya
Musique : Grand Funk Inc
Scénario : Nakashima Tetsuya et Tadano Miako et Nonma Nobuhiro
Avec Yakusho Kôji, Komatsu Nana, Tsumabuki Satoshi, Shimizu Hiroya, Nikaidô Fumi, Hashimoto Ai, Kunimura Jun, Kurosawa Asuka et Odagiri Joe
Synopsis : Garret Smith, célèbre reporter au Denver Tribune, couvre une affaire de massacre horrible d’une famille de mormons, toutes les épouses et les enfants ayant été assassinés. Il semble que l’affaire s’explique par les mœurs étranges des mormons, qui admettent qu’il faut parfois tuer pour sauver l’âme de celui qui est sous l’emprise de l’Antichrist. À y regarder de plus près, l’affaire n’est peut-être pas si interne aux mormons que cela…
J’étais depuis des années passé à côté de The World of Kanako, alors que sans être fan, et bien, le cinéma de Nakashima Tetsuya a ce petit quelque chose qui m’y attire à chaque fois. Sans doute car il est une anomalie a lui tout seul en fait, puisque livrant des films aux budgets confortables, qui attirent le public et la critique, alors qu’ils sont à l’opposé des films aseptisés que les studios offrent le plus souvent aux spectateurs. C’est souvent, dans le fond, noir, désespéré, et dans la forme, très coloré, millimétré, et parfois même beaucoup trop stylisé. Et si il y a bien un film dans sa carrière qui marque une rupture, c’est Confessions en 2010. Un film que j’aime beaucoup malgré des défauts, et surtout, un film finalement intimement lié au film dont je vous parle aujourd’hui. Car The World of Kanako est une extension du dit film en quelque sorte, dans le fond, mais dans la forme, il en est l’exact opposé. Confessions abusait parfois des ralentis, pour donner une impression de violence qui prenait son temps pour débarquer. The World of Kanako, lui, fait l’exact opposé en nous plongeant clairement dans le mental de son personnage principal, Fujishima Akikazu, drogué, alcoolique, violent, perdant pieds, à la recherche de sa fille disparue qu’il ne connaissait finalement pas, et qui lui ouvre la porte vers un univers encore plus dépravé. Du coup, la mise en scène fait le choix du montage ultra cut, des plans de travers, des gros plans outranciers, de la photographie qui éclate la rétine, des effets de styles permanents, pour nous épuiser constamment, ne jamais nous laisser la moindre seconde pour souffler. Oubliez donc les ralentis sur la neige qui tombe, sur les couloirs du lycée, et bonjour au montage épileptique, à la lumière surexposée. Un choix comme un autre, mais qui tombe parfois dans ses propres travers. Mais retournons au début. Oui cette critique est totalement désorganisée, mais après tout, le film l’est tout autant, le montage s’amusant avec les flashbacks, juxtaposition de scènes et j’en passe.
Au commencement donc, il y a Kanako. Ou plutôt, il y a son père, Akikazu, joué par l’énorme Yakusho Kôji que l’on ne présente plus vu le nombre de métrages qu’il a fait pour Kurosawa Kiyoshi. Violent, alcoolique, drogué lorsqu’il en a l’occasion, un pied sans doute au bord du gouffre dés le départ, et dont la seule réponse à chaque question sera la violence. Lorsqu’on le rencontre, sa fille Kanako a donc disparue. Il la connaît finalement à peine, étant séparé de sa femme suite à une affaire de tromperie qui a mal tourné (à coup de poing dans la gueule et d’accident de voiture, la routine donc), et il va se mettre en tête de la retrouver. Pour… euh, la connaître ? Ah non, il le dit lui-même, pour l’attraper de ses propres mains et la frapper, voir la tuer. Bon alors de ce côté là, au fur et à mesure que le film avance et que l’on apprend à connaître Kanako, un peu à la manière d’une Laura Palmer, je parviens à le comprendre le papounet impulsif, car Kanako n’est pas l’ange incarné que l’on pouvait croire au début. La pomme pourrie ne tombe jamais bien loin de l’arbre comme on dit. Car The World of Kanako, avec ce personnage de père un brin violent et cette fille manipulatrice qui détruit tout ce qu’elle touche, on se doute que ce ne sera pas joyeux, mais le réalisateur prend un malin plaisir à toujours aller plus loin. En gros, on aura des passages à tabacs, des meurtres, coups de couteaux, de flingues, des viols, du harcèlement scolaire, du vomi, du sperme et j’en passe. La joie je vous dis. Joie qui transpire du scénario et de la mise en scène, qui fait tout pour nous plonger dans la psychè un brin fragile du personnage. Du coup, au départ, on est étonné, puis on se prend au jeu, car mine de rien, que l’on apprécie le style ou pas, il est maîtrisé, c’est indéniable. Et puis il y a ses moments grotesques réussis, et ce casting qui détonne. Yakusho Kôji déjà, excellent comme toujours, mais aussi Komatsu Nana, surprenante dans le rôle de Kanako, et même les plus petits rôles parviennent à surprendre.
