SNAKE EYES de Brian De Palma (1998)

SNAKE EYES

Titre original : Snake Eyes
1998 – Etats Unis
Genre : Policier
Durée : 1h38
Réalisation : Brian De Palma
Musique : Sakamoto Ryûichi
Scénario : David Koepp
Avec Nicolas Cage, Gary Sinise, John Heard, Carla Gugino, Stan Shaw, Kevin Dunn, Michael Rispoli et Luis Guzman

Synopsis : Au Palais des sports d’Atlantic City, la foule est venue en nombre assister au combat du siècle, opposant deux poids lourds de la boxe. Mais la soirée dérape lorsque des coups de feu éclatent à proximité du ring, touchant mortellement le secrétaire d’État à la Défense. L’enquête commence sous la direction d’un inspecteur plutôt corrompu, Rick Santoro. Rick va tenter de restaurer sa réputation et sauver celle de son ami Kevin Dunne, chargé de la sécurité du secrétaire d’État, absent au moment du drame.

Si les années 80 sont des années folles pour Brian De Palma, enchaînant les succès public (Scarface, Les Incorruptibles) et les films plus personnels devenus cultes par la suite (Blow Out, Body Double, Outrages), les années 90 sont un peu plus complexes. Il continue d’alterner un cinéma plus commercial et un cinéma personnel, mais certains films passent inaperçus, comme Le Bûcher des Vanités en 1990, ou sont mal aimés. Là je pense bien entendu à L’esprit de Caïn en 1992. Mais juste après ça, Brian De Palma fait équipe avec le scénariste David Koepp, et ensembles ils livreront L’Impasse, un des meilleurs films de De Palma, où il retrouvait 10 ans après Scarface le grand Al Pacino pour un rôle à la fois similaire et totalement opposé. Trois ans plus tard, ils retravaillent ensembles sur le premier Mission Impossible. Un film qui lança la saga arrivant à présent à son sixième film, un film certes commercial et attendu puisqu’adaptant la série culte (comme De Palma l’avait fait avec Les Incorruptibles en 1987), mais un film que De Palma arrive à « parasiter » avec ses propres thèmes et mécaniques. En résulte la sublime scène du casse silencieux au siège de la CIA. Un grand moment de cinéma, et de mise en scène. Dommage pour le final plus musclé imposé par Tom Cruise producteur. Mais qu’à cela ne tienne, le film est un succès, et reste un excellent film malgré qu’il aura fait crier plus d’un fan pour certains choix osés (mais intelligents). Deux ans plus tard, David Koepp et Brian De Palma désirent toujours travailler ensembles, et après avoir établis les grandes lignes de l’intrigue à deux, se lancent dans l’aventure de Snake Eyes. Un métrage contenant le style De Palma à tous les niveaux, autant dans les thèmes, dans son intrigue, dans ses personnages que dans sa mise en scène virtuose, que De Palma maitrise malgré un retournage notamment du final, et dont il peut donner sa vision sans vraies contraintes, aidé par un budget de 73 millions de dollars.

Snake Eyes est donc à tous les niveaux du pur De Palma, et encore plus avec sa scène d’ouverture bien connue, un plan séquence de près de 20 minutes. Bien entendu, tout le monde le sait aujourd’hui, et cela se remarque notamment à un moment très tôt, mais le plan séquence est faux. Néanmoins, au moins 12 minutes de ce fameux plan est un vrai plan séquence filmé à la Steadycam. Et sachant les incessants déplacements de la caméra, le nombre de figurants, d’acteurs présents, les dialogues, la gestion des éclairages, des techniciens, la prise de son… et bien c’est un coup de maître, surtout que cette très longue scène met en place absolument tout le film puisque nous présentant l’intégralité des personnages, le lieu de l’action, et surtout le meurtre qui va amener l’intrigue. La caméra, et donc par extension le spectateur devient un acteur à part entière du métrage, avec un point de vu volontairement faussé, puisque passé ce plan séquence, Rick (Nicolas Cage) va mener l’enquête sur les événements ayant menés au meurtre, et reviendra donc inlassablement en flashback sur ce fameux plan séquence, mais ce coup-ci vu depuis d’autres angles. C’est bien simple, le point de vu est un des éléments principaux du métrage. Un peu à la manière de Carpenter dans Ghosts of Mars quelques années plus tard (toutes proportions gardées, je n’aime pas Ghosts of Mars), De Palma joue sur le point de vu, toujours différent puisque les flashbacks seront toujours racontés par de nouveaux personnages, et l’intérêt est simple. On peut tout simplement croire ce qu’on nous raconte, mais en soit, avec un meurtre ayant eu lieu et un complot étant derrière tout ça, ce que le réalisateur décide de nous montrer n’est pas forcément la vérité. Les vingt premières minutes en plan séquence sont donc les faits, tandis que les nombreux flashbacks, souvent dans un style cher à De Palma (l’écran splité, le plan séquence, la vue subjective) ne sont que des points de vu différents, et surtout, des « on dit ».

