LE GUERRIER SILENCIEUX (Valhalla Rising) de Nicolas Winding Refn (2009)

LE GUERRIER SILENCIEUX

Titre original : Valhalla Rising
2009 – Danemark / Angleterre
Genre : Aventure mystique
Durée : 1h33
Réalisation : Nicolas Winding Refn
Musique : Peter Kyed et Peter Peter
Scénario : Nicolas Winding Refn et Roy Jacobsen
Avec Mads Mikkelsen, Alexander Morton, Stewart Porter, Maarten Stevenson, Matthew Zajac, Gordon Brown et Gary McCormack

Synopsis : Pendant des années, One-Eye, un guerrier muet et sauvage, a été le prisonnier de Barde, un redoutable chef de clan. Grâce à l’aide d’un enfant, Are, il parvient à tuer son geôlier et ensemble ils s’échappent, s’embarquant pour un voyage au cœur des ténèbres. Au cours de leur fuite, ils montent à bord d’un bateau viking, mais le navire, pendant la traversée, se retrouve perdu dans un brouillard sans fin, qui ne va se dissiper que pour révéler une terre inconnue. Alors que ce nouveau territoire dévoile ses secrets, les Vikings affrontent un ennemi invisible et terrifiant, et One-Eye va découvrir ses véritables origines…

Aujourd’hui, j’ai eu envie de revenir sur Le Guerrier Silencieux, alias Valhalla Rising, un des grands films incompris de Nicolas Winding Refn, pourtant continuité logique de sa carrière, et surtout une continuité logique de Inside Job et Bronson. Un film que l’on peut rapprocher du cinéma de Kubrick en fouillant un peu. Inside Job livrait déjà en 2000, après deux films réalistes tournés caméra à l’épaule, un aperçu de là que Refn voulait aller, vers un cinéma plus silencieux, plus symbolique voir métaphysique parfois. Le film nous présentait des scènes qui semblaient fortement inspirées du cinéma de Kubrick. Puis vint Bronson, qui citait carrément Orange Mécanique, et surtout qui parvenait à être un film passionnant, en nous racontant l’histoire d’un mec pas franchement passionnant. Valhalla Rising poursuit cette exploration en poussant le bouchon bien plus loin, et divisera totalement les spectateurs à sa sortie. Car ceux qui attendaient un récit barbare au temps des vikings se sont plutôt retrouvés face à 2001 l’Odyssée de l’espace chez les vikings. Ce qui est très différent il faut l’avouer. Une bonne partie des spectateurs s’est donc sentie trahie, et a lâché prise face au film proposé par Refn, face à ces longs plans sur des sublimes décors, face à ce guerrier bel et bien silencieux (il est muet), et face à cette ambiance totalement surréaliste. Oui, si on prend Le Guerrier Silencieux sans chercher à comprendre la signification des images que le réalisateur nous offre, nous avons un film long, avec des personnages qui marchent, longtemps, ne parlent pas, meurent parfois de manière atroce, puis vont de nouveau marcher.

Mais on le sait depuis le temps, et encore plus avec ces deux récentes œuvres que sont Only God Forgives et The Neon Demon, Nicolas Winding Refn est avant tout un réalisateur visuel, qui travaille la symbolique, qui fournit une histoire minimaliste mais qui trouve toute sa richesse de par la signification de ces images, de par son montage, lent mais pas long, et de par son utilisation de la musique pour créer une atmosphère surréaliste et hypnotisante. Le Guerrier Silencieux s’inscrit totalement dans cette veine là, un voyage aux côtés de personnages silencieux, un voyage métaphysique, un voyage qui nous emmène en enfer. Découpé en six chapitres, le film ne nous prend aucunement par la main, mais son début paraît presque basique et normal. Nous sommes au temps des vikings, et l’on découvre One-Eye, un guerrier muet qui n’a qu’un œil comme l’indique son nom, joué par Mads Mikkelsen, habitué du réalisateur (la trilogie Pusher, mais également Bleeder) One-Eye est un prisonnier, et il parvient à s’évader, non sans dommages collatéraux. La violence est frontale, parfois insupportable, et Refn filme l’ensemble sans mentir, sans détourner sa caméra. Un début qui laisse véritablement présager le film barbare que l’on attendait du titre, avant que notre héros ne rencontre d’autres personnages et ne part avec eux en bateau pour sa quête. Une quête initiatique, qui trouvera du sens (ou non suivant les spectateurs) via les images que le réalisateur nous offre. Voir même plusieurs sens. One-Eye est-il voué à aller en enfer et est-ce là son voyage vers ce lieu ? Ou bien est-il une sorte de passeur et emmène-t-il les autres personnages vers leur sombre destin ?

Chaque vision du métrage pourra amener le spectateur vers telle ou telle signification, vers tel ou tel choix de compréhension. Avec Valhalla Rising, Nicolas Winding Refn trouve même ce qui fera son cinéma par la suite, avec une forme ultra léchée mais un fond fondamentalement anti commercial, un métrage qui brise la narration classique pour ne pas nous livrer toutes les clés et nous contraindre à réfléchir au pouvoir des images. Mais si le métrage amorce ce changement dans la carrière de son réalisateur (qui trouvera deux ans plus tard la reconnaissance du public avec son œuvre la plus commerciale, Drive), le film peut également être considéré comme un coup d’essai, qui frise par moment le génie, mais atteint aussi par moment certaines limites, ou disons plutôt certaines erreurs. Oui, certaines errances des personnages dans la forêt, où ils ne font que marcher dans des plans certes tous à tomber par terre, paraissent longs. Avec sa durée de pourtant 1h33, le métrage trouve dans certains de ces chapitres (le 4ème ou 5ème, sur 6) certaines longueurs. Le film aurait sans doute gagné à durer 10 petites minutes de moins. Reste que le métrage reste une expérience et une proposition de cinéma différente qui vaut le détour, pour son utilisation de la symbolique, pour la beauté de ses images, pour Mads Mikkelsen qui porte le film sur ses épaules sans prononcer un mot, pour son ambiance lourde et hypnotisante. Mais qui reste du coup à conseiller aux spectateurs prêts à accueillir cette expérience de cinéma et à fournir un effort personnel, et à déconseiller au grand public qui veut du rythme dans l’action et toutes les significations apportées sur un plateau. Radical oui.

Les plus

Un visuel sublime
Mads Mikkelsen
La force de certaines images
Une expérience unique

Les moins

Quelques longueurs

En bref : Une expérience de cinéma radical s’inspirant énormément du cinéma de Kubrick, mais qui au final ne ressemble à aucun autre film.

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