Et on apprécie toujours de voir quelques têtes connues dans des petits rôles malgré tout exigeants, comme Kunimura Jun, Odagiri Joe ou encore Kurosawa Asuka. Donc, scénario sombre qui aime plonger toujours plus loin dans la crasse, mise en scène en adéquation avec son sujet et l’état mental de son personnage principal, casting 4 étoiles qui fait comme toujours des merveilles. Où est-ce que ça coince ? Surtout que le film va à 100 à l’heure et du coup ne permet dans le fond pas de s’ennuyer, que certains moments sont extrêmement sanglants (cette scène sur le parking, assez énorme)… Mais justement, passé un certain stade, on a l’impression que le film essaye toujours d’en faire plus, non plus par logique, mais juste pour enfoncer une nouvelle porte ouverte de plus, en rajoutant des éléments, comme un peu de prostitution, quelques trafics, et au bout d’un moment, trop c’est trop. Ça épuise, ça ne nous permet jamais de nous poser, et l’ensemble fini par sembler un brin gratuit. Et c’est dommage, car dans le fond, tout le monde, devant et derrière la caméra fait de l’excellent boulot. Mais il manque sans doute au film un peu de recul sur son sujet. Si bien que son épilogue, un peu plus posé, et qui semble ironiquement avoir posé des soucis à quelques spectateurs, m’a semblé être enfin une petite libération qui fait plaisir après 1h45 de cauchemar éveillé, de cauchemar crade et cru, parfois pertinent, parfois gratuit, parfois aussi un peu jouissif (le parking encore une fois). Et arrivé au bout de 2h, que penser finalement du film ? Difficile à aimer pleinement, difficile à détester également tant il ose s’éloigner des standards du grand public Japonais, et rien que cet aspect, il est à saluer, clairement. Le cinéma de Nakashima n’a jamais été parfait à mes yeux, mais je préfère finalement largement le côté posé mais tout aussi froid de Confessions ! Mais je sais aussi que si je tombe sur un autre film de Nakashima, je le regarderais très probablement sans souci.
Les plus
Yakusho Kôji, toujours énorme
Le reste du casting, également très bon
Quelques scènes bien sanglantes
Stylistiquement, too much, mais bien éloigné des standards
Un cauchemar éveillé
Les moins
N’ose jamais se poser une seule seconde
Parfois ça en fait des tonnes
Un peu gratuit ?
En bref : The World of Kanako, c’est un cauchemar halluciné, épileptique, qui va à 100 à l’heure sans arrêt, qui sent le sang, le vomi, le foutre, et où aucun personnage ne va venir remonter le niveau. Le plus souvent, c’est épuisant, et à force de toujours en faire plus, toujours, ça semble un peu gratuit. Mais difficile de bouder malgré tout, tant la proposition est rare, et que l’on apprécie ou pas le style, Nakashima le maîtrise, c’est indéniable.
Mouais. Trop bruyant pour moi, un peu trop « artificiel » à mon sens.
Plus que le côté artificiel, c’est le côté hystérique et du coup épileptique de la mise en scène qui m’a plus dérangé, même si comme je le dis, en soit, il maîtrise le style. Mais pour le coup, je préfère largement le côté posé et l’abus de ralentis de CONFESSIONS, que j’aime beaucoup au final, même si pas parfait non plus.