1984 – Etats Unis
Genre : Thriller
Durée : 1h54
Réalisation : Brian De Palma
Musique : Pino Donaggio
Scénario : Brian De Palma et Robert Avrech
Avec Craig Wasson, Melanie Griffith, Gregg Henry et Deborah Shelton
Synopsis : Jake Scully, jeune comédien au chômage souffrant de claustrophobie, occupe pendant quelque temps l’appartement d’un ami. Profitant de la vue panoramique, il observe sa charmante voisine, Gloria, dont il ne tarde pas à devenir fou amoureux. A force de l’épier, il remarque que quelqu’un d’autre la surveille.
Dernier film de la grande période « Hitchcockienne » de Brian De Palma, Body double reste encore aujourd’hui un de ses meilleurs films, malgré des défauts évidents. Prenant comme point de départ des inspirations à Vertigo et Fenêtre sur cour, le réalisateur mais également scénariste et producteur ne se contente pas de plagier l’œuvre de son maître, mais va bien au-delà. On y retrouve tous les thèmes chers au metteur en scène : le voyeurisme, la manipulation, et le double. Et cela marche à merveille, tant les thèmes sont ici merveilleusement exploités. Pour ouvrir son film, De Palma reprend le même artifice que 3 ans plus tôt avec Blow out. Nous voyons le tournage d’un film d’horreur de série Z, appelé Le baiser du vampire. Décors en carton, brume artificielle, maquillage risible. Mêmes les titres du générique s’inscriront en lettres de sang plutôt laides, avant de laisser le sang s’écouler et de laisser apparaître une meilleure police d’écriture. Même si ici, l’ouverture est moins appuyée que sur Blow out (où elle durait pas moins de 5 minutes, faisant croire au spectateur qu’il aurait pu se tromper de film), cela fonctionne à merveille, et le plan d’ouverture se suffit à lui-même. Comme pour le film déjà cité, Body double prend comme personnage principal une personne travaillant dans le milieu. L’ingénieur du son devient ici un acteur de séries Z.
Cependant, là où dans Blow out, la profession du personnage lui permettait de résoudre la solution de l’énigme dont il est le témoin, ici, en quelque sorte, cela permettra au personnage de Jake de vaincre sa peur beaucoup plus loin dans le métrage. Le film pourrait suivre cette ligne : Tout doit aller beaucoup plus mal avant d’aller mieux ! Et c’est le cas. Les vingt premières minutes serviront à présenter les personnages, l’histoire, et le centre de l’énigme avec le personnage de Gloria, une voisine, exhibitionniste. On peut donc voir en quelque sorte une critique du milieu du cinéma, tantot ironique, tantot cruel envers Jake. Mais à partir du moment où Jake se retrouve dans le sublime appartement de son ami, acteur également, les choses changent pour lui, tout comme la position du spectateur, qui passe de son statut de spectateur inactif à celui de voyeur également. Au final, ce n’est pas seulement Jake qui espionne sa voisine, c’est le spectateur, prit malgré lui en flagrant délit de fascination pour ce qu’on nous montre. La musique de Pino Donaggio, à ce titre, convient magnifiquement aux images, que ce soit dans les meilleurs moments de suspense, où justement, ces scènes de fascination, avec une musique très douce, envoûtante, tout comme les images. C’est aussi à ce moment précis que, sans le savoir, l’intrigue particulièrement bien huilée se met en place pour le spectateur, à son insu, sans qu’il s’en rendre vraiment compte. Pourtant, à la seconde vision, l’intrigue révèle immédiatement son jeu, et c’est cela tout le génie de cette première scène de voyeurisme. Les clés sont entre nos mains, et pourtant, on ne l’aperçoit pas, à cause de notre fascination perverse pour les images. En ce sens, on pourrait comparer cette scène au premier meurtre des Frissons de l’angoisse, de Dario Argento, où là aussi, la clé est directement entre les mains du spectateurs, qui pourtant, ne la remarque pas, l’œil étant attiré vers autre chose.
Brian De Palma va ensuite faire ce qu’il fait de mieux depuis toujours : filmer une filature, avec ce qu’elle peut posséder de suspense, tensions diverses, et de virtuosité à la caméra avec ses plans dirigés au millimètres prés, toujours accompagnée de la musique de Donaggio. Cependant, le film décollera encore plus, avec un mystère encore plus fascinant dans sa mise en scène : le meurtre de Gloria. Réalisée main de maître, cette séquence, alliant gros plan sur les objets, les yeux des différents acteurs, pendant que Jake, témoin malgré lui, à cause de sons statut de voyeur, tentera de venir au secours de la victime, en vain. Comme tout bon mystère dans un film de De Palma, il faut : un meurtre, un témoin. Et le réalisateur nous manipule une nouvelle fois, la vérité étant tout autre qu’elle n’y parait. Pour la trouver, Jake devra d’ailleurs s’infiltrer dans un autre milieu du monde du cinéma : le milieu porno. Si au départ, cette partie du métrage pourrait paraître gratuite, en décalage, et sans intérêt, il n’en est rien. Cela fait partie de l’histoire, bien huilée depuis le départ. Quand les révélations arriveront finalement au spectateur, il ne pourra que se dire qu’il a une nouvelle fois été bien bluffé par le réalisateur, connaissant à merveille le schéma de la manipulation, s’appropriant certains artifices propres à Hitchcock, pour les sublimer avec sa caméra, la faisant passer pour un personnage à part entière, on pardonnera donc certains défauts dans l’interprétation, une première partie peut être un poil trop longue, et un final beaucoup trop rapide.
Les plus
La mise en scène
La chanson Relax
Une intrigue hommage à Hitchcock
Les moins
Final expéditif
Un petit coup de vieux, c’est triste, mais vrai
De Palma prend peut être trop son temps parfois
En bref : Des images marquantes, fascinantes, une intrigue tordue et machiavélique, une critique du milieu du cinéma, hommage à Hitchcock, sans doute le meilleur thriller de De Palma avec Blow out.