Snake Eyes est donc clairement un film avant tout visuel dans sa structure et dans sa narration, rappelant d’ailleurs une des meilleures scènes de Mission Impossible (quand Ethan Hunt imagine dans sa tête les événements du début après ses retrouvailles avec un personnage clé), mais en poussant l’intégralité du concept à l’extrême. La mise en scène est donc un élément clé du film et de son ADN en quelque sorte, et est un sans faute. Quand forcément, l’intrigue tient la route et que les acteurs sont bons, le métrage devient passionnant. Nicolas Cage est excellent en flic légèrement ripou qui ne cherche qu’à se faire une place, Gary Sinise campe un bon agent du gouvernement tandis que Carla Gugino, bien qu’en arrière plan pendant plus de la moitié du film, apporte une part de féminité, en plus de la vérité. Seule petite ombre au tableau en effet, le final, parfois un peu précipité, parfois un peu bancal et facile. Surtout que comme dit plus haut, le final a été en parti retourné, et quelques rapides éléments de la fin originale sont toujours dans le récit, lorsque l’on apprend qu’un personnage a faillit se noyer, ou que l’on voit une grande vague s’abattre sur un véhicule à l’extérieur. Un élément qui n’a pourtant absolument aucune répercussion sur le reste de l’intrigue. Du coup, on a souvent un peu l’impression que tout le film monte petit à petit en puissance pour nous amener à un grand final, qui n’a pas véritablement lieu. Certes le métrage évite au moins une scène trop impressionnante comme pour le final de Mission Impossible, mais il manque malgré tout un petit quelque chose. Rien de catastrophique non plus, puisque le métrage demeure malgré tout un excellent divertissement, en plus d’être tout simplement un excellent film maîtrisé sur quasiment toute la ligne. Le déclin de De Palma n’avait pas encore lieu, contrairement à ce que beaucoup voulaient faire croire.

Les plus

Le (faux) plan séquence d’ouverture
Un film narrativement visuel
D’excellents acteurs

Les moins

Un final un poil facile et précipité

En bref : Malgré quelques petits défauts et facilités, Snake Eyes reste un grand De Palma. Même s’il est vrai que le scénario semble construit pour donner corps à la mise en scène, l’ensemble fonctionne et tient en haleine tout le long.

4 réflexions sur « SNAKE EYES de Brian De Palma (1998) »

  1. Je préfère 20 minutes de « faux » plan-séquence qui a du sens chez DePalma (on revient à Hitchcock et à la Corde) plutôt que 1h30 de faux plan-séquence de Birdman insupportable.
    Effectivement la mise en scène brille et nourrit le film.

    1. Et bien honte à moi, je n’ai jamais vu Birdman. Tout le monde ne parlait que de ça à sa sortie, et ça m’a un peu dégoûté, j’ai perdu tout intérêt pour le film avant même d’avoir cet intérêt, alors que de base, je trouve le cinéma de Innaritu intéressant, même si je n’aime pas tout ce qu’il fait.
      Je ne t’ai d’ailleurs pas oublié pour West Side Story, mais pas encore pris le temps de le voir (nouveau boulot assez tuant, le nombre de films vu a drastiquement diminué depuis trois semaines, mais là je retrouve le rythme, ça arrive).
      Snake Eyes a toujours divisé ses fans par contre j’ai l’impression, déjà à l’époque lorsque je l’avais loué (purée déjà quasi 20 ans donc) j’avais des discussions souvent houleuses sur le cinéma 90 de De Palma. Enfin, c’est toujours mieux que Femme Fatale qui lui se faisait toujours descendre (et que j’aime beaucoup aussi).

      1. J’allais effectivement faire le lien avec ses films suivants qui seront très fraîchement accompagnés et accueillis après le médiocre « mission to Mars » du bout des lèvres. De Palma devient alors un réal en exil, faisant des films européens comme ses aînés (je pense à Nicholas Ray ou Anthony Mann) souvent dénigrés malgré une qualité de mise en scène toujours présente. De Palma à ceci dit toujours été un peu le mouton noir du Nouvel Hollywood.

        1. Mission to Mars est en effet médiocre, enfin la mise en scène est top, tout comme la première heure, mais ce final détruit un peu tout… Femme Fatale j’aime beaucoup, même si c’est vrai que le tournage en digital du début des années 2000 se fait beaucoup ressentir. Le Dahlia Noir bon c’est un gros gâchis dommage.
          Mais oui De Palma, à part quelques petits succès comme Scarface et Les Incorruptibles, a toujours été le mouton noir.

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