Titre original : Opera
1987 – Italie
Genre : Giallo
Durée : 1h47
Réalisation : Dario Argento
Musique : Claudio Simonetti
Scénario : Dario Argento et Franco Ferrini
Avec Cristina Marsillach, Ian Charleson, Urbana Barberini, Daria Nicolodi, Coralina Cataldi-Tassoni, Antonella Vitale et William McNamara
Synopsis : À la suite de la défection forcée de la cantatrice principale, la jeune chanteuse Betty accepte le rôle de Lady Macbeth dans l’opéra de Verdi, malgré la réputation de malchance véhiculé par ce rôle. Elle se retrouve vite la proie d’un mystérieux fan psychopathe avec lequel elle semble avoir un lien.
Datant déjà de 1987, Opéra est le premier film de Dario Argento qui n’aura pas bénéficié d’une sortie en salle en France. Est-ce représentatif de la qualité du film ? Pas vraiment, puisqu’Opera reste il est vrai un bon Argento, mais il démontre déjà les limites du cinéma de son auteur. Il faut dire que Argento revient encore et toujours au giallo ici, alors qu’il avait en quelque sorte livré le film ultime du genre en 1982 avec le génial Ténèbres. Que peut-il donc rajouter avec Opéra ? C’est simple, visuellement, Opéra reste sans doute l’un des métrages les plus ambitieux d’Argento, comme s’il voulait tout simplement réaliser un giallo mais en y incorporant la mise en scène surréaliste et virtuose de Suspiria et Inferno. Oui, Opéra contient certains des plans les plus ambitieux de sa carrière, comme lorsque des corbeaux par centaines sont lâchés dans une salle d’opéra et que la caméra tourne dans la salle pour simuler la vue subjective des animaux, ou que le tueur tire une balle à travers un œilleton et que celle-ci le traverse, puis une tête, puis le reste de la pièce. Car oui, nous sommes en 1987 encore, et tout est fait sur le plateau, pas de numérique. Ambitieux je vous dis ! Ces deux plans avaient d’ailleurs tellement fait parler d’eux à l’époque que lorsqu’enfant, je trouvais la VHS sur Paris dans une boutique d’occasion, j’avais tout fait pour que ma mère soit clémente et l’achète (et devinez… j’ai réussi).
Si Opéra vaut le coup d’œil, c’est pour sa mise en scène, virtuose à tous les instants. Car les deux plans ci-dessus ne sont que des moments dispersés dans le métrage, mais celui-ci regorge d’idées qu’Argento met en scène de manière tout aussi impressionnante. Comme une partie de cache-cache dans un appartement plongé dans une lumière verte et dont la caméra se trouverait au plafond pour filmer de haut tous les personnages. Ou tout simplement l’idée bien connue du métrage, où le tueur du film place des aiguilles sous les yeux de l’héroïne pour la forcer à regarder ses meurtres, un peu à la manière d’Orange Mécanique. Là vous vous dites que le film est un bijou oublié de la filmographie d’Argento, et il est vrai que le métrage est oublié (et inédit en France depuis la VHS, mais il existe le DVD us d’Anchor Bay de très bonne qualité), et que le film flatte l’œil à chaque instant. Le souci derrière, c’est que niveau scénario, ça fait plutôt mal. Pas dans le bon sens du terme. Pourtant, un opéra maudit, une fille forcée de regarder les meurtres du tueur, des corbeaux lancés dans un opéra, des plans virtuoses, tout est là, on veut y croire.
Mais Argento et son coscénariste font des choix pas toujours judicieux, et même qui surprennent. Surtout vis-à-vis du personnage principal. Oui, nous suivons une jeune femme, maltraitée, forcée de regarder tous les meurtres sinon, des aiguilles lui transperceront les yeux. On reconnaît le sadisme d’Argento, les meurtres sont visuellement chocs et réussis, là n’est pas le soucis. Mais notre pauvre héroïne, elle est malmenée, attachée, menacée, poursuivie, voit ses proches mourir, mais l’instant d’après, elle s’en fou complètement. Certes, Argento souligne parfois le fait qu’un événement dans son passé l’a traumatisé, mais de là à la faire paniquer durant le meurtre et penser à autre chose l’instant d’après est un peu gros, et la crédibilité en prend un coup. Du coup, comme l’héroïne, le spectateur est rapidement détaché de ce qu’il regarde. Oui c’est beau, impressionnant même, virtuose, mais on s’en fou un peu parfois. Dommage. Dans le même ordre d’idée, on pourra parler du final, le vrai final, l’ultime sursaut, qui est en contraste total avec le reste du film et débarque de manière incongrue, à tel point qu’un petit rire se sera échappé. Et c’est clairement dommage. Argento a soigné son emballage à l’extrême, mais délaissé quelque part son scénario, n’en gardant que les bonnes idées et se foutant du reste. Très dommage. Bon, bien entendu, ça se regarde, c’est rythmé, ça impressionne parfois, mais ça déçoit malgré tout.
Les plus
Visuellement somptueux
Des scènes fortes et bien trouvées
Une ambiance d’opéra délicieuse
Les idées des meurtres
Les moins
La musique hard rock déplacée
Les réactions de l’héroïne
De nombreux défauts de scénario
En bref : Opéra, ça alterne le chaud et le froid. Plastiquement, c’est parfait et certainement le dernier grand Argento, car maîtrisé de bout en bout, mais les égarements du scénario eux font tâche, dommage.