Titre Original : 新宿スワン
2015 – Japon
Genre : Policier
Durée : 2h19
Réalisation : Sono Sion
Musique : Otsubo Naoki
Scénario : Yamamoto Mataichirô et Suzuki Osamu
Avec Ayano Gô, Yamada Takayuki, Sawajiri Erika, Iseya Yûsuke, Murakami Jun, Mano Erina, Yasuda Ken, Toyohara Kosuke, Fukami Motoki et Yamada Yû
Synopsis : Shiratori Tatsuhiko erre dans les rues de Shinjuku à Tokyo. Un jour, il tombe sur Mako, un influent recruteur d’hôtesses et de prostitués, qui le prend sous son aile. Shiratori se retrouve alors entraîné dans une rivalité entre clans de proxénètes, dont les ressorts le touchent bien plus qu’il ne l’imagine.
En 2015, Sono Sion avait en quelque sorte enfin la reconnaissance du public et des gros studios. Pas moins de cinq longs métrages de cinéma, sans compter ce qu’il tourna pour la télévision, ça fait beaucoup en une année et pour un seul homme. Parmi les métrages, évidemment, il y avait donc des œuvres plus personnelles que d’autres. The Virgin Psychics par exemple adaptait une série qu’il avait lui-même créé en 2013, Tag était une nouvelle adaptation d’un roman qui avait déjà eu les honneurs d’une adaptation avec une série de cinq longs métrages à la qualité plus que variable (en gros, ça commence très bien avant de sombrer dans les tréfonds du V-Cinema). Néanmoins, à chaque fois, Sono Sion parvenait à mettre sa patte sur les projets, que ceux-ci soient bons ou pas, déjà en écrivant les œuvres. Et si je n’ai toujours pas vu ce qui s’annonce comme l’œuvre la plus personnelle de l’auteur cette année-là (The Whispering Star, qu’il a également produit), il était temps de se pencher sur ce qui s’annonçait comme son film le moins personnel, qu’il ne fait que réaliser, adaptant un manga, je veux parler de Shinjuku Swan. Un film qui ne m’intéressait pas vraiment au départ, mais bon, Sono Sion signant un film sur le milieu de la prostitution dans un quartier bien connu (Kabukichô à Shinjuku), avec en plus un casting qui fait néanmoins plaisir, ça ne se refuse pas. 2h19 plus tard le verdict tombe, et si en effet, le résultat final était des plus sympathique, il faut néanmoins modérer ce retour car Shinjuku Swan semble quelque peu coincé le cul entre deux chaises. Entre son côté cru et réaliste, voulu à la fois par son intrigue (les bars à hôtesses, la prostitution, la drogue, les guerres pour le contrôle de Kabukichô) mais aussi par la mise en scène de Sono Sion, jouant comme souvent avec une caméra à l’épaule suivant l’action, et donc une photographie naturelle (impossible d’éclairer avec de gros spots lorsque la caméra bouge ainsi) qui renforce le côté assez cru de l’ensemble, mais contrebalancé malgré tout par un côté beaucoup plus typé manga avec quelques simplicités dans le propos, dans le traitement, ou dans certains éléments (allez, on se fou sur la gueule et on devient pote ?) qui montre clairement l’origine du projet.
Shinjuku Swan nous raconte donc l’histoire de Tatsuhiko, jeune blond sans le sou qui arrive à Kabukichô sans trop savoir quoi faire de sa vie, et qui alors qu’il se fait tabasser par un gang local, est récupéré par Mako, appartenant à l’un des deux plus gros gangs du quartier, qui recrute des jeunes femmes dans la rue pour les amener dans des bars à hôtesses ou autres salons de massages. Tatsuhiko va donc être formé, va rejoindre le milieu, et va devoir recruter de belles jeunes femmes. Bien entendu, l’intrigue n’est pas si simple, puisqu’il y a des tensions entre les deux gangs, des guerres internes, des coups bas, des passages à tabac, et que tout le monde n’a pas un grand cœur comme notre héros blond. Lui, quand il recrute, il prend soin des jeunes femmes, il leur vient en aide, essaye d’être à leur disposition, car il veut les aider, les voir sourire, que ce travail, peu importe ce qu’on puisse bien en penser, c’est leur chance de réussir, de sortir du trou. Notre héros est donc forcément apprécié des jeunes femmes (notons la présence très rapide de l’idole Mano Erina dans le métrage… trop rapide pour que son personnage au passé sombre fonctionne pleinement d’ailleurs), alors qu’autour de lui, le milieu est beaucoup plus proche de la vision que l’on pourrait en avoir. Des femmes que l’on pousse à bout juste pour le rendement, que l’on drogue pour les tenir en laisse et les faire tenir, pour les rendre dépendantes. Dans son approche du milieu et du quartier même, surtout si comme moi, vous vous baladez dans sa version virtuelle quasi tous les ans depuis 2005 avec la saga Yakuza sur consoles (et l’avez vu en vrai), Shinjuku Swan est très intéressant, son propos est cru, et l’approche de Sono Sion donne un côté réaliste et prenant à l’ensemble. Surtout que mine de rien, le casting est bon, autant pour les premiers rôles (Ayano Gô et Yamada Takayuki) que dans les seconds rôles (Mano Erina donc, mais aussi Sawajiri Erika qui jouera une hôtesse accro à la drogue, Iseya Yûsuke qui apprendra les ficelles du boulot au héros, vu récemment dans les Kenshin).
