EXTRANEOUS MATTER (異物-完全版) de Ugana Kenichi (2021)

EXTRANEOUS MATTER

Titre Original : 異物-完全版 – Ibutsu – Kanzenban
2021 – Japon
Genre : Drame
Durée : 1h01
Réalisation : Ugana Kenichi
Scénario : Ugana Kenichi

Avec Koide Kaoru, Tanaka Shunsuke, Ishida Momoka, Yoshimura Kaito, Tanaka Makoto, Miyazak Shuto, Duncan et Takanashi Mizuki

Synopsis : En des lieux différents, plusieurs personnages sont confrontés à la même créature visqueuse, certes repoussante mais propre à leur donner du plaisir où à devenir un très bon ami…

Avant de devenir un long métrage à la durée pourtant courte de 1h01, Extraneous Matter était un court métrage tourné par Ugana Kenichi en 2020, avant de se voir allonger pour apporter de nouvelles thématiques. Dans les faits, rien de bien surprenant, mais ce qui est surprenant, c’est de voir finalement un tel film débarquer en France, en support physique. Car le film écrit et réalisé par Ugana cultive les extrêmes pour finalement parler de manière pertinente de la société actuelle, la société Japonaise donc, mais dont les thèmes universels finalement peuvent parler à tout le monde. Mais oui, en lançant la bête, on peut très facilement se demander ce que l’on regarde, quand après une très courte introduction du personnage central, Kaoru (très convaincante Koide Kaoru), via sa petite routine matinale ressemblant comme deux gouttes d’eau (ou de café, vu son rituel matinal) à un quelconque film indépendant, on nous présente dans son placard la présence d’une créature extra-terrestre, et Japon oblige, tentaculaires, qui va amener un peu de piment sexuel dans sa vie. Au premier coup, on pourrait presque considérer Extraneous Matter comme un simple pinku, un film érotique un brin déviant avec ses tentacules. Sauf que le réalisateur a des choses à raconter, et adopte en plus une forme, visuelle et auditive, qui l’éloigne clairement du genre cité. Extraneous Matter est donc clairement, dans le fond, un film assez étrange, trop d’ailleurs pour le grand public qui sera déconcerté par cette ouverture, et finalement, trop dramatique et pas assez érotique pour les plus pervers du fond.

Car via plusieurs personnages et une évolution de l’arrivée de ces créatures à tentacules dans la grande ville, Ugana Kenichi entend bien nous parler de la société Japonaise, et son métrage est encore plus d’actualité, un peu par le fruit du hasard, aujourd’hui. Avec son noir et blanc contrasté, son 4/3 et son mixage mono qui vient clairement enfermer ses personnages dans un cadre très serré et morne, le réalisateur entend nous parler de manière globale de l’individu, vivant dans la métropole, via plusieurs personnages. Kaoru donc, en couple, mais vivant une vie sans sexualité, et qui va trouver la créature qui va en quelque sorte la faire monter au septième ciel, mais pas que, puisque Extraneous Matter, via sa narration morcelée en quatre petites histoires montrant l’évolution de la créature, va en profiter pour changer de personnages toutes les vingt minutes, pour amener de nouvelles thématiques. La solitude dans une grande ville à l’heure où les interactions humaines sont souvent limitées et que les réseaux sociaux n’aident pas forcément, loin de là. Mais aussi l’apparence (cet ex petit ami dans le second segment, celui du bar, expliquant à son ex qu’il était dégoûté par la créature au premier abord, avant de la trouver à présent charmante), les interactions sociales dans le monde du travail (via le troisième segment, dans une usine), la compréhension des autres avec ce jeune homme clamant qu’il comprend les créatures, avant d’amener finalement une note bien plus douce, presque romantique pour clôturer l’ensemble qui jusque-là, affichait plutôt un ton résolument pessimiste, et un brin barré bien évidemment. Avec l’apparition, la cohabitation puis la disparition de ses créatures, le réalisateur en profite pour brasser des thèmes bien variés mais tous liés, avant de conclure sur une note presque douce et amère à la fois en revenant sur Kaoru.

Ugana Kenichi livre donc un film certes court, mais non dénué de nombreux commentaires et constats sociaux, sans pour autant les exploser bêtement à l’écran pour satisfaire un grand public. Il joue avec l’étrangeté, la banalité, et surtout maîtrise son texte mais aussi la forme qu’il donne à son histoire, alors que l’on sent clairement pour certaines scènes le casse-tête qu’a dû être la production, pour animer la créature dans des pièces minuscules avec une équipe technique et des acteurs présents. Mais il semblait savoir ce qu’il voulait, avec son noir et blanc, sa caméra très souvent stable et fixe, sur pied, la répétition routinière de certaines actions, comme le réveil de Kaoru, avec la préparation de son café, avec une caméra de plus en plus éloignée au fur et à mesure des répétitions, montrant sans doute l’ouverture graduelle du personnage via ces expériences, que cela soit conscient ou non de la part du réalisateur. Extranous Matter, ça n’aurait pu être qu’un petit métrage insignifiant, surtout vu certains éléments le rapprochant parfois du pinku un brin déviant, mais pourtant, il a ce petit truc en plus, cette volonté qui, à l’image d’un Tetsuo qui reprenait l’imagerie d’un genre pour dynamiter ces thématiques, ou d’un Meatball Machine qui sous son emballage de blague gore s’avérait être un film dépressif sur la solitude, permet de faire passer un message et d’hypnotiser, à condition d’accepter de voir plus loin que ces images, aussi belles soient-elles. Merci en tout cas à Spectrum de prendre le risque sans doute immense d’amener ce genre de métrage chez nous !

Les plus

Très intéressant dans ces nombreuses thématiques
Visuellement sobre et maitrisé
Des acteurs investis et très convaincant
Court et allant à l’essentiel

Les moins

Au début, un côté très pinku qui pourra rebuter
Mais après, un côté drame social qui pourra aussi surprendre

En bref : Extraneous Matter, avec son alien à tentacules, n’aurait pu être qu’une blague de plus. Mais le réalisateur a des choses à dire, et a tout donné pour livrer au final un drame social parfois pertinent, et parfois même assez tendre, qui saura surprendre ceux qui se laisseront tenter.

A FEW WORDS IN ENGLISH
THE GOOD THE BAD
♥ Very interesting themes
♥ Well done visually
♥ Invested actors, and very convincing
♥ A short film, with a tight narration
⊗ At the start, it looks like a pinku, so many people could be scared
⊗ Then, it’s more of a social drama, and it can surprise people
Extraneous Matter, with its alien with tentacles, could have been just a silly joke. But the director has things to say, and gives everything so his film looks like a social drama, an interesting one, tender at times, and it could surprise people who will give the film a chance.

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