Mais voilà, le film trouve par moment ses limites, dans le sens où bien qu’il soit prenant sans toujours aller au fond de son sujet, le fait qu’il adapte un manga alors que l’approche du réalisateur soit réaliste va créer par moment, du moins je l’ai ressenti ainsi, un fossé entre l’enrobage du métrage et son propos. Si cela reste plutôt discret durant toute la longue première partie du métrage (en gros, durant quasiment 1h30 voir plus), cela se remarque bien plus lors du final, lorsque le métrage lance ces dernières cartes, expliquant ainsi la rancune entre Tatsuhiko et son ennemi Hideyoshi, et pour moi, ça tombe relativement à l’eau, tant ça respire beaucoup trop la simplicité d’un manga grand public. Ce qui n’est pas un mal en soit, mais qui au sein d’un métrage plus adulte et mature dans son propos et ce qu’il raconte, dénote vraiment avec le reste. Ca n’en fait pas un mauvais film, même si du coup son dernier tiers est clairement bien en dessous du reste, mais ça empêche le film d’être pertinent sur le milieu sur toute la durée, alors que la première partie, sans être d’une grande originalité, nous plongeait vraiment dans le milieu des hôtesses, de la prostitution, et donc dans l’envers du décor de ce quartier iconique de Shinjuku. La grande question, c’est de savoir si la suite, sortie en 2017, parvient à mieux gérer son côté manga, ou tout simplement s’il l’adapte toujours ou développe sa propre histoire ? Le casting en tout cas fait encore une fois envie. Quant à Sono Sion, en livrant une simple œuvre de commande qu’il n’écrit pas, il permet enfin à ses personnages de s’exprimer sans crier à longueur de temps !
Les plus
Le milieu de la prostitution à Kabukichô
Un aspect réaliste la plupart du temps
Un bon casting
Ça se suit sans souci
Les moins
Le final qui respire trop l’influence manga
Malgré tout, très classique et sans grande originalité
En bref : Shinjuku Swan est un film de commande pour Sono Sion, qui met son style au service d’une adaptation réussie même si loin d’être parfaite, mais qui demeure intéressante.
A FEW WORDS IN ENGLISH | |
THE GOOD | THE BAD |
♥ The dark world of Kabukichô ♥ A realistic style most of the time ♥ A good cast ♥ It’s an entertaining movie |
⊗ The film looks too much like a manga in its core ⊗ Too classical, too predictable and déjà vu |
Shinjuku Swan is not a personal film for Sono Sion, he puts his style at the service of the adaptation, a good one yes, but far from being perfect. Interesting. |
ça rappelle des souvenirs on dirait 😉 J’ose pas dire que c’est du vécu vu l’histoire, mais je comprends que le regard sur cette œuvre de Sion soit plus affûté.
J’arrive pas à comprendre comment il peut enquiller autant de production en une année. Forcément, ça rejaillit sur la qualité de l’ensemble.
En effet, j’ai du rajouter quelques petites phrases sur ce texte écrit au départ l’année dernière 😉 Et forcément, j’ai été plus attentif sur les lieux utilisés pour le film en revoyant mes captures.
Pour le cas Sono en 2015, c’est bel et bien assez étonnant, surtout que même les oeuvres que je n’ai pas aimé (ou que Oli n’a pas aimé), il y a malgré tout un travail de mise en scène, et surtout, il est rarement uniquement réalisateur, sauf ici. Souvent il écrit, produit. Contrairement au Miike du début des années 2000, qui enchaînait, mais souvent des films à bas budget et donc aux tournages crevants mais éclairs, et en se contentant de la mise en scène, il n’a quasiment jamais écrit ces films, quasiment jamais produit non plus. Le mystère reste donc entier.
A quoi carbure ce type ? Il y a un bouquin sur lui que je me suis toujours dit d’acheter un jour. Il serait peut être temps.